L'île entière est une pitié
Qui sur soi-même se suicide
Apitoyée cette île est pitoyable
Elle a besoin de mots qui durent
Édouard Glissant
(un champ d'îles)
Maria, oh Maria !
Le plus joli souvenir d'ouragan que j'ai, date de quelques années déjà. J'avais trois ans et mon père vingt-trois, sous une pluie battante, juchée sur ses épaules nous avions quitté le quartier Trabaud, non loin du cimetière de Fort de France, pour arriver à la caserne Galliéni à la Croix Mission. Aujourd'hui, ce lieu nommé Centre Culturel Aimé Césaire, était autrefois le siège de l’Etat-major des armées. Vous voyez bien que c'est une histoire ancienne et qu'il n'y a que les plus de vingt ans et plus encore, pour se souvenir de cette époque.
Je ne l'ai jamais oubliée car j'étais enfant, sur le dos de mon papa, alors qu'il avançait dans les rues avec de l'eau boueuse jusqu'aux cuisses. Je savourais ce moment d'intimité. Je me souviens des gens autour de nous, ils étaient apeurés, probablement par l'inondation de la ville en pleine nuit, mais moi en sécurité sur le dos de mon père, Il aurait pu m'amener sur la lune, j'aurais trouvé le périple exceptionnel.
Lundi dix-huit septembre de cette année, avec la tempête Maria, ce fut une autre histoire. Les blesses de l'ouragan Irma sur Saint Martin étaient encore ouvertes, la désolation et l'horreur que provoquent un tel désastre, nous renvoyaient à notre propre insularité. Mais pendant tout ce temps, si je fus meurtrie par le malheur des nôtres, je fus particulièrement agacée en écoutant les palabres et particulièrement les discours des politiques Jupitériennes et autres.
Comme à leurs habitudes les technocrates de métropole avaient quitté leurs bureaux parisiens pour venir décider pour nous de l’Outremer. A leurs côtés pas l'ombre d'un ingénieur du cru, pas un seul antillais chercheur du CNRS qui aurait pu donner un avis. Si d'aventure il y en eut un, il s'est bien gardé de le faire savoir. En tout cas, au pire de l'avanie, je me suis laissée dire qu'il n'est pas certain que par chez nous de la Martinique, de la Guadeloupe, de Saint Martin ou de la Guyane il existe des d’ingénieurs, ni chercheurs, ni sociologues, même pas un météorologue en capacité de réfléchir sur un schéma d'habitats pour les îles de l'arc caribéen
A partir de désormais a dit le premier des Jupitérien, Saint Martin de la France en Outremer, sera non pas une île amoureuse du vent mais un espace à la grandeur jupitérienne. Fini le gracieux, place au solide, fini la gaîté, la fantaisie, l'exubérance propre à la tradition africaine, c'est fini! Désormais ce rocher sera un exemple insulaire. Ou a tiré'y !
Même si chez nous, pawol an bouch pa chaj, face à tant d'ostentation, il y avait de quoi faire pâlir de jalousie le yankee officiel de la Maison Blanche ainsi que notre voisine, Reine Béatrix, hollandaise de Sint Maarten
Mais peut-on en vouloir à Jupiter et aux siens ? A huit mille kilomètres, le seul nom les Antilles et l'évocation de ces mers tropicales suscitent avant toute chose : soleil radieux, plages dorées, alizés balançant cocotiers et palmiers.
Les ouragans, les inondations, les cyclones, c'est un peu de la poésie tout ça, une forme comme qui dirait d'art météorologique. Mais une parole pouvant en chasser une autre, presque au même moment, la météo des cyclones annonçait l'arrivée de Maria en direction cette fois de notre bout de terre. Il faut bien le dire en matière de cyclone et tempêtes, notre bonne étoile nous a souvent préservé, mais qu'en sera-t-il dans le futur ? Le réchauffement de la planète et les problèmes liés à l'environnement constituent une préoccupation fondamentale et la question à se poser , est, cette saison cyclonique qui a déjà accouché de plusieurs tempêtes, devenues pour la majeure partie des cyclones, sont-ce là des signes avant-coureurs d'un dérèglement climatique lié à notre manière de vivre , à notre comportement trop souvent laxiste et inconscient ?
Jupiter et sa bande étant reparti de la zone dans l'attente de Maria la tempête, au quartier Lajus il fallait sécuriser portes et fenêtres, certaines d’entre elles fabriqués par la main de l'homme, ont plus de quatre-vingt ans. Si elles résistent aux petits voleurs, un vent de 150 kilomètres heures n'aura aucun souci pour les faire valdinguer. Fort de cette évidence, la pluie ayant déjà commencé à faire son intéressante, au loin la mer mugissait à grands coups de vagues sur le quai du Carbet, notre rue si calme à l'ordinaire se mit en mouvement, le bruit des marteaux, se mêlant aux hélés des voisins en quête de paroles rassurantes.
A midi, plus d'électricité ni téléphone bref, nous étions coupé du Monde et ce, à dix kilomètres de la nouvelle centrale électrique de Bellefontaine. Inquiète, je regardais mon petit jardin que j'aime tant, planté de toutes sortes : herbes couresses, halliers, fleurettes, hibiscus, roses et autres a-tout-maux : en me disant que seul le manguier séculaire, résisterait aux assauts de Maria la tempête, même si on la dit moins monstrueuse que sa grande sœur Irma
La fin de journée s'annonçant, éreintée de ma journée de rangement-préparation, la mer à quelques pas de mon logis, fut ma première distraction. En regardant se déchaîner les flots prêt à engloutir toute ces bande îles de gens si peu respectueux de Dame Nature, la mer m'apparut plus belle que jamais
A suivre