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L’ORDRE DES CHOSES

Par Serge BROSSAR
L’ORDRE DES CHOSES

Quand on lit les opinions des gens de la rue, on constate en effet un début d’inquiétude surtout après les émeutes de mercredi et jeudi gras. Au début du mouvement, l’adhésion était forte et justifiée par tous, la mobilisation générale a permis un bras de fer avec les profiteurs, une véritable remise en cause de notre surconsommation et la reconnaissance de la non protection des consommateurs face à ceux qui pratiquent l’anarchie des prix. Beaucoup de gens disent maintenant, après plusieurs semaines de lutte, qu’il faut que les « choses rentrent dans l’ordre ».

Moi, je me méfie de cette expression insidieuse que l’on répète d’un discours à l’autre sans en connaître le sens et surtout les effets. De quel ordre s’agit il dans ce cas précis ? La grève est elle à ce point un désordre social pour qu’il soit bon et salutaire de réclamer un quelconque ordre ? « L’ordre des choses » n’est certes pas l’ordre public ou républicain, ce n’est ni un ordre linéaire, alphabétique, horizontal ou vertical comme un ordre du jour, cette expression toute faite et même consacrée satisfait bon nombre de personnes qui veulent non seulement un retour à un calme précaire mais surtout un ordre social qui repose uniquement sur l’engourdissement des consciences.

« L’ordre des choses » ne serait il pas un état de somnolence des consciences, un retour à une normalité dictée par la raison du plus fort ? Dans notre prétendu ordre social, les plus forts sont bien ceux qui décident des prix, ceux qui s’emparent des espaces de surconsommation, l’ordre des choses, comme ils disent si bien, est dictée par un pouvoir local qui s’est trouvé dépassé par les évènements, par l’explosion d’une situation sociale dégradée et qu’il faut redresser sans pour cela endormir la conscience collective martiniquaise.

Les deux tentatives avortées de la droite martiniquaise et de sa nouvelle Jeanne d’Arc pour nous imposer un collectif pour la préservation des libertés en Martinique, mise à part la récupération politique malsaine, est une preuve tangible de cette volonté d’une petite minorité de voir les choses rentrer dans leur ordre. Ce collectif avorté ou mort-né, né le mardi gras et condamné à mourir le mercredi des Cendres, a ressuscité ce premier vendredi de Carême avec une poignée de sympathisants bien colorés politiquement et une profession de foi claire et nette pour ne pas dire trop audacieuse de la nouvelle dirigeante d’une droite moribonde à l’image même du collectif. Voilà donc un exemple manifeste d’une bonne femme qui se dit engagée dans la politique de son pays adoré et qui assume, au nom de sa simple citoyenneté, sa volonté inébranlable de briser un mouvement social populaire qu’elle comprenait et approuvait une semaine auparavant lors d’un débat télévisé ? Il s’agit dans ce cas précis d’un autre désordre qui dépasse notre entendement voire nos compétences! Sans prétendre à une nouvelle forme de révolution, plus spirituelle et mentale celle-ci, il convient de prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer au contraire le désordre des choses, il faut renverser donc la tendance, mettre les esprits en éveil et s’assurer que le message profond de cette crise de février a bien été compris de tous. Une révolution est part définition une rupture, un moment de réflexion sur le temps et l’espace dans lequel nous vivons, c’est aussi une redéfinition des règles du jeu social mais ce jeu social ne doit pas être un ordre social.

Le peuple martiniquais doit rester en mouvement, il doit combattre sa propre inertie, se débarrasser de ses propres complexes, redresser tous les torts et les travers de son comportement et faire face en toute lucidité aux abus du pouvoir commercial local. Le peuple doit ouvrir les yeux sur toutes les mauvaises pratiques qui ont été dénoncées durant cette crise. Il doit réagir d’une manière positive en protestant fermement contre les malversations, les escroqueries de la vie de tous les jours. Le comportement nouveau doit être un comportement de militant qui connait bien les fossoyeurs de ce soit disant ordre social.

Pour cela il faut que les choses continuent dans un désordre nécessaire qui puisse donner lieu à une réflexion permanente et à une mobilisation de notre conscience face aux attaques incessantes des profiteurs. Il nous faut imposer « le désordre des choses » pour ne pas tomber dans une léthargie de consommation qui instaure dans notre île un mal développement et une vie chère insupportable pour beaucoup de ménages. Il s’agit donc pour nous de refuser cette notion absurde qui profite au profiteur, cet état d’engourdissement et d’anesthésie générale qui nous empêche d’élever la voix dans un supermarché et de faire du désordre chaque fois que nous décelons une tentative de nous couillonner sur un produit ou un article. Soyons des {« désordeurs »} efficaces, consciencieux et respectueux de l’intérêt général.

{{Apprenons à faire désordre, à cultiver le désordre des choses, à le semer et à le récolter. Apprenons à protester, à boycotter, à réagir avec fermeté face au culot et à la malhonnêteté des exploiteurs. Méfions nous du calme plat, du {calmi ciré} comme disent nos marins pêcheurs. La tempête a toujours cet avantage de nous inscrire dans l’action et la réaction, on ne peut pas rester les bras croisés et regarder les choses se faire mal sous nos yeux. Sans appeler à un quelconque soulèvement, soyons au moins pour que les choses restent dans leur désordre.}} {{ Serge BROSSAR}}

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