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Lisa Bouteldja, la "beurette" militante

Lisa Bouteldja, la "beurette" militante

Instagrameuse, modèle, styliste, conférencière... Elle échappe aux stéréotypes et dynamite les codes.

C'est dans un hôtel trois étoiles, au cœur de la capitale, que Lisa Bouteldja donne rendez-vous. "En ce moment, je vis dans ma valise", s'excuse-t-elle, elle qui s'apprête à repartir à Marrakech pour une vidéo, avant d'enchaîner avec la fashion week italienne, puis une conférence à Sciences-Po Lyon.

Quand on l'interroge sur son métier, elle lance avec une pointe de défi dans son regard olive :

"Mon métier, c'est Lisa Bouteldja."

Une responsabilité qui ne semble pas stresser plus que ça la globe-trotteuse de 23 ans. Après tout, ce model est habitué à jouer de son image. Et ça se voit dans sa dégaine très étudiée : cheveux lissés, lèvres pulpeuses, faux ongles multicolores et surdimensionnés, robe sweat-shirt fendue en velours...

Un look qui correspond bien à la "version digitale" qu'elle veut donner d'elle-même. Née d'une mère française et d'un père algérien, c'est sur Instagram, où elle cumule près de 30.000 abonnés, qu'elle s'est fait connaître en combattant les clichés autour de la "beurette" :

"La définition du Larousse parle d'une jeune fille d'origine maghrébine née en France de parents immigrés. Mais, quand tu tapes ce mot sur Internet, tu ne tombes que sur du porno [terme toujours parmi les plus recherchés en 2018, NDLR]. Ce terme est devenu sexiste, raciste et classiste. Une beurette représente le bas de l'échelle sociale, sous les hommes et les femmes blanches."

Pour se réapproprier le mot, elle a choisi l'humour comme arme. "J'ai synthétisé toutes les étiquettes qu'on me collait et, vers 2016, j'ai commencé à me mettre en scène avec des looks. Progressivement, j'ai poussé la caricature", dit-elle entre deux gorgées de thé noir. On la voit ainsi poser chicha ou bouteille de Selecto en main dans des tenues improbables.

Sans fausse modestie, Lisa Bouteldja, très assurée, se targue d'avoir réussi à faire passer un message. Grâce à des vidéos virales sur Brut ou sur AJ+, où elle développe le concept de "beurettocratie", soit le renversement du cliché de la bimbo écervelée qui colle à Zahia ou Nabilla, Lisa Bouteldja a élargi son public. Par la même occasion, elle s'est fait des ennemis :

"Ceux qui me suivent sont des gens qui veulent être libres. Les haters font partie de l'expérience sociale. Ce sont des personnes débiles, qui me disent pour la plupart que je 'fais de l'ombre aux filles biens' - j'aimerais comprendre ce qu'est 'une fille bien'..." "Mais la grande majorité des internautes comprend le second degré. De toute façon, provoquer, c'est le cœur de mon travail."

Mais Lisa Bouteldja n'est pas qu'une Instagrameuse excentrique. Elle est aussi styliste, diplômée depuis six mois de la prestigieuse école de mode Central Saint Martins, à Londres, et collabore avec l'Institut du monde arabe.

"Un gros cul et une tête d'arabe"

Loin de ce qu'elle revendique sur les réseaux sociaux, Lisa Bouteldja se révèle pudique. Elle ne s'étale pas. Ni sur sa vie privée, ni sur ses parents. Jusqu'au bac, elle a grandi à Saint-Dié-des-Vosges, commune lorraine de 20.000 habitants. "C'est moche", dit-elle en haussant les épaules, encore plus péremptoire que Michel Houellebecq.

Les yeux baissés sur sa coupe de thé, elle raconte aussi avoir connu l'exclusion et le harcèlement au collège. Une adolescence qui l'a forgée.

"Quand tu viens de province, t'as la dalle", dit-elle, les bras croisés, dévoilant un tatouage de croissant de lune au poignet droit - "une connerie de quand on a 19 ans".

Après avoir fait le grand écart entre les Vosges et l'Angleterre, elle revient en France, le temps d'un stage à Paris. Second coup dur : "J'ai été confrontée à un vrai jugement. On me disait que j'étais 'vulgaire', juste parce que j'ai un gros cul et une tête d'arabe. Ici, ça pose problème alors qu'à Londres, tout le monde s'en fouttait."

Lisa Bouteldja est moins gênée d'incarner des personnages numériques, des "histoires qui ne sont pas les [siennes]". À l'avenir, une chose est sûre : "Instagram, ce n'est pas ma vie, je ne veux pas en faire mon métier." Énigmatique, elle promet d'investir "un nouveau terrain de jeu" en 2019. Preuve s'il en est que Lisa Bouteldja reste une dure à cuire qui en veut.

Bruno Lus

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