Toutefois, ce pour le moins affligeant constat s'agissant d'une terre qui a donné au monde le tranpaj en matière de cuisine, la Négritude en matière de littérature, le zouk en matière de pharmacologie, la ratiè en matière de chasse à courre, le koké manman'w en matière de salutation matutinale etc...etc..., est contredit depuis quelque temps. En effet, une rumeur bruit dans le petit milieu de la science politique mondiale : Madinina/Matinino a ou aurait inventé un nouveau concept. Un concept flambant neuf !
Et ce concept s'énonce ainsi : l'indépendance footballistique.
WOUAWWW ! se sont écriés tous les politologues de France, de Navarre, du Tadjikistan, du Boutan et de Nauru (26KM2 flottant sur l'océan pacifique__oui 26__et disposant d'un siège à l'ONU car pays indépendant). Et aussitôt de dépêcher leurs experts à Madinina/Matinino pour voir de quoi il s'agit et tenter de comprendre le pourquoi du comment. Mais à leur arrivée à l'aéroport, ils virent flotter le drapeau français. Pire : les policiers qui contrôlèrent leurs passeports et douaniers qui contrôlèrent leurs bagages arboraient des écussons bleu-blanc-rouge sur les manches de leurs uniformes. Et sur l'unique (moignon) d'autoroute de l'île, des deux côtés, ils virent défiler des enseignes françaises : BUT, TONTON TAPETTE, LECLERC, CARREFOUR, LA CAISSE D'EPARGNE, MONSIEUR BRICOLAGE et tutti quanti. Bon, ils en aperçurent quand même qui étaient allogènes, enfin exogènes : TOYOTA, MERCEDES-BENZ et autres.
Et à leur hôtel, ouf !, point besoin de jargouiner l'idiome local : tout le personnel s'exprimait dans la langue de Jamel Debouzze. Bon, avec, parfois, quelques criailleries dans ce dialecte inconnu que dans leurs éminentes cervelles, nos politologues venus du monde entier nommèrent le madininien. Dès le lendemain matin, au chant du pipiri, ils se précipitèrent à l'Alma Mater de Ravine Touza afin de discuter de ce tout nouveau concept, ce concept flambant neuf, avec leurs alter ego indigènes. Ces derniers, prévenus la semaine précédente, avaient convié à cette réunion les penseurs de l'OFM (Organisation Footballistique Madininienne). La réunion dura six heures et des poussières.
Politologues madininiens et footballlologues madininiens expliquèrent à ces ignares de politologues étrangers les tenants et les aboutissants de ce concept flamboyant de nouvelleté : l'indépendance footballistique. Cela consistait pour la sélection de football de l'île de devenir membre à part entière de la FIFA (Fédération Internationale de Football) et donc à participer à toutes les compétitions internationales, notamment la Coupe du Monde. Et avec donc le droit d'utiliser les footeux pros madininiens exerçant dans les championnats étrangers...
Un silence sidéral s'ensuivit.
Puis, un enfoiré de politologue nippon de demander avec sa petite voix caquetante : "Si la Coupe du monde se déroule, disons, au Paraguay, avec quel passeport entrerez-vous dans ce pays ?". Et un autre, visiblement belge avec sa gueule de frite, d'enfoncer le clou : "Faudra faire gaffe à changer vos euros en dollars avant d'arriver dans la République de Papouasie-Nouvelle-Guinée le jour où la World Cup se déroulera là-bas car ils ne connaissent pas la monnaie européenne !". Et d'autres parmi ces éminents universitaires de harceler leurs collègues madininiens de questions : quid de l'indépendance alimentaire ? quid de l'indépendance énergétique ? quid de l'indépendance commerciale ? quid de l'indépendance linguistique ? Et un politologue burkina-fassien, drapé dans un fascinant boubou bleu ciel, d'enfoncer encore davantage ledit clou : quid de l'indépendance politique ?
Les politologues madininiens en demeurèrent ababa-djol-koulé ce qui en bon français signifie "abasourdis".
Toutefois le coup de grâce vint d'un politologue taïwanais qu'on devinait être un pince-sans-rire :
"Et si à un stade ou un autre de la Coupe du monde, huitièmes de finale, quart de finale, voire même demi-finale, votre équipe madinino/matininienne doit affronter l'équipe de...France, que ferez-vous ? Que décideront vos instances dirigeantes ?".
Aucun politologue indigène n'étant capable de répondre à cette pour le moins dérangeante question, ils se mirent tous, ces têtes à claques, à parler subitement en madininen (idiome pourtant abhorré par eux) juste pour clôturer la séance et faire fuir ces enquiquineurs d'étrangers incapables, eux, de comprendre la profonde, l'immense portée de ce concept d'indépendance footballistique...
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