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Le tamazight enseigné en Algérie est une "langue-monstre" que personne ne comprend

Dakha DRIDI (in "Huffingtonpost Maghreb")
Le tamazight enseigné en Algérie est une "langue-monstre" que personne ne comprend

   La quantité en attendant la qualité, il semble que ce soit la réponse, par défaut, qu’a choisie le gouvernement à ceux qui manifestent en Kabylie pour demander la “promotion de tamazight”.

   A ceux-là donc, les hommes et femmes du gouvernement aiment bien répondre par les chiffres. 350 000 élèves, trente-huit wilayas, c’est en gros comme cela que la ministre de l’Education, suivie d’Ahmed Ouyahia, résument l’enseignement de tamazight en Algérie. Ce que ne disent ni Benghabrit ni Ouyahia c’est que les élèves à qui on enseigne “tamazight” partout en Algérie et y compris en Kabylie fuient les cours de cet enseignement parce qu’ils ne comprennent pas ce qui est enseigné, parce qu’ils ne reconnaissent pas cette langue qui est supposée être leur langue maternelle. Ce ne sont pas vraiment les langues berbères telles qu’elles sont parlées par leurs communautés que les écoliers de Kabylie, du Mzab, du pays chaoui ou targui apprennent lorsqu’ils vont en cours de “tamazight” mais autre chose.

   En vingt ans d’enseignement de tamazight, “c’est une langue artificielle, inventée dans un laboratoire, que personne ne comprend, que personne ne parle” que l’on tente d’inculquer aux élèves, explique le chercheur et linguiste algérien Abderrezak Dourari. Abderrezak Dourari qui dirige un centre étatique de recherche et réflexion sur l’enseignement de tamazight (Centre national pédagogique et linguistique pour l’enseignement de Tamazight) revient sur cet échec pédagogique qui, dit-il, est le même échec au Maroc, en expliquant que les erreurs commises avec l’arabisation ont été répétées avec l’enseignement de tamazight, devenu une entreprise de “reberbérisation”. “Tamazight n’a jamais eu d’existence historique. Ils ont produit une langue artificielle qu’ils ont appelée tamazight et avec laquelle on a traduit la Constitution mais quelle est l’utilité de cette langue artificielle mis à part flatter notre ego? Elle n’a aucune chance de survivre et c’est cette langue qui est enseignée à l’école”, dit Abderrezak Dourari.

   Ce qui a commencé par être une victoire politique éclatante avec la consécration de l’enseignement des langues berbères par la constitution algérienne a fini par se transformer en une “langue-monstre” que personne ne comprend, y compris ceux qui l’ont créée. En gros, explique Dourari, ce sont les instances politiques comme le HCA et non les linguistes qui ont inventé cet “artéfact”, obsédés et aveuglés par “le désir d’être Un, le désir d’une langue moderne, le désir de fus’ha de tamazight”. Que l’on soit écolier au Mzab, dans le pays chaouia ou en Kabylie, cette “langue inventée” que l’on apprend à l’aide des manuels de l’Education nationale est donc partout la même, largement basée sur le kabyle, parce que ceux qui la “fabriquent” utilisent les deux célèbres ouvrages de Mouloud Mammeri (le dictionnaire et le précis de grammaire berbère). En réalité, les textes en “tamazight” (que l’on enseigne ou les documents officiels, les affiches publicitaires, etc) n’existent jamais au départ comme des “textes en langue amazighe”, ce sont toujours des traductions du français ou de l’arabe, traductions élaborées de manière acrobatique en utilisant le lexique de Mammeri. 

   Alors même que les ouvrages de Mouloud Mammeri ne sont pas le résultat d’un travail rigoureux de linguistique, rappelle Abderrezak Dourari, qui regrette que l’aspect pluriel de la langue berbère ait été complètement mouliné dans un processus d’unification qui a, semble-t-il, été fait au coup par coup et sans véritable réflexion préalable. La seule pluralité linguistique qui semble échapper au mixeur de l’unification est la graphie: le choix n’est pas dicté par le ministère de l’Education qui veille à la présence des trois alphabets (arabe, tifinagh ou latin) dans les manuels scolaires et qui laisse le choix de la graphie aux enseignants.

   “Dans le monde chaouiya et au Mzab, on préfère l’alphabet arabe, en Kabylie, on préfère l’alphabet latin et les Touarègues eux préfèrent le tifinagh”, explique Abderrezak Dourari pour qui il est important de préserver cette liberté de choix et cette pluralité.

   Préserver la pluralité des langues berbères algériennes, les recueillir auprès de ceux qui les parlent, commencer à rassembler des corpus pour chacune de ses variétés, pour qu’elles soient enseignées de manière effective et attractive, ce serait le rôle d’une académie des langues berbères (prévue par la Constitution) qui n’a pas encore vu le jour mais dont les linguistes de ce pays espèrent qu’elle redonnera, enfin, la parole berbère aux scientifiques. Et à la raison.

 

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