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L’ILLUSION ASSIMILATIONNISTE PERDURE…

Par Roger Valy-Plaisant
L’ILLUSION ASSIMILATIONNISTE PERDURE…

Avec le programme de Hollande pour l’outre-mer, l’illusion assimilationniste perdure. Dans ce programme, on ne trouve pas un « souffle d’anti colonialisme », malgré une référence à Césaire et Glissant qui deviennent de vrais « prétextes à dire » pour faire plaisir et flatter l’Antillais. Ba moun-la sa i enmé pou li enmé-w. C’est encore là un des traits des assimilationnistes, donner à leur maître les outils et les armes pour mieux les dominer et les asservir en leur parlant d’amour. Amour de la Patrie. Amour de la République.

En fait, ils ne pensent qu’à eux. A leur confort d’élus de cette Patrie et de cette République, à leur carrière, assurée s’ils deviennent le premier larbin, le larbin en chef !

Ce fut le cas par le passé, en Guadeloupe et ailleurs. Les exemples sont nombreux depuis l’avènement de la cinquième République, de gens qui ont servi avec dévotion, au risque de perdre leur âme, tel ou tel homme politique français. Quelques uns ont été récompensés en devenant membres du gouvernement, obtenant ainsi leur bâton de maréchal !

En ce moment c’est Lurel et … Taubira, qui semblent donner le « La » de la partition Outre-Mer du candidat socialiste. Leurs parcours parlent pour eux. Elus indigènes de la République, n’ayant d’yeux que pour la France éternelle, l’une fut candidate à la Présidentielle, a eu toutes les contorsions possibles pour se faire bien voir, accepter et apprécier ; l’autre est en train de suivre le chemin qui devrait le conduire à participer à un gouvernement, son rêve absolu, un temps caressé sous Sarkozy et repoussé par calcul, puis de nouveau rendu possible par la position en tête des sondages de son candidat.

Sa patte est visible dans ce programme sans souffle où les trois quarts de ce que Sarkozy avait envisagés et qu’il a commencé à réaliser, sans y parvenir complètement, sont de nouveau suggérés. Sur l’immigration, où il prétend faire encore mieux que Guéant et Hortefeux réunis. Sur la vie chère en prétextant briser les marges arrières des grands magasins, les forcer à encadrer les prix des produits de première nécessité. Sur les banques et les télécommunications, aligner les prix sur l’hexagone ! Il ne dit pas quelles compensations seront faites et où il prendra l’argent. Sur la continuité territoriale, fixer les tarifs plancher pour les transports. En régime libéral et dans l’Europe actuelle ce n’est pas possible. Mais il le préconise. Sur le prix des carburants, que fera-t-il de la SARA, de TOTAL ? On n’en sait rien. Comment croire que ce qu’il sera incapable de faire en France, il le pourra chez nous ? Il ne dit rien sur les zones d’approvisionnement, sur les marges et les taxes de la Région et de l’Etat, qui viennent plomber le prix des carburants.

Les vœux pieux sont pléthores. Sur le logement, la santé, le chômage des jeunes, l’Education, l’environnement, la culture et même l’agriculture. Ils sont émis en suggérant une France sans crise, avec des partenaires européens consentants, une Europe laxiste, comme elle le fut face aux gaspillages, voire aux malversations de certains organismes et structures. Ils le sont sans allusion aux raisons des échecs, notamment à l’école, où le jeune enfant n’est pas considéré dans sa globalité en tenant compte de ses origines, de sa langue et de sa culture. Alors que la donne a changé et que tout le monde le voit, sauf les assimilationnistes qui continuent de croire vaille que vaille qu’ils sont français et que la France continuera, malgré ses problèmes, de soutenir leur incurie à penser leur pays, à mettre en place avec le pouvoir dont ils disposent, les conditions d’un véritable développement qui s’appuie d’abord sur les potentialités présentes là où ils sont et dans leur environnement proche. Ils continuent de compter sur une manne qui se fait de plus en plus rare et sélective, malgré la volonté affichée de la France de maintenir ces territoires dans son giron, pour des questions de prestige, de rayonnement économique, culturel et politique. Cette manière de penser des assimilationnistes de tous bords, qui continuent de croire que vivre de la charité chrétienne que leur accorde leur « métropole » est la solution à tous leurs maux, est contenue dans le programme Outre-Mer du candidat socialiste.

En voilà un autre qui croit que tout ce que les copains et camarades de leur Outre-Mer disent, est à prendre pour argent comptant. Il y a pourtant des enquêtes, des statistiques officielles, des rapports, des écrits de journalistes, d’écrivains, des émissions de télévision venant de ces territoires qui montrent leur complexité, leurs différences et les aspirations des gens. Et surtout, il y a l’Histoire. Cette histoire qui montre, malgré toutes les tentatives pour l’occulter, la résistance à l’oppression récurrente dans les colonies baptisées collectivités, départements et territoires d’outre-mer.

Mais ils jouent sur les peurs. Peurs légitimes engendrées par les précarités, peurs ataviques face à l’exercice des responsabilités, dues en grande partie au colonisateur qui ne concédait pas une once de ses prérogatives aux autochtones, mais aussi et surtout peurs entretenues par une classe politique souvent corrompue et peu intègre, lâche et servile, prête à tout pour maintenir son pré-carré de faveurs octroyées, de titres ronflants et d’indemnités insolentes et abusives.

Le programme de Hollande pour les outre-mers ne déroge pas aux autres programmes présidentiels, élaborés en d’autres temps par les socialistes français, les gens du centre ou encore ceux de la droite française. Il a le tort de maintenir l’illusion qu’avaient un temps suscité le vote de la loi d’assimilation en 1946, puis l’arrivée de la Gauche au pouvoir avec Mitterrand en 1981, celle de faire des gens des colonies de véritables français. Soixante cinq ans plus tard, des colonies sont devenues indépendantes (Indochine, Madagascar, Algérie…) dans la douleur et Trente et un ans plus tard, les dérogations et les exceptions dans l’application des lois, tous les retards au développement dans tous les domaines, démontrent que cette illusion est restée un vœu pieux qui à certains moments fut vécu dans le drame sanglant (Guadeloupe (1967), Ouvéa 1988).

Depuis 1946, le tissu productif d’un pays comme la Guadeloupe n’a cessé de se détériorer. Des usines à sucre et des fabriques ont fermé et les regroupements opérés n’ont pas permis d’améliorer une balance commerciale qui n’a pas cessé d’être négative. Aux deux cultures que sont la canne et la banane est venue se joindre celle du melon, sans pour autant changer la donne. La production de sucre et de rhum est en baisse. Le pays ne produit pas suffisamment pour se nourrir et semble condamné à être dépendant des apports extérieurs. Le nombre de chômeurs a augmenté au point que les années soixante ont vu une paupérisation de l’ensemble de la population qui a conduit à des grèves, des émeutes et des morts et à une émigration massive de jeunes vers la France. C’était le seul moyen trouvé à l’époque par l’Etat gaulliste, pour apaiser les tensions et priver nos pays de leurs forces vives, incapable qu’il était de leur fournir du travail sur place. Les conséquences de cette politique, poursuivie depuis par des gouvernements de droite et de gauche, commencent à se faire sentir avec le vieillissement de la population, mais aussi une délinquance qui se développe, car la France ne peut (ne veut ?) plus absorber les ressortissants, issus de ses propres colonies.

Parallèlement, l’Etat gaulliste orchestrait l’envoi massif de fonctionnaires français sur place, qui par leurs moyens et leurs habitudes de consommation et de vie, allaient bouleverser en quelques années les fragiles équilibres entretenus par des producteurs courageux. Les produits importés allaient envahir les Supermarchés de plus en plus immenses, au détriment des produits locaux trop chers et en quantité insuffisante. Les prix des loyers et des autres services allaient atteindre des niveaux insupportables, obligeant tous les gouvernements qui se sont succédé depuis à procéder à des replâtrages. Des ajustements qui ont permis la consommation effrénée de produits importés, grâce aux aides de toutes sortes à la population et aux subventions pour la création de zones artisanales, commerciales ou industrielles, véritables dépôts pour les produits importés de France. Mais avec le temps, tous ces replâtrages se sont avérés inadaptés et beaucoup de gens sont restés sur le carreau. L’avènement de la Gauche en 1981 a permis à Mitterrand de poursuivre dans la même voie. Pour compenser le manque de travail et voulant quand même assurer un minimum de consommation au plus grand nombre, il a institué le Revenu Minimum d’Insertion qui fut un désastre tant les assimilationnistes s’en sont emparé par clientélisme politique d’abord mais aussi et surtout, par absence de volonté de défendre le pays.

Cette absence de volonté pour défendre le pays demeure et fait le consensus au sein de toute la classe politique regroupée derrière l’actuel président de Région, celui-là même qui semble être l’instigateur, avec des intellectuels de ses amis, du programme politique de Hollande pour les outre-mers. Pas étonnant qu’on n’y trouve aucun souffle anti colonialiste, voire d’esprit de responsabilité face aux dangers qui menacent nos peuples. Et les références à Césaire, Glissant voire Fanon n’y changent rien et ne sont que baragouins pour se donner bonne conscience.

L’accession de Hollande à la présidence comme celle de Mitterrand en son temps, va permettre une intégration plus grande à l’Etat français, principalement des départements d’outre-mer qui ont opté pour le statu quo. Leur personnalité en sera affectée au point qu’ils se berceront de l’illusion d’être français, le temps de la présence de la Gauche au pouvoir, et après ? Ils seront toujours aussi démunis.
L’expérience des années Mitterrand puis Jospin est sur ce point très parlante. La disparition de leur tissu productif s’est accélérée, car cette gauche qui disait les aimer, en fait les étouffait. Son envahissant amour les a dénaturés, déconstruits, infantilisés, puis les a laissés sans réaction ni perspective, mais surtout cette gauche française avec tous ses composants au pouvoir, les a confinés dans le giron de la France coloniale sans jamais leur offrir la possibilité d’une réelle émancipation.

Si Hollande avait vraiment de la considération pour les possessions françaises que nous sommes, il devrait tenir compte de notre histoire respective, la voir comme une histoire de lutte pour la survie, en réaction constante à l’Histoire coloniale. Le respect minimum pour le combat mené par nos ancêtres le commande.

Il devrait faire acte de contrition et regretter tous les crimes perpétrés par ses ancêtres, même s’il n’en est pas directement responsable. Le pardon n’est pas la lâcheté, comme le croit Sarkozy quand il refuse la repentance. Il se grandirait à reconnaitre que la République, elle aussi, ne fut pas vertueuse envers les colonies. Qu’elle se doit de corriger les errements du passé qui ont conduit à indemniser les bourreaux de nos ancêtres tandis qu’ils restaient démunis.

Il devrait, dans la mesure des moyens actuels de la France et de l’Europe, apporter toute l’aide nécessaire à édifier un véritable pays, avec des institutions démocratiques et modernes, une économie qui s’appuierait sur ses potentialités et conquerrait son marché intérieur et exporterait son surplus, débarrassée des parasites et des profiteurs. Un pays ami de la France, où le pouvoir s’exercerait en partage sur des questions entendues et où l’épanouissement des individus serait assuré par une vie culturelle respectueuse des traditions de chacun, mélangées aux apports enrichissants que permettraient les conservatoires, les lieux d’échanges et de formation aux métiers des arts… Mais même en réalisant cette improbable utopie, nous ne serions pas pour autant devenus français.

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