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« Destinée d'une cargaison de traite clandestine à la Martinique (1822-1838) »

Les Ibos de l'Amélie de Françoise Thésée.

Marie-Noëlle Recoque Desfontaine
Les Ibos de l'Amélie de Françoise Thésée.

   Au Congrès de Vienne, en1815, les grandes puissances européennes décident de mettre fin à la Traite, qui se poursuivra pourtant en dépit des interdictions. On note même un accroissement des expéditions, les négriers bénéficiant de la complicité des autorités de répression. La traversée transatlantique, compte tenu de son illégalité, gagne encore en inhumanité. Les Africains sont entassés dans des bateaux plus petits pour faire diversion et la route empruntée est différente, plus longue.

   A l'arrivée les captifs sont en très mauvais état de santé, ils sont nombreux à mourir dans les années, voire dans les semaines qui suivent. A noter que de nombreux navires, faute de pouvoir accoster dans les conditions de sécurité habituelles, se jettent sur un rivage inhospitalier. Les bâtiments éventrés livrent aux abysses des cadavres charroyés par la mer, des cadavres d'hommes surtout car au cours du périple meurtrier, ils sont, contrairement aux femmes,  entravés deux par deux aux chevilles.

   Que deviennent les survivants ? C'est ce que nous raconte Françoise Thésée, dans un ouvrage riche en informations. Elle suit notamment les destinées des rescapés de l'Amélie. Ce bateau négrier, affrété à Saint-Pierre en juillet 1821, est intercepté par les autorités (en février 1822) à son retour d'une expédition dans le golfe de Guinée. La cargaison humaine est saisie. Amenés de force aux Antilles alors que la traite est interdite, les Africains vont se trouver en Martinique dans une situation atypique pour l'époque. Même si l’administration ne résiste pas à l’habitude de leur attribuer, sur papier, une valeur marchande, ils ne seront pas esclaves. Françoise Thésée s'est attachée à nous les faire connaître et à nous raconter ce qu'il adviendra d'eux au cours des 16 années qui précéderont l'abolition de l'esclavage. Au nombre de 222, ils sont déclarés provenir de l'actuel Nigéria et appartenir à la nation ibo. Ils sont désignés par leur nom africain accolé d'un prénom chrétien attribué d'office. Très vite la mort décime leurs rangs éliminant avant la fin de l'année, 47 pour cent des plus de 30 ans. De nombreux enfants sont morts peu de temps après leur arrivée, plus du tiers des garçons et plus de la moitié des filles de 8 à 14 ans. L’hécatombe donne une idée des privations et mauvais traitements subis sur le négrier durant la traversée. Il est beaucoup question d'expédier en Guyane ceux qui ont survécu . Mais les autorités de la colonie s'arrangent pour en faire, sur place, un meilleur usage. Les Africains saisis, théoriquement libres de par la loi, seront mis au service -forcé- des hauts fonctionnaires, de la cure, des hôpitaux. Les moins chanceux seront affectés à de pénibles travaux portuaires. Les colons voient d'un mauvais œil la présence de ces « nèg-giné », d'autant plus que leur nombre ira en augmentant avec l'arraisonnement d'autres bateaux négriers. Ils craignent au sein de leurs ateliers la contagion d'une idée, qui fait par ailleurs son chemin, celle d'une possible liberté. Ils aimeraient bien que cette main d’œuvre quasi-servile soit mise à leur disposition et ils réussissent parfois à s'approprier frauduleusement quelques Africain(e)s. Les autorités résistent et privilégient leur utilisation dans des établissements publics ou des propriétés appartenant à la colonie. Elles décident quand même d’une nouvelle déportation pour quelques rescapés de l'Amélie et de captifs d’autres navires saisis. Ayant trouvé la force de s'adapter à une nouvelle contrée, ces Africains vont devoir la quitter pour la Guyane. Perspective  qui provoque de nouveaux drames : déchirement provoqué par de cruelles séparations arbitraires, suicides spectaculaires. 

   Françoise Thésée, dans son étude, propose une émouvante liste des Ibos de l’Amélie avec leurs noms africains et leur âge en 1822.  Elle montre par ailleurs leur aptitude à la résilience et la rapidité de leur créolisation. Non-esclaves mais condamnés à un travail forcé, tous les Africains provenant de la traite illégale seront déclarés libres en 1838. Ils sont une des composantes de la population martiniquaise. 

                  Marie-Noëlle RECOQUE DESFONTAINE

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