LETTRE À UNE ANTILLAISE 5
Méfie toi, ce cavalier, noir soldat de tes rêves,
qui chevauche la nuit sur un lourd destrier
parcourt sans nul répit, les plaines où se lèvent
les vents brûlants des feux de l'amour meurtrier.
Sa voix douce, ses mots bleus, son idéal,
sortilèges de ses mille et faux visages,
emporteront le calme où tes yeux de cristal
avaient placé ta vie sur de calmes rivages.
Il vient du froid, du nord et des cités perdues
où l'espoir est miroir des faussetés humaines.
Il renia son nom, sa terre, les déshonneurs pendus,
pour conquérir l'âme, fascinante et lointaine,
d'une terre sauvage où presque la nature,
farouche et pure, terriblement humaine,
força ce cavalier, blasé des aventures,
a daigner s'arrêter, aux sèves africaines.
Il y a sur ce monde, misère et violence,
des lois effrayantes aux peuples de nantis,
mais ce continent brut possède l'innocence
qui le fera régner, un jour, sur les peuples asservis
à des lois, des calculs, honte de l'humanité
qui asservissent, forçats inconscients et esclaves
de l'or. Frilosités sans générosité,
mièvres destins aux faciles entraves.
Ce cavalier, seul, dur, a tant aimé les hommes
car méprisant les devoirs humiliants des églises,
il préférait chercher la divinité comme
seul idéal, immense dans l'espèce promise.
Mais, le voici seul fort de ses cicatrices,
dans un désert de vie en une citadelle.
Il lui reste par moments cette étincelle,
de tristesse brûlante et d'attentes factices.
Son coeur est une pierre où sous de faux habits
il poursuit un chemin, grave et spirituel.
Si tes yeux et ton âme semblent changer sa vie,
c'est qu'il accepte encor l'ironie du réel.
Alors ne cherche pas où va ce cavalier ;
sous son armure noire et son regard d'acier,
il veut t'emporter. Parce que las des vies mornes,
il se sent avec toi des chevauchées sans borne.
Ne cherche jamais par quels chemins escarpés,
son esprit torturé agit ou bien s'emmure.
ni les trésors cachés qu'il garde au secret
dans les fers tailladés d'une austère armure.
Thierry Caille
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