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Le succès international de Kassav’ le prouve : le zouk, c’est du sérieux

Le succès international de Kassav’ le prouve : le zouk, c’est du sérieux

Pendant que la France métropolitaine glosait sur une machine à danser, le groupe antillais jouait dans le monde entier en forçant le respect des plus grands musiciens. Analyse du phénomène, alors que Kassav’ donne un concert géant pour ses 40 ans à La Défense Arena.

« J'ai donné à Marcus [le bassiste et producteur Marcus Miller, ndlr] l'album d'un groupe qui s'appelle Kassu. Vous en avez déjà entendu parler ? Ils font un rythme qu'ils appellent zouk, un style qu'ils appellent zouk... Ils ont une section de cuivres française, ça sonne afro-cubain, mais ils mettent de la samba et de la rumba ensemble, des beats africains, du rock contemporain... et ça sonne bien ! » Ainsi parlait Miles Davis de Kassav' qu'il désignera même, dans son autobiographie, comme la musique du futur au même degré que celles de Prince et Fela. Cette interview des années 1980 est reproduite dans Kassav' – 40 ans d'histoires, un documentaire de Benjamin Marquet (diffusion en juin sur France 3) dans lequel Marcus Miller confirme l'anecdote : « Un jour, il m'appelle et me dit : “Mec, jette une oreille à ce groupe qui s'appelle Kassal'.” Je lui réponds : “Kassal' ? Comment t'écris ça ?” Et lui : “J'en sais rien ! Met la main dessus, parce que c'est mortel.” On a pris quelques éléments et on les a utilisés sur un morceau de Miles, Amandla. C'est l'un de mes groupes préférés. »

De New York à Tokyo

Quarante ans après sa formation, une longévité remarquable en soi, Kassav' fêtera son anniversaire, samedi, devant les 40 000 spectateurs de Paris La Défense Arena. Encensé par Miles Davis et une ribambelle de stars internationales questionnées dans le même documentaire (Nile Rodgers de Chic, Wyclef Jean de Fugees, Alpha Blondy, Peter Gabriel, Youssou N'Dour...), le groupe continue pourtant de susciter des réflexions goguenardes en métropole. « On se heurte toujours à une forme de condescendance qui résulte d'une méconnaissance, déplore François Pinard, producteur de Kassav' depuis 1995. Le groupe est caribéen d'abord, international ensuite, et plus proche de Nile Rodgers ou de Wyclef Jean que des artistes métropolitains. Chez nous, l'image est celle d'une musique à danser, sympa mais sans crédibilité. Or, la perception est totalement différente partout ailleurs. Quel autre groupe français a autant joué à l'étranger, sur une durée aussi longue et avec un succès jamais démenti ? En filigrane, cette anomalie questionne la relation de la France avec ses anciennes colonies. »

“Si le DJ n'avait pas de Kassav', le DJ n'avait pas de soirée”

Fondé en 1979 en Guadeloupe, mais accueillant également des membres martiniquais, Kassav' a signé le tube Zouk la sé sèl médikaman nou ni, en 1984, et propulsé le zouk en synthétisant les musiques antillaises (bèlè, gwo-ka, biguine, kompas, kadans, calypso, cadence-lypso) et le combo claviers-boîtes à rythmes – à l'œuvre dans les studios parisiens – du funk nord-américain. L'époque est aux métissages – c'est la « sono mondiale » actuellement décryptée dans l'exposition Paris-Londres – Music Migrations (1962-1989) au Musée de l'histoire de l'immigration. Mais pendant que le reggae, la salsa ou l'afro-beat se mêlent au jazz, au punk ou au hip-hop, la France ne prend pas le zouk au sérieux, malgré ou en raison de son succès populaire. « En métropole, il a souffert du dénigrement dodouiste et, aux Antilles, il s'est heurté au complexe culturel lié à la colonisation », analyse Gérald Désert, spécialiste qui organise le colloque international « Le zouk : trajectoires, imaginaires et perspectives » (19 et 20 juin à l'université des Antilles), à l'occasion des 40 ans de Kassav', « promoteur de la conscience créole antillaise ». Ce caractère identitaire, généralement ignoré par le public français occupé à danser sur Syé bwa dans les mariages et les campings, attisa pourtant la curiosité du public étranger. « Ils étaient peut-être Américains, de Louisiane par exemple, avec un apport créole... Au début, c'était difficile à identifier », se souvient Nile Rodgers dans le documentaire de Benjamin Marquet alors que Wyclef Jean raconte que, quand le zouk est arrivé dans les clubs new-yorkais, « si le DJ n'avait pas de Kassav', le DJ n'avait pas de soirée ».

« Kassav' a eu beaucoup de succès, de New York à la Floride, où la diaspora est la plus implantée. Mais le groupe s'est aussi produit dans des salles à guichets fermés pour un public bigarré, et pas seulement caribéen ou afro-descendant », observe Frédéric Lefrançois, qui enseigne à l'université des Antilles. Aujourd'hui encore, chaque concert américain attire 2 000 à 3 000 personnes et la tournée des 40 ans, qui se poursuivra en 2020, devrait passer par deux institutions que sont le festival de jazz de la Nouvelle-Orléans et l'Apollo Theater de New York. Les Etats-Unis où Jimmy Buffet a repris Kolé Séré (avec Steve Winwood aux claviers !), alors que Gérald Désert repère l'influence du zouk chez Michael Jackson (They Don't Care About Us) et Justin Bieber (Sorry). « On fait plus de monde à Londres, Lisbonne ou Amsterdam qu'à Lyon, Bordeaux ou Toulouse », constate le producteur François Pinard qui, en octobre, conduira pour la première fois Kassav' aux Fidji et au Vanuatu. Le groupe tourne aussi en Colombie, au Panama ou au Suriname, alors que les stars Chayanne (Puerto Rico) et Ana Gabriel (Mexique) ont respectivement repris Syé Bwa et Rété. Même le Japon a cédé : « Quand le groupe est arrivé à la fin des années 1980, il était étiqueté “world music from Paris” », raconte Miho Watanabe, enseignante à l'université de Waseda. Aujourd'hui encore, les soirées « Séduction tropicale » du Zu-Bar, dans le quartier tokyoïte de Shibuya, ne se privent jamais de jouer un Kassav' dont les disques sont régulièrement réédités en vinyles.

Mais le continent de Kassav', c'est l'Afrique. « Kassav' n'est pas français, assène Alpha Blondy dans le documentaire. Kassav' fait une musique africaine et l'Afrique a épousé Kassav'. » Dans les années 1980, les K7 pirates du groupe rivalisaient, sur les marchés ivoiriens, avec celles de Bob Marley et Michael Jackson. A chaque concert en Afrique lusophone, les foules sont considérables. Même pendant la guerre civile angolaise, les combats cessèrent pour permettre à Kassav' de jouer à Malanje, près de la ligne de front. Aujourd'hui, les deux seuls festivals de zouk au monde ont lieu à Maputo (Mozambique) et Luanda (Angola) où se trouve aussi la Maison du zouk, un musée devant lequel trône la statue de Pierre-Edouard Décimus, fondateur du groupe et où les autres membres historiques (Jocelyn Béroard, Jacob Desvarieux, Jean-Philippe Mathély, Jean-Claude Naimro, Georges Décimus et le regretté Patrick Saint-Eloi) ont aussi leurs portraits. Ce succès international démontre surtout le caractère universel des musiques créolisées dont Kassav' incarne l'une des expressions les plus sophistiquées, en y ajoutant son appétence pour les fêtes du tonnerre : le public de l'Arena ne réfléchira pas tant au moment de lever les mains, bouger les hanches et reprendre les hymnes entonnés depuis quatre décennies.

 

Document: 

ZOUK - KASSAV' - MWEN ALE - LE CLIP / ORIGINAL VIDEO

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