De plus en plus, au cours de l'actuelle campagne électorale en vue de l'élection de la Collectivité Territoriale de Martinique (la CTM), le 06 décembre prochain, on entend des gens déclarer :
"Je vais voter pour X au premier tour et pour Y au deuxième tour."
Le plus souvent il ne s'agit pas d'une décision irrationnelle ou fantaisiste car les candidats X et Y appartiennent en gros à la même famille idéologique même si des divergences parfois profondes les séparent. Simplement l'électeur cherche à donner une chance à son favori (en l'occurrence X) tout en sachant qu'il n'a guère de chances d'atteindre le second tour, moment où ledit électeur se rabattra en quelque sorte sur celui des candidats encore en liste qui est le plus proche de X à savoir Y.
S'il s'était agi d'une élection moins cruciale pour le devenir de la Martinique, il n'y aurait rien à redire de cette attitude qui d'ailleurs est assez commune aux municipales ou aux législatives. Sauf que dans le cas qui nous occupe, il y a deux dangers :
. celui de l'abstention au second tour, frustré que peut être l'électeur de voir son candidat favori éliminé. Or, la Martinique souffre déjà d'abstentionnisme chronique, de milliers de gens qui délibérément ignorent le chemin des urnes.
. celui de disperser les voix au premier tour et donc de faire le jeu de la seule et unique liste qui n'est pas concurrencée par une autre liste idéologiquement apparentée à savoir EPMN. Toutes les autres listes, y compris les plus atypiques, ont une, voire deux autres listes qui peuvent être rangées dans le même camp.
Oui, EPMN, répétons-le, est la seule et unique liste qui n'est pas concurrencée par une autre liste idéologiquement proche. Cette donnée beaucoup d'analystes l'oublient ou ne s'en sont carrément pas aperçus. Il s'agit là d'un énorme avantage. En effet, la Droite présente 2 listes, les Indépendantistes 2 listes, les "ouvriéristes" 2 listes et les "atypiques" 2 également. Un électeur peut très bien se dire qu'il votera Philippe Petit au premier tour et Yan Monplaisir au deuxième (ou l'inverse). Ou Gromat au premier tour et Joachim-Arnaud au second (ou l'inverse). Ou Nadeau au premier et Marie-Jeanne au deuxième (ou l'inverse) etc...
L'électeur de sensibilité EPMN, lui, n'a qu'un choix. Qu'une possibilité et une seule.
Comment est-il donc possible de contrer cet avantage de départ ? De façon très simple : il suffit de taire sa sympathie pour X ou Y, de mettre ses affinités personnelles et autres de côté et de voter DES LE PREMIER TOUR pour le candidat de son camp idéologique qui a le plus de chances, raisonnablement parlant, d'atteindre le deuxième tour. Si deuxième tour il y a évidemment...
Il n'est pas facile de prendre une telle décision. Mais dans certains cas, il faut cesser de rêver et de prendre ses désirs pour des réalités. Chacun sait très bien que seules trois listes au grand maximum seront au second tour et même que cela peut être seulement deux listes. En refusant donc un vote réaliste, en se laissant guider par sa sympathie pour X, l'électeur prend le risque de couler Y et donc de provoquer la défaite de son camp idéologique.
Mais qui sait ? Peut-être que certains préfèrent que leur camp idéologique perde pour l'unique motif que ce n'est pas X, leur candidat favori qui est sorti devant, mais le candidat Y, gaspillant ainsi leur bulletin de vote. Descartes disait que la Raison est la chose la mieux partagée au monde, mais il ne parlait pas des électeurs.
Hélas...
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