Depuis qu'en 1981, Aimé CESAIRE avait lancé le mot, alors inconnu, de "Moratoire" pour dire "Pause dans la revendication autonomiste", il est employé à toutes les sauces et étonne le francophone en visite dans notre chère île si peu ensoleillée (dérèglement climatique oblige). En effet, en dehors de la Martinique, ce mot est très peu, pour ne pas dire, pas du tout employé, sauf dans les milieux financiers ("moratoire sur une dette", par exemple).
Mais nous sommes, comme nous le savons tous, de grands maîtres de la langue française. C'est d'ailleurs à peu près la seule chose que nous maîtrisons depuis qu'en 1635, le sieur D'ESNAMBUC, obscur hobereau normand, posa le pied sur cette langue de terre qui se nommait alors, en langue indigène, "Wanakaéra" soit "l'île aux Iguanes".
Donc à la toute récente fête patronale de la commune balnéaire du Marin, le maire, octogénaire, en place depuis des décennies, y est allé, lui aussi, de son appel à un "Moratoire". Mais à un moratoire très particulier : un "Moratoire entre Martiniquais". Les exégètes ont décrypté cette expression comme suit : "Une pause dans les rivalités politiques entre Martiniquais".
Ouais...
Tout ça est quand même assez problématique pour diverses raisons, mais pour une qui est fondamentale : tous les Martiniquais sont d'accord pour rester dans le système actuel. OUI, TOUS ! Examinons les positions des différents camps en présence :
. la Droite : partisane de l'Assimilation depuis toujours, elle est au fond la plus cohérente. Tout va bien pour elle dans le meilleur des mondes à l'ombre des drapeaux tricolore et européen. Il y a certes des problèmes à régler en Martinique, mais il ne peuvent l'être que dans ce cadre-là.
. les Autonomistes : ils ont été plusieurs fois au pouvoir et n'ont jamais fait avancer l'Autonomie d'un demi-millimètre.
. les Indépendantistes : ils ont, eux aussi, été plusieurs fois au pouvoir et n'ont jamais fait avancer l'Indépendance d'un demi-millimètre.
Il y eut un temps où le Conseil général fut notre principale collectivité ; puis, vint le tour du Conseil régional ; aujourd'hui, c'est à celui de la CTM. Demain, ce sera une autre. Sauf que rien n'a changé fondamentalement de l'une à l'autre. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il y a un consensus des différents partis politiques martiniquais sur le maintien du cadre politique actuel ! On agitera les hochets de l'Autonomie, de l'Indépendance ou du Souverainisme teinté d'écologie, mais tout le monde cherche son poste de maire, de conseiller territorial, de député ou de sénateur.
Conclusion : le "Moratoire entre Martiniquais" qu'appelle de ses vœux notre bon Dr DESIRE existe déjà et depuis des lustres. S'il ne s'en est pas aperçu, c'est un peu inquiétant...
Commentaires