Je veux dormir entre vos âmes foudroyées, sable gris et pierraille pour linceul,
ô pureté du ciel dans le jour qui s'effondre
Je veux entendre la rumeur de vos pas, la litanie de vos rires intranquilles
Le monde à notre entour n'existe plus,
derrière son calme feinteur, il y a l'inénarrable déluge des bombes, des rockets, des missiles, la fureur orangée des éclairs artificiels
Je veux dormir, ô père et toi mère éternelle, ma protectrice, mon étoile et tes deux pierres tombales
entre vos âmes désormais figées,
roulé dans le drap d'écarlate sombre qui ornait votre lit,
Je sais que vous ne m'entendez plus, mais moi, je vous entends,
En moi remonte peu à peu l'Obscur, l'Irréfragable
Je ne suis point triste ni désespéré et cherche dans cette mort éphémère qu'est le sommeil
un chemin ou un sens ou toute autre échappée-belle
Je vous entends marcher souffle après souffle, indifférents désormais à la folie des hommes,
au canon du char qui vous fixe de son œil inquisiteur, tout ce grotesque !
Ces fumées d'avions, graffitis obscènes sur le visage du ciel, et leurs cargaisons d'oiseaux métalliques qui ne voleront qu'un bref instant avant d'irradier le sol
Père ô Père, tu te tiens à mes côtés, j'éprouve ta douce chaleur, ta rudesse d'homme qui savait que la vie est un parchemin dont chaque méandre recèle l'Imprévisible
Mère ô Mère, si je te tourne le dos, c'est pour me blottir contre ton sein comme l'enfant que je fus
J'ai grandi en une nuit comme ces arbres magiques des contes hindous
Ne prenez point chagrin de moi car je saurai vous suivre !
Je m'inquiéterai de chacune de vos avancées dans les ténèbres
Je m'efforcerai de conjurer les affres de l'absence, je chanterai, je rirai, je serai debout
Ne m'abandonnez point, je ne vous abandonnerai pas !