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Lecture (littérature martiniquaise, roman) : Patrick CHAMOISEAU, "J’AI TOUJOURS AIME LA NUIT", Sonatine, 2017

P. Larenco
Lecture (littérature martiniquaise, roman) : Patrick CHAMOISEAU, "J’AI TOUJOURS AIME LA NUIT", Sonatine, 2017

Quelle langue savoureuse ! Quel riche vocabulaire, émaillé de termes et de tournures locales ! Quel style puissant et inventif !

Il y a longtemps que je n’avais lu de polar, de roman noir si original. On y est littéralement scotché, au point que, si l’on y prenait garde et si l’on ne voulait pas à toute force « faire durer le plaisir », on serait bien capable de le terminer en seulement quelques heures d’affilée en dépit du fait qu’il ne compte pas moins de 325 pages.

Baroque, flamboyant, mais dans le même temps féroce, tragique, ce polar qui nous capture n’est pas sans me faire penser, par certains côtés, à Chester HIMES. (*)

On y sent, hyperprésente, comme densifiée quoique quelque peu transfigurée, l’âme d’un pays, la Martinique contemporaine, aussi sensuelle et amoureuse de la vie qu’explosive, violente. Les deux héros mis face à face y sont, malgré tout ce qui les oppose, deux âmes profondément semblables, tant dans leurs valeurs que dans leur trouble, l’avers et le revers d’une même pièce de monnaie auxquels l’auteur confère une dimension aux frontières de l’archétype. Elles expriment le même malaise abyssal. La même quête de SENS, dans une société que gangrènent, délitent tous les maux de la mondialisation et des deux Amériques.

Une île à la dérive, affublée d’une jeunesse de plus en plus paumée, de plus en plus coupée de ses racines réelles. Un total, brutal, cruel état de rupture entre ces jeunes et leurs parents, leurs éducateurs démissionnaires et/ou absents.

Tout cela sur fond de superstitions, de présence de l’invisible toujours vivace. Avec, en prime, un zeste d’évocation de figures poétiques majeures de la littérature francophone caribéenne, et une ode à la poésie : Les poètes […] cheminent au gré des fulgurances.

Le goût de tous les plaisirs de la vie (y compris les plaisirs mentaux) et le fond de gentillesse, de tendresse et de compassion profondément créoles côtoient ici le dégoût, sous la forme d’une nausée quasiment sartrienne, couplée à une colère-violence à fleur de peau, toujours menaçante. Les passions portées à la plus excessive des incandescences (haine, mépris, désir de justice, obsession du profit facile, immédiat…) s’y trouvent exposées à cru, mais par le biais d’un mode d’expression simultanément lyrique (je dirais même quelquefois hyperbolique, si ce n’est précieux) et glacial qui a de quoi nous étonner et, assurément, nous atteindre.

La Vie, la Mort. Telles sont les deux véritables protagonistes de cette intrigue très sombre.

Toutes deux se donnent rendez-vous au mitan d’une arène décrite comme sinistrée : la scène sociale d’une petite île, hélas, en voie de perdition.

De sa première à son ultime page, ce livre est un hoquet ; un cri de vitalité et de peine, poussé d’une voix vigoureuse :

Je pus y pénétrer comme un mauvais cyclone, et m’adresser à ce personnel de nuit pour leur parler de notre petite Martinique, […] de la déshérence spirituelle et mentale, de cet alcool qui faisait des ravages dans sa détresse, de cette détresse qui déconstruisait toute unité de leur personne, de cette folie désemparée des parents et nous tous qui laissions tant de déchéances se développer auprès de nous, parmi nous et en nous…Miserere nobis !...

P. Laranco

(*) Écrivain afro-américain (1909/1984), auteur de romans policiers ayant pour cadre le Harlem du XXe siècle.

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