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Le billet du jour

LE MAIRE EPMN, LA CHARTE ETHIQUE ET LES 150kgs DE LAMBI

LE MAIRE EPMN, LA CHARTE ETHIQUE ET LES 150kgs DE LAMBI

   Dans une île, « étendue de terre entourée » d’eau disent les dictionnaires, surtout une petite île, il est quand même pas drôle d’habiter à l’intérieur des terres, même si l’air y a « des odeurs de sucre et de vanille » pour paraphraser le poète Daniel Thaly dont les vers enchantèrent nos vertes années à l’école primaire. Mais ce qu’il y a de moins drôle encore, c’est d’être maire d’une commune enclavée. Quel que soit l’endroit où vous vous tournez, du haut du balcon de votre mairie, vous ne voyez que des mornes, des savanes ou des rivières, tout cela passablement dégradé en plus par la bétonisation et la bitumisation.

   Non, vraiment pas drôle !

   Alors, vaillamment, vous rassemblez vos émoluments de premier édile et vous vous achetez un bateau. Bon, vous ne pourrez pas l’amarrer à votre ponton personnel comme un banal Béké du François puisque la mer, cette rosse, n’a pas daigné côtoyer votre chère commune. Elle n’est qu’un minuscule point bleuté que l’on aperçoit du haut du morne le plus élevé de cette dernière. Et encore, par beau temps !

   Pas grave ! J’achète mon bateau, je me lance sur les flots bleus de la mer des Caraïbes et je me lance dans la pêche de loisir. Attraper des bonites ou des carangues toutes frétillantes, c’est tout de même mieux que de glisser la main sous les grosses roches des rivières polluées par le chlordécone de ma commune dans l’espoir d’attraper l’une des dernières écrevisses-zabitan ! Sans compter que ce « yich Man Bans » de serpent-fer-de-lance, lui, apparemment, chlordécone, dieldrine, paraquat, round-up et tout ça, il n’en a rien à foutre ! Il est là qui guette, à travers nos campagnes, et pêcher en rivière n’est pas sans risque.

   Ah que c’est bon, le dimanche, de voguer loin des soucis municipaux ! Loin des quémandeurs d’emplois, des « manman-yich » en détresse et des « ti vakabon » en locks qui hantent les abris-bus. L’air est pur en mer et la famille (ou la seconde famille cachée) en profite à plein poumons. Vous vous sentez le roi du monde à ce moment-là et c’est pourquoi, un beau jour, vous vous dites :

   __ « L’arrêté sur l’interdiction de la pêche des lambis, rien à cirer ! C’est bon pour Ti Sonson, marin-pêcheur du coin, mais pas pour moi Sa Majesté le Maire d’une commune certes enclavée, mais qui est tout de même le grenier à blé…heu, à dachines et makandjas…de la Martinique. « 

   Et va y que je te ramasse 2 kgs, puis 5kgs, puis 30 ! Et puis, merde, tant qu’à faire, 150 ! Comme ça tous les parents, amis et alliés en profiteront. Sans compter mes futurs électeurs de la Collectivité Unique de Martinique en décembre prochain. Michaud veillait dans sa chaumière ; moi, Sa Majesté le Maire, je racle les fonds marins pour remplir mon frigidaire. On raconte que la surpêche va faire disparaître l’espèce, mais qu’est-ce que j’en ai à faire moi, puisque dans ma commune enclavée, y’a pas de littoral justement ? C’est pas mon problème, ébé Bondieu !

   Une vedette rapide arrive soudain. Coup de sifflet. Stop ! C’est la douane. Vérification s’il vous plaît !

   Non, mais pour qui ils se prennent ces connards de flics maritimes, hein ? Contrôler le bateau de Sa Majesté le Maire ? Maire EPMN en plus ! Non, mais ça va pas, les gars ! Vous vous êtes regardés des fois ? Bandes de « bitako » ? Vous ne comprenez pas le mot « bitako » ? Bande de « ploucs » alors !

   __ « Nous allons devoir vous dresser une amende pour pêche illégale de lambis, monsieur et… ».

   __ « Tu comprends pas le français, Momo ? Suis le maire EPMN de la commune de Fond Z’Abricots. C’est clair là ? Je suis protégé par « The President of Martinique », moi  ! Donc ta contravention à la con, tu peux te la mettre où je pense, OK ? »

   __ « Désolé, monsieur, maire ou pas, la loi est la loi et le lambi est une espèce protégée et… »

   __ « Je vais appeler de ce pas The President qui appellera son chef, le Préfet de la Martinique, et tu verras que d’ici une semaine, tu seras muté à Carcassonne ! »

   __ « Y’a pas de mer à Carcassonne, monsieur et… »

   __ « C’est ça, marre-toi ! Fous-toi de ma gueule en plus ! »

   Et Sa Majesté le Maire de Fonds Z’Abricots de dégainer son portable pour appeler The President of Martinique lequel contact sur-le-champ son chef, The Préfet of France lequel appelle un subordonné de garde ce jour-là lequel téléphone illico au chef des douaniers pour lui intimer de calmer le jeu. Et voici comment le maire EPMN de la commune enclavée a pu tranquillement regagner ses pénates avec ses 150kgs de lambi et sans la moindre contravention.

   Sauf que le conte (pas créole du tout), le conte mafieux ne s’arrête pas là. Dès le lendemain, The President of Martinique réunit sa garde rapprochée pour un briefing urgent : il faut désormais définir des règles et pour ce faire, rien de mieux qu’une Charte éthique. Sinon le bon peuple va commencer à se poser des questions et ça sera pas bon pour notre image.

   __ « Etique ?  s’exclame un pseudo-historien et vrai aboyeur à plein temps (et karchérisateur de femmes à temps partiel). Pourquoi une chatte maigre, alors qu’on peut en faire une bonne grosse ?

   __ « Mais non » s’énerve The President of Martinique « Ethique avec un « h » ! Et puis d’abord, j’ai dit « charte » et pas « chatte » ! ». Une charte morale, si vous préférez…

   __ « La morale, c’est mon rayon, President », embraye une qui doit 300.000 euros de loyers et qui s’est fait octroyer un prêt, pour un de ses magasins de sandales en faillite, par une société de transport maritime financée par le Conseil général, ce qui lui a valu une mise en examen pour « délit d’abus de biens sociaux ».

   __ « Hé là ! Pas plus que moi ! » intervient le patron de cette société de transport qui vient d’être mis en examen pour « détournements de fonds publics ».

   __ « Du calme ! » intervient un autre qui a été directeur d’une société de paiement en ligne qui a fait faillite, coulant des dizaines de petites entreprises.

   __ «Hé oh ! J’ai mon mot à dire » s’énerve un autre pour qui la Région a voté une subvention de près de 2 millions d’euros pour la construction d’un téléphérique (imaginaire).

   __ « Vous la bouclez tous là ! » beugle The President of Martinique, au bord de sortir de ses gonds. C’est moi qui définirai les articles de cette Charte éthique et nous en discuterons après. » 

   __ « Sauf votre respect, il n’y aura aucun neveu ni fils-petite-main dans le comité de révision de cette Charte, j’espère » bougonne un vieux barbon, dernier rescapé de l’époque glaciaire…enfin césairienne.

   Alors, The President of Martinique se dresse de tout son long et décrète :

   __ « Ecrivez ! Article 1 : aucun membre d’EPMN ne devra se livrer à la pêche illégale de lambis. »

   Puis, silence. Silence de mort. Un ange (démoniaque) passe.

   __ « Heu, sauf vot’ respect, President « se risque presque timidement un brillant universitaire, Prix Nobel de Ravine Touza et ex-dirigeant du MIACEREG « Je propose un article sur la gestion des fonds européens… »

   __ « Pour l’instant, nous parlons des fonds marins ! » le coupe agacé, The President.

   __ « Ben, pour moi, fonds marins ou fonds européens, c’est du pareil au même. Le fric, il finit aux abysses… »

   The President of Martinique roule des yeux furibards comme Zeus du haut du Mont Athos (sauf qu’on est en haut du Morne Trénelle) :

   __ « J’ai dit : NIET ! Cette Charte n’aura qu’un seul et unique article : celui qui concerne la pêche au lambis. Pour le reste, vous pouvez continuer à agir avec toute l’honnêteté qui vous est unanimement reconnue. La séance est levée ! ».

   Et le staff de s’évader bruyamment de la salle de réunion en hurlant de joie comme des écoliers qui viennent d’entendre la sonnerie de la récréation.

   Yé Mistikrik ! Yé Mistikrak !

   C’est pris fin…

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