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LE "JOURNAL DE PRISON" DE RAPHAEL CONFIANT (3è partie)

LE "JOURNAL DE PRISON" DE RAPHAEL CONFIANT (3è partie)

   N'eut été le courage et la ténacité de trois vaillants citoyens français, Fred Célimène, Camille Chauvet et Romain Cruse qui n'ont eu de cesse de le dénoncer par mail jour après jour, nuit après nuit, depuis bientôt deux ans et demi, le délinquant Raphaël Confiant aurait continué à se servir à pleines mains dans les caisses de l'université. En toute impunité ! Dissimulé derrière son groupe de recherches en économétrie, le MIACEREG, il s'est employé durant trois décennies à mettre sur pied un système mafieux extrêmement sophistiqué qui lui a permis de siphonner 10 millions de fonds européens attribués à l'ex-Université des Antilles et de la Guyane. Le verbe haut, roulant en Merco dernier cri, roublard dans l'âme, il a, il faut bien le dire, bénéficié de complicités dans la place. Complicités actives ou passives sans lesquelles il n'aurait jamais pu mener à bien ses activités frauduleuses. On assure qu'il tient nombre d'affidés par les "graines", menaçant de tirer le filet, avec eux dedans, tout au fond de l'océan si jamais il en venait à sombrer. 
   Pour l'heure, il dort à la prison de Ducos et il a bien voulu nous confier le journal qu'il a décidé de tenir au jour le jour. Connaissant l'individu, nos lecteurs ne sont pas forcés de croire tout ce qu'il raconte évidemment...

 
                                                                                *** 
 
   Qu'est-ce que ça fait du bien d'être en taule par temps de grosses pluies ? Je regarde, incrédule, les images des communes inondées et je n'en crois pas mes yeux. Ni mes oreilles d'ailleurs. En prison, on n'entend pas tomber la pluie. Au fond, c'est un endroit plutôt calme où l'on ne risque pas de se recevoir une voiture sur la tronche parce que l'automobiliste d'en face a abusé du 55°, ni de se faire braquer comme dans une supérette de la périphérie foyalaise. Ou chez le coiffeur du coin. 
   L'endroit le plus sûr de toute la Martinique, c'est le centre pénitencier de Ducos. On ne le dit pas assez haut ni assez fort !
   Bon, c'est vrai qu'on s'y fait chier comme un rat mort quand on est un intello comme moi qui ai raté à deux voix près le Prix Nobel d'économie il y a quelques "lanné-kannel" de ça. Si cette distinction mondiale ne m'a pas été décernée, c'est à cause d'une cabale menée par une bande de fils de pute d'indépendantistes qui ont adressé au jury de Stockholm tout un dossier sur ma personne. Dossier qui affirmait que j'avais été le principal conseiller économique d'un certain Président de Région de la Martinique qui, lorsque les électeurs l'avaient envoyé paître, avaient laissé un déficit d'un milliard de francs dans les caisses. Pff ! C'était en francs, donc six fois moins qu'en euros, donc qu'est-ce qu'ils avaient à me chercher des poux dans la tête, ces nazes ? Et ces derniers avaient ajouté que le Président suivant avait été contraint de faire un prêt à un taux quasiment usuraire auprès d'un fond de pension américain. "Ces fonds vautours, comme vous ne l'ignorez pas, chers membres du jury du Prix Nobel d'économie, pratiquent des taux absolument criminels" avaient-ils écrit, avec des trémolos dans la plume, "Des taux qui étranglent l'emprunteur. Si bien qu'au bout d'un moment, on a préféré solder la dette pour ne pas finir dans la dèche. Et, messieurs les jurés, savez-vous quel était le nom prémonitoire de ce fond de pension ? Colonial Fund ! Non, vous ne pouvez attribuer le Prix Nobel d'économie au directeur du MIACEREG qui a ainsi largement démontré son incompétence !".
   Bref, ces fils de pute avaient si bien tourné leur argumentation mensongère que les mecs en Suède, ils n'y ont vu que du feu et patatras, je suis tombé du piédestal nobélien d'où je me voyais déjà trôner au mitan des prairies verdoyantes de Ravine Touza. J'ai jamais pu blairer les indépendantistes. Déjà parce qu'ils puent des pieds et de la bouche, mais aussi sans doute du cul quoique je ne l'aie pas vérifié. C'est sûr qu'avec leur gestion de misérables boutiquiers ("un sou est un sou"), ils risquent pas de tomber en déficit. Mais en contrepartie rien ne se fait dans le pays qui se met à stagner. Les investisseurs fuient, l'activité se réduit comme peau de chagrin. Nos cousins Békés font grise mine en dépit de leur blancheur immaculée depuis D'Escambuc. Bonjours les dégâts !
   Putain, mais qu'est-ce qu'ils ont à brailler ce soir, ces conards de taulards à la con ? On peut pas réfléchir cinq minutes dans ce foutu endroit sans que votre cogitation ne soit interrompue par des cris de babouins : "Landjet manman'w, Jilien ! Ou dwé mwen dé patjé sigaret ! Dèmen bomaten, man ké fann tjou'w ba'w, ou ké sav". Et les matons qui n'en ont rien à cirer vu qu'on est tous dans nos cages, derrière les barreaux, et qu'eux, ils ne pensent qu'au tirage du Kéno, puis du Quinté + du lendemain. Certains détenus ont de toute évidence perdu la boule à force de tourner en rond dans leur cellule-boite d'allumettes. Pendant la journée, ils semblent être dans un état second, de vrais zombis, voire des dorlis échappés de "Chronique des sept misères", mais dès que la nuit tombe, ils donnent libre cours à leur dinguerie.
   Bon, je ne suis pas là pour très longtemps. Mon avocat, que je paye très cher, m'a promis de me faire libérer incessamment sous peu. Car à bien regarder, y'a pas grand chose contre moi : usage de faux qu'ils disent. Bof ! Quelques voyages en première classe pour aller claquer la bise à des potes businessmen en Sud-Amérique et pour me faire soigner les dents à New-York. Pas de quoi casser trois pattes à un conard ! Te réjouis pas trop vite, avait tempéré mes ardeurs l'homme en robe noire, y'a tes sociétés de pêche. Là, c'est du lourd ! Et puis, y'a aussi...
   Je l'avais interrompu net ! Non, mais je lui file pas du blé à ce mec pour qu'il me détaille la liste de mes forfaits. Et puis quoi encore ! Bon, je vais essayer de dormir. Vous me faites tous chier ! Ciao ! Extinction des feux ! Les matons ramènent d'ailleurs leur bobines dans un bruit agaçant de trousseaux de clés...
                                                            (à suivre)

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