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Lycée Schœlcher ou la mémoire bafouée

Lycée Schœlcher ou la mémoire bafouée

   Le vieux lycée, baptisé du nom de l'abolitionniste alsacien, né de la lutte farouche de ce qu'on appelait à l'époque "la classe mulâtre" contre l'oligarchie békée, lutte qui a duré près d'un siècle et demi, ce dont témoigne l'ouvrage intitulé "Le Préjugé de race aux Antilles" du Béké G. SOUQUET-BASIEGE, publié en 1885 et republié un siècle plus tard par les éditions DESORMAUX, ouvrage que nos décideurs auraient eu intérêt à lire, ce qui leur aurait peut-être évité de sombrer dans le crétinisme populiste, le vieux lycée SCHOLCHER n'est donc plus. Ses bâtiments s'effritaient, construits qu'ils avaient été avec du sable de mer, et menaçaient de s'effondrer sur la tête des élèves et de leurs professeurs. Il fallait donc absolument le reconstruire. Aucune discussion possible sur le sujet ! Par contre, là où il y aurait dû y avoir discussion, c'est de savoir s'il fallait le reconstruire à l'identique ou non. Nos décideurs ont décidé pour nous et n'ont pas jugé bon de mettre cette pourtant importante question en débat public.

   C'est bien dommage car sans sombrer aucunement dans le passéisme ni la nostalgie, comment ne pas reconnaître le caractère patrimonial de feu le lycée SCHOELCHER ? Orgueilleusement situé à flanc de morne, construit en escalier à la manière des temples antiques, haut perché comme s'il défiait du regard la baie de Fort-de-France, cet établissement a signifié la victoire, non seulement de la classe de couleur sur la classe békée comme on l'a dit plus haut, mais aussi de l'enseignement laïc sur l'enseignement religieux. Ce n'est pas rien quand on sait (mais nos brillants décideurs le savent-ils ?) qu'après l'Abolition, ce sont les Frères de Ploërmel, ordre religieux breton, qui ont d'abord alphabétisé les anciens esclaves ou plus exactement une partie d'entre eux, puis leurs descendants. Quand on sait aussi que les Békés ont fini par accaparer l'enseignement religieux à mesure qu'en France et donc dans les quatre "vieilles colonies", l'école laïque, gratuite et obligatoire s'imposait. Il n'y a pas si longtemps le Couvent et le Séminaire-Collège en étaient les fiefs.

   Sinon, au strict plan architectural, l'ancien lycée SCHOELCHER était une merveille. Rien à voir avec les sortes de hangars à banane préfabriqués dans lesquels on parque nos élèves depuis trois décennies. A ce propos, il est quand même affligeant de constater que les bâtiments construits par le pouvoir "colonial" français (Préfecture, Maison du Sport sur la Savane aujourd'hui détruite, Maison des Syndicats, Lycée Schœlcher, ancienne mairie de Fort-de-France, ancien tribunal de Fort-de-France etc.) ont une toute autre allure que ceux qu'ont construits et continuent de construire, pourtant à une époque plus moderne et avec des outils ou des engins beaucoup plus performants, nos chers décideurs autochtones. Alors bien sûr, on dira que tout cela est colonial et qu'il faut tout raser. Fort bien, mais qu'au moins on érige des bâtiments qui ressemblent à quelque chose !

   Pour en revenir à la toute première question, quand on voit les sommes faramineuses qui sont dépensées chaque années pour des manifestations sportives ou musicales, on se dit qu'il était tout à fait possible financièrement parlant de reconstruire le lycée SCHOELCHER à l'identique. En refusant de le faire et en avançant l'argument-bidon du coût trop élevé, c'est toute la mémoire séculaire de ce bastion de la classe de couleur et de la laïcité que l'on bafoue. C'est la mémoire d'Aimé CESAIRE, René MENIL, Frantz FANON, Raoul BERNABE, Emile YOYO et des centaines d'autres brillants martiniquais qui a été piétinée. Evidemment, jeter des centaines de milliers d'euros par la fenêtre pour tel tournoi de foot est plus juteux électoralement. Sauf que dans un an ou deux, tous ces amusements seront oubliés alors qu'un bâtiment, lui, il est là pour plusieurs décennies.

   Et le dernier épisode en date de l'éparpillement des archives du vieux lycée par les démolisseurs vient, hélas, confirmer le mépris (populiste) dans lequel il a été tenu. C'est affligeant, mais n'est-ce pas tout simplement l'état de la Martinique actuelle ?...

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