«Il faut que le Premier ministre réagisse.» Ils sont nombreux à exiger une réaction de Pravind Jugnauth et une condamnation publique, suivant la manifestation anti-Marche des fiertés organisée samedi dans la capitale, ainsi que les menaces de mort proférées envers des membres du Collectif Arc-en-Ciel (CAEC). Mais du côté du bureau du Premier ministre, c’est silence radio depuis samedi. L’express a même sollicité ses conseillers hier, en vain. Lors des célébrations du 478e anniversaire de Maharana Pratab, au centre culturel Indira Gandhi, dimanche 3 juin, Pravind Jugnauth a seulement déclaré que les liens entre les communautés doivent être renforcés, en marchant main dans la main.
Toutefois, il nous revient que des arrestations sont à prévoir. La police aurait reçu l’instruction d’identifier les meneurs des manifestants homophobes qui se sont massés samedi sur la place d’Armes. Une ambassade étrangère aurait fait savoir qu’il ne faudrait pas que les autorités mauriciennes prennent ce rassemblement à la légère. Selon des sources, certains manifestants auraient des liens avec des Mauriciens qui se sont rendus en Syrie pour se joindre au djihad.
En l’absence de Mario Nobin, actuellement en séminaire en Angola, c’est le directeur du National Security Service qui pilote, entre autres, ce dossier. La cellule antiterroriste a été mobilisée. Entre-temps, sur les réseaux sociaux, la pression monte. Et le CAEC réclame une condamnation publique de ces incidents. Des membres de l’opposition se sont aussi prononcés en ce sens.
«Ce sera une semaine décisive pour la lutte pour les droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (NdlR, LGBT)», soutient Pauline Verner, consultante du CAEC. Elle explique que le collectif compte réclamer une rencontre le plus tôt possible avec le Premier ministre ainsi que l’Attorney General, Maneesh Gobin.
Qu’attendent-ils de cette réunion ? «Nous allons exiger une prise de position publique. Il faut que le Premier ministre condamne ce qui s’est passé samedi ainsi que les menaces de mort», lance Pauline Verner.
Le collectif a déjà prévenu Maneesh Gobin de sa démarche et compte faire sa demande ce matin. «Il faut que la rencontre se fasse assez tôt cette semaine. Les menaces de mort continuent et s’intensifient», indique la consultante. Elle compte aussi se rendre à la police pour porter plainte.
Mais Pauline Verner n’est pas la seule à réclamer que les autorités prennent position. Le député rouge Arvin Boolell, qui a pris position sur son compte Facebook, estime que c’est le ministre mentor, sir Anerood Jugnauth, qui devrait «step in». «C’est un danger pour le Law and Order. Il faut que le ministre responsable parle à toutes les parties concernées pour comprendre ce qui s’est passé», soutient-il.
Arvin Boolell condamne la contre-manifestation qui s’est tenue samedi. «Nous sommes dans un État de droit et dans un pays laïque. Je suis triste pour mon île. Maurice mérite mieux», a-t-il déclaré, en précisant qu’il ne parle, cependant, pas au nom du Parti travailliste. Mais il se dit aussi inquiet des répercussions internationales. «On va se faire taper sur les doigts par Genève.»
Kavi Ramano, député indépendant, veut, lui, que le Premier ministre et le commissaire de police, Mario Nobin, «assument leurs responsabilités». Pour lui, ce qui s’est passé est extrêmement grave. «Ces menaces de mort contre les membres de l’organisation sont inacceptables. La perception de moralité ne doit pas justifier que l’on tombe dans l’intolérance», fait-il ressortir.
Le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, explique, lui, qu’il est contre l’entrave à la liberté d’expression. «De plus, c’est à la police de s’assurer que les choses se passent correctement.»
En revanche, le député bleu Salim Abbas Mamode se trouvait à la place d’Armes samedi pour apporter son soutien aux manifestants anti-LGBT. Le député mauve Reza Uteem a, lui, affirmé sur sa page Facebook être entré en contact avec la police par rapport à la publication sur les réseaux sociaux qui, selon lui, aurait mis le feu aux poudres.
La loi stipule que tout rassemblement de plus de 12 personnes nécessite une autorisation de la police, et ce, une semaine avant. Pourtant, la manifestation anti-LGBT, qui a rassemblé plus de 400 personnes samedi, n’en avait pas. L’année dernière, ils étaient aussi une trentaine à manifester illégalement contre la Marche des fiertés. Que risquent-ils ? Une amende maximum de Rs 10 000 ou une peine d’emprisonnement ne dépassant pas deux ans. Cependant, alors que cette contremanifestation se tient depuis maintenant plusieurs années, aucun membre n’a été interpellé par la police.