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Les Antilles démunies face à l'invasion des sargasses

Les Antilles démunies face à l'invasion des sargasses

Le gouvernement a annoncé de nouvelles mesures contre les algues brunes qui peinent encore à convaincre les élus. Ces derniers sont convaincus qu'une nouvelle crise sanitaire se profile après le scandale du Chlordécone.

« Vous venez ici bien tard... » Début juin, c'est par ces mots que la présidente du Conseil départemental de la Guadeloupe, Josette Borel-Lincertin, a accueilli Nicolas Hulot et Annick Girardin en visite sur l'île. Une façon de souligner l'ampleur du désastre provoqué par l'invasion des sargasses, ces algues brunes nauséabondes qui polluent les plages et les ports locaux : « Tout au long de votre court passage chez nous, a insisté l'élue, vous allez rencontrer de la colère, de l'exaspération, de l'incompréhension, du découragement, et du ressentiment... »

Le ministre de la Transition écologique et la ministre de l'Outre-mer  ne sont pourtant pas venus les mains vides  : pour lutter contre les sargasses, ils ont annoncé une enveloppe de dix millions d'euros sur deux ans.

Sentiment d'impuissance

Mais sur place, le sentiment général est que les autorités ont mis trop de temps à prendre la mesure de la catastrophe. Dès 2011, l'île subit en effet des échouages à forts volumes de sargasses. Mais à l'époque, personne ne semble vraiment s'alarmer. Il faut dire que ces algues ont toujours existé.

Les phéophycées - l'autre nom des sargasses - s'accumulaient jusqu'au large de la côte Est des Etats-Unis dans une zone au courant calme, appelée la mer des sargasses. Mais une autre zone apparaît au large de l'Amazonie, nourrie par la déforestation et les cultures intensives.

 

Ainsi, les algues se sont multipliées. Arrivant par vagues. Avec des années sans, mais aussi des années intenses comme entre 2014 et 2015. Au point de susciter enfin, les interrogations et pousser à effectuer des recherches sérieuses.

En 2016, les premiers plans gouvernementaux apparaissent. Onze millions d'euros doivent être débloqués pour le ramassage. A l'époque, Les Echos constatait déjà « une forme d'impuissance, dans l'attente de la prochaine vague » de la part des acteurs locaux. Et cela en raison de facteurs d'ordre économique : peut-on mettre beaucoup d'argent pour traiter le problème, alors « que la matière première n'est pas garantie », s'interroge Olivier Nicolas, directeur du cabinet de la présidence du Conseil départemental.

En clair, les autorités craignent de jeter de l'argent par les fenêtres, dans l'hypothèse où les échouages massifs s'arrêteraient, comme en 2012 et 2013. « A l'époque, il y a eu cet espoir qu'il y aurait des années sans sargasses ».

Finalement, ce sera surtout des années avec. Et les échouages seront de plus en plus importants. Désormais, les bancs de sable sont quasi-invisibles, cachés sous les algues. Surtout, si elles se bornaient auparavant à quelques sites, les algues touchent désormais les plages les plus fréquentées. On recense plus de 1.500 tonnes de sargasses échouées par jour.

Mésentente sur les mesures

Les autorités locales multiplient les initiatives. Des navires censés enlever les algues en pleine mer sont mobilisés. On les appelle les « Sargator » ; mais là encore, l'affaire peine à convaincre. Car les algues arrivent par bancs de plusieurs kilomètres. Et l'effet masse n'intervient qu'une fois qu'elles ont échoué sur les côtes.

Le 12 juin, à la suite de leur visite en Guadeloupe, les deux ministres Hulot et Girardin annoncent pourtant des mesures pour mettre en place le ramassage « en moins de 48 heures » : renforcement de la recherche et l'innovation, mise en place d'un réseau de suivi et de prévision des échouages...

Mais qui doit prendre en charge ce plan ? Qui paye : l'Etat ou les collectivités ? Se pose en outre la question des entreprises touchées, alors que les sargasses endommagent les moteurs des canots de pêches ou encore le matériel électrique des restaurants de bord de mer.

Mais les dommages ne sont pas pris en charge par les assurances, pour l'instant. Les sargasses ne sont pas considérées comme catastrophe naturelle. L'Etat dit vouloir inscrire un « risque sargasse » dans les contrats. Mais selon les collectivités, cet ajout risque surtout d'enchérir le coût des assurances.

La crainte d'une crise sanitaire

En clair, sept ans après l'arrivée des premiers échouages volumineux, les discussions se poursuivent, mais aucune solution pérenne n'est trouvée. Des appels d'offres sont lancés pour tenter de valoriser ces algues. Une société guadeloupéenne et marocaine veut brûler les sargasses et les transformer en énergie électrique. Mais là, encore rien n'est fait. En attendant, les sargasses occupent les JT, les conversations et même des sketchs sur Internet, certains Antillais utilisant l'humour pour dénoncer l'inaction. « Mieux vaut en rire », lit-on dans les commentaires.

 

Ces Antillais qui friment à la plage by Nina Cer


Au fond, c'est une crainte plus profonde qui s'installe. En se décomposant à l'air libre, les algues libèrent du sulfure d'hydrogène et de l'ammoniaque, générant des troubles de santé. Les écoles à proximité commencent à fermer leurs portes. Les baignades sont interdites, en pleine saison touristique.

Pollution des nappes

Des élus à l'instar de la vice-présidente du Conseil régional de Guadeloupe, Sylvie Gustave dit Duflot, affirment que les algues se chargent de polluants durant leur trajet et contiennent désormais des métaux lourds. De plus, pour débarrasser les plages, les autorités épandent les algues, une fois décomposées, sur des sols. La crainte d'une pollution des nappes phréatiques, notamment au sodium, vient s'ajouter aux risques sanitaires. « Le principe de précaution ne joue pas. Un vrai sujet n'est pas traité », s'alarme Olivier Nicolas.

En fait, nul ne connaît les conséquences de ces épandages sur les sols. Mais les nappes guadeloupéennes  sont déjà polluées par le chlordécone , un pesticide utilisé entre les années 70 et 90 dans les bananeraies, reconnu comme perturbateur endocrinien, qui a intoxiqué les sols pour des siècles. Le chlordécone est désormais considéré comme cancérogène, neurotoxique et reprotoxique. Il est soupçonné d'augmenter fortement le risque de cancer. Pour cette crise-là, il est déjà trop tard. Qu'en sera-t-il de la nouvelle ?

Jean-Philippe Louis

 

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