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L'ECRIVAIN LOUIS-PHILPPE DALEMBERT S'INSURGE !

L'ECRIVAIN LOUIS-PHILPPE DALEMBERT S'INSURGE !

En Haïti, la littérature ne plaît pas à tout le monde. Voici la lettre envoyée de Port-au-Prince (Haïti) par Louis-Philippe Dalembert aux prises avec la petitesse rance et le colonialisme sordide.

Louis-Philippe Dalembert est écrivain et auteur d’une thèse de doctorat en littérature comparée sur l’écrivain cubain Alejo Carpentier (université de Paris III-Sorbonne Nouvelle).

Derniers titres parus : Les dieux voyagent la nuit Le Rocher, 2006,
Epi oun jou konsa tèt Pastè Bab pati (en créole), Éditions des Presses Nationales, 2008,
Le roman de Cuba, Le Rocher, 2009.

Cher Michel Le Bris,

Je ne sais plus si j’ai encore envie ni si, même en le voulant, je pourrai participer à l’émission La Grande Librairie à prévue le 28 janvier prochain en hommage aux victimes du tremblement de terre en Haïti. En tout cas, un certain M. Hervé Lebarbé m’a menacé, ce midi, de ne pas me laisser partir demain mercredi 27, malgré l’autorisation écrite déjà apposée sur mon passeport par la personne en charge. Dans cette situation difficile que nous vivons tous ici, je n’ai pas, en plus, envie de faire face aux préjugés de ce monsieur qui, visiblement, en a après les Haïtiens.

Tout a commencé à mon arrivée à la résidence de l’ambassadeur, le Manoir des Lauriers, où ont rendez-vous ceux qui souhaitent partir (repartir, dans mon cas) d’Haïti pour aller en Guadeloupe d’où ils peuvent prendre un avion pour Paris. De nombreuses personnes sont agglutinées devant la barrière de la résidence. Malgré la tension, l’ensemble des gendarmes en charge de la sécurité reste d’une grande courtoisie. Il convient à la fois de le souligner et d’apprécier à sa juste valeur leur fair-play. Idem pour le personnel de l’ambassade, en particulier Mme Chantal Roques. Jointe au téléphone, elle m’avait suggéré de préciser ma situation d’écrivain invité à la deuxième édition du festival Etonnants Voyageurs qui, comme vous le savez, n’a pu avoir lieu à cause du séisme.

Tout le monde est donc très courtois, sauf ce monsieur que, à un moment, j’entends traiter les gens en attente de « bande de bourriques qui ne comprennent ni le créole ni le français ». Pour ma part, tandis qu’il vise mon passeport, après lui avoir fait savoir que je suis le dernier écrivain invité d’étonnants voyageurs à ne pas être encore reparti, je lui demande si, à sa connaissance, il y a un avion prévu aujourd’hui. J’ai droit à : « Ici, on ne fait pas de la littérature », alors qu’il vient juste de répondre à deux journalistes français qui lui avaient posé la même question de revenir vers 15 heures… Je n’ai, bien entendu, pas relevé la provocation. Une fois à l’intérieur, tous ceux qui sont passés par ses fourches caudines ne cessent de se plaindre de son arrogance. D’après ceux-là, certains ont l’air de bien le connaître, il serait venu en renfort de Guadeloupe.

Une heure plus tard, une dame, peut-être du service consulaire, procède à un dernier contrôle des passeports, destiné visiblement à établir les priorités. Monsieur Hervé Lebarbé est assis à ses côtés. Une Française d’origine haïtienne, venue de province, et qui en est à sa quatrième tentative de départ depuis samedi, a le malheur de demander à la dame s’il y a un avion prévu dans la journée. M. Lebarbé, qui décidément apprécie les formules provocatrices, intervient pour dire : « Ici, ce n’est pas un aérotap-tap » ; le tap-tap, comme tu le sais, désigne les taxis collectifs en Haïti. Il n’a pas d’heure de départ ni d’arrivée.

Après nous être fait dire qu’il n’y a pas de vol prévu aujourd’hui et de revenir le lendemain, certains d’entre nous sont restés dans la cour de la résidence en attendant qu’on vienne nous chercher. A l’invitation d’une autre dame, M. Barbé s’approche et nous demande, en hurlant, de ne pas rester dans la cour. Ce que, soit dit en passant, il n’a pas cessé de faire chaque fois qu’une voiture pénétrait ou sortait de la cour. Cette fois-ci, je lui demande de s’adresser aux gens sur un autre ton. Il nous doit, ai-je ajouté, au moins le respect. Ce à quoi il répond qu’il a le droit de nous adresser la parole comme bon lui semble, et que nous pouvions, si nous le voulions, porter plainte : « Je n’en ai rien à branler », dit-il en appelant les gendarmes. En ce qui me concerne, s’est-il adressé à moi en particulier, je n’aurai qu’à prendre un avion privé, car il ne me laissera pas rentrer à la résidence.

Au moment où des marques de sollicitude nous viennent du monde entier, en particulier de la France, voilà comment ce monsieur Lebarbé se permet de traiter les gens. Je tenais, cher Michel, à ce que tu le saches.

Bien amicalement,

Louis-Philippe Dalembert

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