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Amérindien

L’HOMME QUI FAIT VIVRE LA LANGUE NAVAJO DANS INTERNET

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L’HOMME QUI FAIT VIVRE LA LANGUE NAVAJO DANS INTERNET

Byron a 23 ans, il est né à Winslow, en Arizona, dans le sud-ouest des Etats-Unis, et près du leupp chapter (une branche gouvernementale) de la nation navajo. A la suite de l’histoire sanglante et traumatisante de leurs rapports avec le gouvernement américain, les tribus amérindiennes ont été forcées de vivre dans quelques parcelles de terre éparpillées dans le pays. Les américains les appellent des réserves, mais les indiens leur donnent le nom de « rez » avec un étrange mélange d’affection et de ressentiment. La terre de la réserve navajo est organisée en divisions régionales (les « chapters ») où les navajos, comme toutes les tribus amérindiennes reconnues par l’état fédéral, vivent une existence de compromis, à la fois souveraines et intégrées aux Etats-Unis.

 

LA VUE DU MOBILE HOME DE BYRON SHORTY À WINSLOW, ARIZONA

Byron a eu une enfance typique des enfants de la rez. Il faut vous imaginer des routes poussiéreuses, des chevaux qui s’ébattent librement et de vieilles voitures grillées sur le bord des autoroutes, victimes de la chaleur. Nous n’habitons pas dans des métropoles qui grouillent de gens, ni dans des banlieues bordées d’arbres. Nous vivons dans le désert, nous sommes dans des mobile homes, nous vivons sans eau potable ni électricité fiable, et c’est la vie normale.

Mais attention à ne pas rendre cela exotique : nous ne nous asseyons pas dans des tipis, vêtus de plumes et de peau de daim, allant à des pow-wows chaque week-end. Nous ne sommes pas primitifs ou désespérés. Je parle à Byron par Skype, tous les deux nous utilisons des Mac et des smartphones, nous portons des T-shirts, des lunettes et des jeans. Je suis jalouse de son iPad, que je sois à Paris le fascine : vous ne devineriez pas tout de suite notre origine.

« Ma mère était conductrice de bus. Elle ramenait le bus chez nous, on vivait dans un mobile home. J’imagine que vous trouveriez tout à fait champêtre l’endroit où on vivait, mais ça n’est pas complètement reculé. Je prenais chaque jour le bus pour aller à l’école à Flagstaff. »

UN DES NOMBREUX CHEMINS DE TERRE DANS LA RÉSERVE NAVAJO À CAMERON, ARIZONA (ISABELLA SHEY ROBBINS)

Aucune histoire d’un enfant de la rez n’est complète si on oublie de mentionner les distances monstrueuses qu’il a à parcourir pour se rendre dans les lieux qui comptent dans sa vie : chez le médecin, à une réunion de « chapter » ou à l’école. La distance entre Winslow et Flagstaff approche les 100 km, et il a fait ce trajet aller-retour chaque jour de son enfance. Plus tard, il a passé ses deux premières années de lycée à Winslow, y participant à diverses activités : il était délégué et faisait du sport. A part les déplacements, la vie normale d’un lycéen américain.

POIDS DE L’HISTOIRE

Aucune histoire personnelle de jeune Amérindien de la réserve n’est complète si on ne l’inscrit pas dans la grande Histoire, celle des tribus indiennes.

Après le traité de 1868 par lequel fut établie ce qu’on connaît maintenant sous le nom de réserve, différentes sectes et missionnaires commencèrent à convertir les Amérindiens au moyen des pensionnats, un mot qui terrorise encore les plus vieux des Indiens, une des nombreuses pierres sur le chemin de croix que fut ce trauma historique auquel on a donné le nom d’assimilation. Cela prenant place dans le projet gouvernemental de, selon les mots tristement célèbres du général américain Richard Pratt en 1892, sortir le sauvage de l’être humain :

« Un grand général a dit qu’un bon Indien était un Indien mort. Dans un sens, je suis d’accord avec ce sentiment mais en cela seulement : que tout l’Indien qu’il y a dans la race soit mort. Tuer l’Indien en lui, et sauver l’homme. »

Des dizaines de milliers d’enfants amérindiens ont été envoyés dans des pensionnats. Loin de chez eux, de leur famille et de leur culture. Il leur fut demandé de s’habiller, parler et se conduire comme des « Américains moyens ». Ce qui veut dire : pas de cheveux longs, pas de pratique des coutumes amérindiennes et surtout, interdiction de parler une langue indienne. S’ils désobéissaient ? Punition corporelle. Travail forcé. Humiliation. Des scènes de tabassages, de viols et de traumas psychologiques se déroulaient chaque jour. Tout cela n’a pas eu lieu il y a des siècles ; c’était il y a 150 ans à peine.

LES ÉLÈVES À LA CARLISLE INDIAN SCHOOL EN PENNSYLVANIE, ÉTABLIE PAR RICHARD PRATT EN 1879 (TEXAS BEYOND HISTORY/UNIVERSITY OF TEXAS AT AUSTIN)

Avant d’aller à Stanford pendant un an, Byron a passé ses deux dernières années de lycée dans un pensionnat de Flagstaff. Les histoires horribles d’antan n’avaient plus cours, mais leurs échos résonnaient encore dans les couloirs du pensionnat.

« Quand j’ai fini par entrer dans les dortoirs à Flagstaff, je ne pouvais pas m’ôter de la tête qu’à un certain moment de l’Histoire, dans ce dortoir, on m’aurait battu si j’avais parlé navajo, ou si je m’étais levé tôt le matin pour aller courir [une tradition navajo, ndlr], on m’aurait châtié d’une manière ou d’une autre, on aurait pénalisé mon comportement pour avoir agi d’une manière qui rappelait l’éducation traditionnelle. C’est là que j’ai commencé à comprendre que beaucoup, dans les anciennes générations, n’avaient pas dépassé cela. »

Pendant son enfance, c’étaient les grands-parents de Byron qui lui parlaient en navajo, un apprentissage qu’il approfondit avec des cours de navajo à l’école. Ses parents lui parlaient en anglais, ce qu’il considère comme le résultat possible du traumatisme que fut pour eux le pensionnat. Il était un enfant curieux, préférant souvent la lecture de livres en navajo et les réunions communautaires où il savait qu’on parlerait navajo aux invitations de ses amis à venir jouer avec eux. Mais il ne considérait pas qu’apprendre ou connaître le navajo était « impératif » ou « crucial », des adjectifs qu’il estime « catastrophiques. »

PRÉSERVATION VS PERPÉTUATION DE LA LANGUE

Comme c’est le cas avec la plupart des langues étrangères, il est presque impossible de traduire directement le navajo en anglais sans saisir avec justesse le sens du mot, et pas seulement sa définition. Ce qui complique l’apprentissage, c’est que jusqu’à la création d’un alphabet navajo en 1939, il n’y avait pas d’écriture standardisée de la langue. Tous les idiomes amérindiens ont affronté les mêmes difficultés. Ils ont d’abord été exclusivement oraux. Après l’arrivée des missionnaires, certains religieux tentèrent de transcrire ces langues pour les étudier plus tard, dans l’idée que leurs locuteurs allaient disparaître très prochainement.

En cours de navajo, il y a trois ans, je retranscrivais méticuleusement les mots navajo, de ma plus belle écriture, et les montrais au professeur. « Shí éí Kim yinishyé » – je m’appelle Kim.

C’est un ami navajo qui m’a parlé des fontes navajo, d’un clavier virtuel que je pouvais télécharger sur Internet pour faire mes devoirs. Mais Byron était déjà en avance sur moi. Il visait plus haut :

« Au début, je suis revenu de Stanford et je savais que je voulais faire quelque chose pour ma communauté. »

J’ai tout de suite ri, car c’est un désir commun à beaucoup de jeunes Amérindiens qui quittent leur foyer pour aller à l’université, d’être surpris par la douloureuse difficulté qu’il peut y avoir à réaliser leurs rêves quand ils retournent dans la rez. Il rit aussi : tous les deux, nous sommes tout à fait conscients de notre naïveté. Mais il me dit qu’il avait des aptitudes. Il avait déjà appris à programmer en traitant le code comme un nouveau langage. Il avait compris que ce langage était un problème auquel il pouvait s’attaquer, et voulait tenter quelque chose de nouveau dans l’éducation de la langue.

« Ce qu’il y a de mauvais dans les techniques d’apprentissage du navajo aujourd’hui, c’est que ça n’excite pas les gens. Ils le vivent comme une gigantesque obligation, mais ça ne leur apporte pas une grande satisfaction. En utilisant les nouveaux médias et quelques éléments de design, je me disais, pourquoi ne pas commencer avec le truc le plus basique ? Un mot. »

Son idée était de donner la signification du mot, son sens, tout ce qui fait qu’il est vivant. Il s’est dit qu’un site web serait la meilleure manière de partager ces mots, Internet devenant plus largement accessible, même dans la réserve. Il a donc crééNavajo Word of the Day, « Le mot navajo du jour », où on peut « apprendre le navajo, jour après jour ».

Il choisit ses mots plus ou moins au hasard. Il cherche dans des livres ou prend un mot qui lui est venu à l’esprit récemment et il donne sa définition en quelques lignes, parfois quelques paragraphes. Souvent écrit sur une photo qui l’évoque, le nouveau mot du jour est suivi par un fichier audio qui permet au public de l’entendre prononcer en navajo. Parfois, il réalise des vidéos interactives, parfois, il n’y a que le mot et sa définition.

« LE PETIT DÉJEUNER » EN NAVAJO, SUR LA PAGE FACEBOOK DE NAVAJO WOTD (BYRON SHORTY)

Les premiers jours de l’existence du site, enregistrer un mot était un véritable défi, Byron n’ayant pas de micro ni d’endroit tranquille pour enregistrer. Pendant un petit moment, il n’avait à disposition que son ordinateur. Peu après, il a commencé à acquérir des outils plus utiles, comme un micro et un iPad. Au bout de trois ans de mise en ligne, une chose est certaine : il a attiré un grand nombre d’abonnés.

« Les données de fréquentation du site montrent que la majorité de l’audience est constituée de femmes, âgées de 25 à 35 ans. Les mots les plus recherchés sont “bonjour”, “beau”, “Maman”, “ami”, “bonne nuit” et “salut”. »

En rassemblant ces deux bits d’information, et tenant compte du fait que nous ne sommes pas des sociologues professionnels, on en déduit que l’audience de Byron est constituée de débutants, qui recherchent des mots basiques plus que des expressions complexes. Ce public vient soit de la réserve, soit pas loin. Conclusion : les jeunes Navajos veulent apprendre leur langue et ils commencent par ce site.

« Il semble qu’un autre mot souvent recherché, c’est “homme blanc”. »

« Bilagaana », dis-je presque comme un réflexe, en n’ayant besoin ni de mon dictionnaire anglais-navajo, ni de Google. C’est un mot que je connais par cœur. Ça nous fait tous les deux rire.

Byron différencie nettement son travail sur le site et l’apprentissage de la langue. Beaucoup de gens utilisent le mot de préservation, mais il le trouve trop stérile, parce que que pour qu’une langue se porte bien, il faut qu’on lui donne l’espace nécessaire pour qu’elle grandisse et évolue. Il préfère le mot de perpétuation, car il voit ce qu’il fait comme une diffusion de la langue :

« C’est un rapport que j’ai à la préservation qui m’a poussé à utiliser le mot de perpétuation. Je ne veux pas être un gardien de cette langue. Je veux que d’autres endossent le même rôle, qu’ils veuillent aussi diffuser la langue. Je veux encourager les autres. Je ne veux pas être le professionnel, l’expert, le chercheur.

[…] Beaucoup de jeunes Navajos sont aujourd’hui diplômés de l’université et ils appartiennent à la génération à laquelle la technologie offre de nouvelles possibilités. C’est une génération très travailleuse, très engagée. Si je peux l’aider à se connecter à sa culture d’une autre manière, c’est tout ce que je veux. »

DINÉ BIZAAD : UNE LANGUE VIVANTE

Le peuple navajo se nomme lui-même « les Diné », ce qui signifie le peuple, les gens. « Diné Bizaad », c’est donc le langage du peuple. Sur l’ensemble de la population américaine, à peine 2% se sont déclarés Américains natifs lors du recensement de 2010 [PDF]. La nation Navajo ne compte que 300 000 membres inscrits. « Inscrits » est un mot-clé, car beaucoup de tribus indiennes exigent une certaine part de sang indien pour être considéré officiellement membre de la nation. C’est le résultat du besoin qu’a eu le gouvernement américain de déterminer combien d’Américains natifs vivaient dans certaines zones. Comment déterminer qui ou qui n’est pas Indien ? La manière la plus simple, c’est la « part de sang indien », et c’est comme cela qu’on fait aujourd’hui.

A peu près 170 000 Navajos parlent le diné bizaad, mais 7 600 seulement sont monolingues. Beaucoup de jeunes ne connaissent rien à la langue, soit parce qu’ils vivent hors de la réserve, soit parce que leurs parents et grands-parents ne le parlent plus à leurs enfants, résultat des pensionnats.

« Même les aînés admettent qu’ils ne connaissent pas bien leur langue. Ils ont l’impression d’être continûment en apprentissage. Un aîné m’a dit qu’il y avait certaines catégories de mots qu’on utilisait dans les domaines de l’agriculture ou la médecine. Les guérisseurs connaissent des mots pour certaines plantes, minéraux ou d’autres substances qui sont si spécifiques et si descriptifs que quand vous parlez du produit final, vous savez comment le fabriquer tout seul parce que le produit final est comme une recette de tous ces mots mis en ensemble. »

Il y a un autre usage du langage agricole, celui qui est fait par les dirigeants, à l’instar de plusieurs Présidents et chefs qui ont utilisé des mots spécifiques et descriptifs dans des discours et des réunions. Peterson Zah, le premier président de la Nation navajo dans les années 90, en faisait grand usage dans ses interventions.

« Une fois, dans un discours, il a utilisé un mot, “k’ida’deelyáh”. Il exprime l’idée que si vous plantez quelque chose et que c’est bon, ça grandira. Si tu prends cette expression et l’appliques à la politique, ça exprime l’idée que si tu sèmes quelque chose de bon, ça prendra racine ; ce qui est l’idée centrale dans ce mot, les racines. Ce mot, si tu as la chance de l’avoir en commun avec quelqu’un, est un vrai cadeau. »

C’est ce qui est beau et fascinant dans la langue. On ne devrait pas utiliser le mot de « définition » pour décrire ce qu’un mot veut dire. On devrait plutôt dire le « sens » ou « l’idée. » « K’ida’deelyáh » n’a pas de traduction directe, ça exprime seulement l’idée que les bonnes plantes prennent racine, ce qui est beaucoup plus complexe que n’importe quel mot que je connais en anglais.

Dans ce sens, la langue elle-même est vivante. Chaque mot a une auréole de verdure autour de lui, comme une plante qui grandit et bouge. Soudain, je suis honteuse de mon dictionnaire navajo-anglais, qui ne fait sûrement pas justice dans ses propositions de traduction anglaise aux idées qui sont exprimées dans les mots navajos.

Ce qui explique peut-être aussi qu’historiquement, le navajo a eu d’autres usages importants, le plus célèbre étant la manière dont les militaires l’ont utilisé pendant la Seconde Guerre mondiale comme une forme de communication secrète. Les 29 Navajos qui furent recrutés par l’armée américaine pour utiliser leur langue indéchiffrable et envoyer des messages codés, gagnant le surnom de « code talkers ». D’après le major Howard Connor, officier dans les transmissions de la 5e division de la Marine, « s’il n’y avait pas eu les Navajos, les Marines n’auraient jamais pris Iwo Jima », les six « code talkers » ayant envoyé et reçu plus de 800 messages pendant les deux premières journées de la bataille, sans aucune erreur.

Aujourd’hui, la perpétuation a lieu, doucement mais sûrement. Il existe des écoles dans la réserve, comme l’université Diné, qui permet aux élèves d’apprendre le navajo. Il y a des applications smartphones comme Navajo Toddler, qui aident les gens à apprendre le vocabulaire de base, des mots comme « pommes » et « chien ». La langue fait aussi son apparition dans la culture pop et y gagne un peu de coolitude. Ainsi, l’épisode quatre de « Star Wars » a récemment été doublé en diné bizaad.


« STAR WARS » DOUBLÉ EN NAVAJO

« SI JE NE FAIS PAS ÇA AUJOURD’HUI... »

Depuis quelque temps, Byron travaille sur une application smartphone. Il espère qu’elle s’adaptera à chacun et que l’application reconnaîtra quand quelqu’un est chez lui, à l’école et pourra offrir un contenu basé sur la localisation. Depuis la création du site web, il retrace aussi la marche forcée de nos ancêtres, en 1864, depuis leurs terres près de Winslow, en Arizona, jusqu’à Bosque Redondo au Nouveau Mexique, un voyage de plus de 800 km. Mais une maladie grave, le cancer, l’a empêché de travailler à fond sur ses projets.

« Fin 2013, on m’a diagnostiqué un choriocarcinome stade 4. Il avait métastasé dans mes poumons, ce qui expliquait pourquoi depuis quelques semaines, je crachais du sang quand je marchais. »

Il subit une chimiothérapie, qui l’a épuisé physiquement et émotionnellement. Chaque fois qu’il se retrouvait dans le service d’oncologie, il remarquait qu’il n’était entouré quasiment que par de vieux Amérindiens. Autre détail intéressant, il était le seul à parler navajo, à l’exception d’un seul membre du staff de l’hôpital. Il parlait avec cette personne pour entretenir son navajo et pour extraire son esprit du brouillard qui l’étreignait.

« Avant d’être finalement en rémission et de commencer une psychothérapie, j’ai vécu à 100 à l’heure. J’ai ressenti une urgence que je n’avais jamais connue avant. Ce que j’avais planifié pour mon année a dû rentrer en quelques mois. Je me souviens avoir pensé : “Si je ne fais pas ça aujourd’hui, je ne pourrais sans doute jamais le faire.” La rémission m’a forcé à ralentir et je consacrais tout mon temps et mon énergie à réfléchir. »

Byron est toujours en convalescence. Avec le fondateur d’une boîte de design de San Francisco, ils ont obtenu 20 000 dollars du National Endowment for the Arts (fonds national pour les arts, une agence culturelle fédérale) pour publier un guide visuel en navajo et en anglais ; il illustrera le processus de création d’une entreprise dans la réserve. Byron espère que ce projet encouragera les Navajos à contribuer à la croissance de leur propre économie et à démystifier le fait d’avoir une entreprise.

Il me parle depuis Saint Michael, en Arizona, depuis la maison de la grand-mère d’un ami. « Elle a le wifi, » dit-il, ce qui nous fait rire. Parfois, trouver du réseau dans la réserve est difficile, surtout quand on n’a pas de domicile fixe. Byron a récemment quitté la maison de sa famille à Winslow.

Je voudrais lui demander quelque chose. Je veux lui demander ce qu’il pense de moi. Si j’avais consacré les onze ans que j’ai passés à apprendre le français à apprendre le navajo, est-ce que cela aurait mieux valu à long terme ? Est-ce que le navajo très limité que je connais vaut quelque chose si je ne l’utilise pas ? Il dit toujours « nous, » « notre », « nous les Navajos », « nos ancêtres ». A chaque fois qu’il le fait, je m’enfonce un peu plus dans ma chaise. Suis-je une mauvaise Navajo ? Est-ce que je fais partie de son histoire ? Qui suis-je pour lui ? Une chose est sûre : je ne suis qu’une parmi des milliers, et nous sommes son public-cible.

 
 
Post-scriptum: 
BYRON SHORTY, CRÉATEUR DU SITE NAVAJO WOTD (BYRON SHORTY)

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