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Le scandale de la pédophilie dans l’Eglise catholique

Le scandale de la pédophilie dans l’Eglise catholique

Les actes de pédophilie sont abominables. Le bon développement des enfants relève de la responsabilité des adultes. Abuser d’eux est criminel. On ne le dira jamais assez. Et pourtant, c’est ce qu’ont fait des prêtres à travers le monde, trahissant la confiance qui leur était donnée en raison de leur fonction d’autorité religieuse.

Les tentatives de relativiser ces affaires en disant que la majorité des actes de pédophilie se déroulent dans les familles, comme dans les institutions scolaires ou dans d’autres religions n’enlèvent rien à l’ignominie de ces actes. Les fautes des uns n’excusent pas les fautes des autres, surtout de la part de ceux qui se sont engagés dans le célibat consacré et qui ont reçu la mission d’annoncer l’Evangile.

Ainsi donc il faut bien affronter aujourd’hui l’indéfendable.

Tout était resté caché pendant des décennies. Beaucoup d’évêques n’avaient pas voulu prendre au sérieux ces problèmes qu’ils connaissaient de loin, dont ils avaient entendu parler. Il a fallu que quelques cas explosent aux Etats-Unis dans les années 90 pour qu’ils s’en préoccupent réellement, que le bruit enfle de plus en plus jusqu’à devenir un véritable tsunami médiatique qui souffle jusque devant les portes du Vatican.

Si la réaction a tardé, elle a été claire et nette, notamment aux Etats-Unis : en 2002, des consignes très sévères étaient appliquées, retirant de ses fonctions et soumettant à une enquête civile tout prêtre faisant l’objet du moindre soupçon. En France, le jugement condamnant Mgr Pican en 2001, en raison de son silence sur des faits qu’il avait eu à connaître, a choqué l’Eglise de France alors que tous les évêques étaient déjà bien conscients de la politique qu’ils devaient suivre dès les années 901. Voilà seulement une dizaine d’années que la prise de conscience s’est faite et que des mesures très strictes sont prises. Récemment, les révélations des faits concernant les années précédentes ont remis le sujet sous les feux de l’actualité, provoquant un déferlement d’émissions, d’articles, voire de caricatures sur la gestion antérieure de ces crimes par l’Eglise. Il faut bien affronter ce passé qui explose comme une bombe à retardement.

Dès sa prise de fonction et dans ses voyages aux Etats-Unis comme en Australie, puis dans sa lettre aux catholiques irlandais comme dans son récent voyage à Malte, le pape Benoît XVI a exprimé de manière très claire, très forte et très directe sa honte et ses regrets, ainsi que son désir que justice soit rendue. Il a rencontré des victimes à plusieurs reprises, manifestant son émotion et celle de toute l’Eglise. Avec un réel courage, il a repris ce dossier dont il avait déjà eu connaissance comme Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Il n’y a pas de doute qu’il veuille faire toute la lumière nécessaire.

Pour comprendre, sans l’excuser, la politique antérieure de silence, il faut revenir aux mentalités des années 70 et 80 où ont été commis la plus grande partie des actes de pédophilie. Dans une culture de rigueur morale encore très stricte, notamment dans le domaine sexuel, la pédophilie restait taboue, peu connue, enfouie dans les consciences des abuseurs et des victimes, sans information ni médiatisation aucune, ce qui explique en partie la passivité et la négligence des responsables. Des doubles vies s’étaient formées qui n’étaient pas toujours connues et qui sont parfois difficiles à détecter. La peur du scandale a fait le reste, oubliant totalement le bien et l’avenir de l’enfant. L’habitude de l’Eglise d’être constamment sur la défensive devant les attaques du monde l’a fait se refermer sur elle-même devant ces révélations, aveuglant ses responsables devant l’évidence. Il ne fallait pas rendre la vie de l’Eglise encore plus difficile qu’elle n’était par des révélations inconvenantes. La vérité n’était pas bonne à dire.

Il n’y avait pas de système organisé de pédophilie, mais des conditions d’autorité dans des milieux clos avaient facilité ces comportements dans quelques institutions irlandaises, canadiennes ou américaines. Mais ce furent surtout des cas multiples dispersés, connus individuellement et que beaucoup de responsables, quand ils en avaient connaissance, s’accordaient à régler de manière interne sans passer par les institutions publiques et judiciaires. Avertissement, déplacement ou châtiment, les sanctions restaient inexistantes ou internes et les plus discrètes possibles quand elles avaient lieu. La culture du refus de rendre ces affaires publiques par peur des scandales fonctionnait à plein.

De nos jours, quand le mariage n’est plus le seul cadre autorisé des relations sexuelles, et que la liberté sexuelle est totale, la pédophilie est devenue l’ultime interdit, infraction intolérable moralement et légalement, alors qu’elle n’était à l’époque qu’une transgression parmi d’autres. Bien des publications ou journaux faisaient même des ouvertures presque explicites en faveur de la pédophilie.

Ne nous étonnons pas aujourd’hui de l’explosion médiatique qui est à la hauteur de l’incohérence abyssale des actes et des paroles dans le contexte actuel d’exigence d’authenticité. D’autant que l’Eglise se veut la gardienne la plus stricte des comportements sexuels.

La théorie du complot contre l’Eglise ne tient pas une seconde. Les faits sont assez graves en eux-mêmes. Que les médias en aient largement profité, y compris pour vouloir faire tomber des têtes, c’est trop clair. Que quelques anti-cléricaux n’aient pas raté l’occasion pour enfoncer l’Eglise dans ses erreurs, c’est certain. Et que des avocats, notamment américains, aient attisé la hargne des plaignants par appât du gain, cela ne fait pas de doute. Mais les faits justifient largement l’indignation qui s’est levée partout dans le monde et dans toute la presse.

Nous sommes ainsi devant une des crises morales les plus graves de l’Eglise, qui devrait lui rappeler l’humilité de notre commune et mystérieuse humanité. Nous devons aussi nous demander comment des prêtres et des religieux ont pu en arriver là et pourquoi la hiérarchie n’a pas su réagir à temps. Les contextes étaient très différents d’un pays à l’autre. Aux Etats-Unis comme en Irlande, les prêtres recevaient une formation très rigide ; ils étaient souvent isolés, en tout cas loin d’une communauté et de leur évêque. Ils étaient peu entourés et peu soutenus, sans communication facile avec leur hiérarchie. Celle-ci entendait des rumeurs sans vouloir les clarifier, tenant à la bonne réputation de ses institutions.

La question du célibat n’est pas centrale dans ce débat, malgré ce qu’en dit la presse. Le célibat est pratiqué par des hommes et des femmes depuis des siècles et ne mène pas à la pédophilie. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas en discuter, mais pas pour ces raisons. Ce qui est en débat, ce sont les critères d’admission des candidats au sacerdoce ou à la vie religieuse, les conditions de formation des futurs prêtres favorisant ou non la maturité affective, l’ouverture aux regards extérieurs dans les institutions scolaires et éducatives.

Beaucoup de questions restent bien entendu : elles sont d’autant plus complexes que parmi les cas révélés récemment, la majorité a eu lieu dans les années 70, et déjà beaucoup moins dans les années 80, et que la justice ne peut pas intervenir à cause de la prescription. Malgré cela, l’institution Eglise ne peut plus faire le gros dos en attendant que l’orage passe, elle doit écouter et accueillir les victimes, autant que celles-ci l’acceptent. Les décisions pour empêcher les actes de pédophilie dans l’Eglise ont été prises il y a dix ans ; vient aujourd’hui le temps de la reconnaissance des fautes passées et de la guérison des victimes par l’écoute et l’attention à leur histoire. A l’Eglise de faire maintenant un pas sans attendre vers ceux qui ont été blessés par ses prêtres. Elle devrait aussi se poser des questions plus clairement sur les processus qui ont amené au silence devant tant d’affaires. Etant donné l’importance et la complexité du sujet, nous y reviendrons dans un article prochain. Nous voulions par cet éditorial manifester notre préoccupation pour un sujet que nous ne pouvions pas aborder sans information sérieuse.

Note

  • 1.

    La Conférence épiscopale de France avait édité en juillet 1998 un Documents Episcopats intitulé « A propos de la pédophilie ».

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