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Le déclin du livre est une fake news

Le déclin du livre est une fake news

Même si cela semble contre-intuitif face à un horizon toujours plus numérisé, le livre fait mieux que survivre. Il revit avec une nouvelle génération de librairies.

Ces derniers jours, la presse a largement couvert l’ouverture, ce vendredi, d’une nouvelle librairie : ICI, sur les Grands Boulevards à Paris. Présentée comme une «bonne nouvelle» en clin d’œil au nom de la station de métro voisine. Mais ne soyons pas naïfs. Une des raisons qui a motivé ces articles était aussi le fait que dédier 500 m2 à des livres au cœur de Paris et des grands magasins apparaissait comme un acte spectaculaire. A contre-courant. Un défi herculéen insensé. Une mission impossible, limite kamikaze.

En effet, il y a de quoi s’interroger : comment peut-on lancer en 2018 une librairie – qui plus est, une grande librairie – alors que le livre est, comme on le sait tous, sur le déclin ? Sauf que cette idée largement répandue de déclin du livre (et pour certains de disparition totale) est en réalité une fake news. Une construction qui repose sur deux illusions.

Illusion darwiniste et réécriture du passé

La première, tournée vers le futur, c’est l’illusion darwiniste qui voudrait que dans le futur le livre soit tôt ou tard appelé à disparaître. Avec comme idée fausse que chaque nouveau support prétendument plus perfectionné remplacerait le précédent. En référence, on cite toujours à tort ce qui s’est passé pour le marché de la musique. Avec l’ebook, rien de tel. Il n’y a pas eu le tsunami numérique annoncé et le livre papier donne les signes qu’il est appelé à durer. La réalité est plus subtile : avec le numérique les anciens supports continuent de vivre même s’ils sont redimensionnés et un média comme la radio a même été revitalisé par l’apparition des podcasts qui lui assurent de nouveaux modes d’écoute et de nouveaux auditeurs.

L’autre illusion consiste en une réécriture du passé. Car on s’est collectivement inventé le récit d’un éden pré-numérique, un âge d’or fantasmé où avant Internet et les réseaux sociaux nous lisions tous, où en l’absence de smartphones nous discutions cordialement dans la rue ou devisions sereinement sans trolls… Pour notre part, il nous avait échappé que nous étions tous pétris de lectures et que nos conversations avant Internet ressemblaient à celles de Madame du Deffand ou de la marquise de Sévigné.

Deux illusions qui, combinées, agissent comme un trompe-l’œil construisant l’idée d’une disparition du livre qui serait structurellement programmée. Et donc évidente pour tous.

Contrepied de l’ogre

On pourra alors objecter qu’Amazon, lui, n’est pas un trompe-l’œil. Et que se lancer aujourd’hui face à l’ogre de Seattle relève d’une démarche kamikaze en soi. En gros, s’il reste des lecteurs et des livres, les clients, eux, ont disparu. Il serait évidemment absurde de nier qu’Amazon ait eu des effets dévastateurs sur les librairies et provoqué de nombreuses fermetures de librairies. Mais on vit aujourd’hui un retournement de situation tel un twist scénaristique : face à l’ogre Amazon, on constate non seulement une résistance mais même une contre-attaque qui s’organise.

Aux Etats-Unis, comme dans d’autres pays, de nouvelles librairies indépendantes voient le jour. Une nouvelle vague qui se lance non pas en dépit d’Amazon mais, pourrait-on dire, grâce à Amazon. En tournant le risque en opportunité, en prenant le contrepied de l’ogre. En étant pleinement des David face au Goliath Amazon.

C’est précisément ce que comptent faire les deux femmes à la tête de la librairie ICI, Anne-Laure Vial et Delphine Bouétard, comme de nombreuses nouvelles librairies partout en France. Qui n’ont pas, semble-t-il, un tempérament de kamikaze. Si l’une d’elles a quitté Amazon c’est justement pour proposer ce que n’offre et n’offrira jamais Amazon : le conseil, la chaleur, des choix et de la découverte, du festif et du lien social au cœur de la ville.

Même si cela semble contre-intuitif, face à notre horizon toujours plus numérisé – et il ne faut pas compter sur une disparition d’Amazon – le livre fait mieux que survivre. Il peut revivre. Comme une nouvelle expérience avec une nouvelle génération de librairies.

Alors, bien sûr, que la naissance d’une nouvelle librairie fasse l’actualité est une bonne nouvelle. Mais à l’avenir, la bonne nouvelle, c’est que l’on ne trouvera plus cela spectaculaire ou kamikaze.

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