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Martinique : Tristes Tropiques...

Martinique : Tristes Tropiques...

   Une atmosphère étrange règne sur ce que nos médias et nos politiciens appellent drôlement "le pays-Martinique", sans doute pour faire créole, puisqu'on est désormais dans le règne du simili, du faire-semblant c'est-à-dire du vèglaj en vrai créole. Tout le monde est en mode vèglaj, quel que soit l'appartenance ethnique, religieuse, sociale ou politique.

   Du coup, on ressent cette chose que l'anthropologue C. LEVI-STRAUSS, au fin fond de l'Amazonie, avait appelé les "Tristes Tropiques".

      Normalement ces deux termes sont incompatibles puisque "Tropiques" rime avec soleil, plage, ciel bleu, musique et dans notre ile chérie, ti-punch. Cette incommensurable tristesse se lit dans les yeux des gens dans la rue, au travail et même en famille laquelle aurait pourtant dû jouer son rôle de cocon protecteur contre la morosité ambiante. Il n'y a pas à incriminer tel ou tel parti politique vu que le citoyen a toujours tendance à accuser de tous ses maux ceux qui sont au pouvoir. D'ailleurs, chez nous, ledit pouvoir est très largement partagé, les uns détenant la CTM (Collectivité Territoriale de Martinique), les autres la quasi-totalité des sièges de parlementaires.

     Il y a à incriminer la totalité de notre corps politique.

    Incriminer ne veut cependant pas dire vouer aux gémonies. Incriminer veux dire pointer du doigt les dégâts. Car des deux côtés, il y a de bonnes choses : d'un côté, la loi sur l'indivision réglera des situations devenues inextricables au fil des décennies et soulagera bien des familles ou  encore le développement de la filière "cacao" qui fait renaître une filière agricole tombée en désuétude ; d'un autre côté, l'excellent démarrage du TCSP, la liaison maritime Fort-de-France/Case-Pilote, l'avancée de la reconstruction du Lycée Schoelcher, le label "Zéro Chlordécone", l'extraordinaire embellie du tourisme de croisière, le "Café Excellence Martinique" etc. Tout cela, incontestablement, est un bien pour notre ile.

      Alors quel est le problème de ce "petit rien ellipsoïdal" comme aimait à dire Aimé CESAIRE ?

      Le problème est simple comme bonjour : nos politiciens de tous bords sont incapables, au contraire de leur alter ego guadeloupéens et guyanais, d'identifier les questions d'intérêt général, d'intérêt martiniquais, c'est-à-dire qui dépassent les clivages partisans.

      C'est à cause de cela que le cyclotron nous est passé sous le nez, par exemple, (chose qui, heureusement, est en train d'être rattrapée) et c'est encore à cause de cela que lorsque la Guadeloupe, qui s'est construite une université presque complète, nous obligera à faire sécession, nous nous retrouverons avec un moignon d'université, dépourvu de filières scientifiques. Dernièrement, nos parlementaires martiniquais ont ainsi poignardé dans le dos les milliers d'étudiants qui fréquentent le campus de Schoelcher en avalisant la politique de la gouvernance de l'établissement qui vise à siphonner postes et moyens au profit de la Guadeloupe. Ce coup de poignard relève de la haine politique pure et simple. Ces parlementaires sont incapables de voir que la question universitaire est d'intérêt général martiniquais.

      Tristes Tropiques...

      Quant à ce concours idiot lancé par la CTM pour demander à la population de faire des propositions de drapeau et d'hymne martiniquais en vue des compétitions sportives a l'étranger, on peut se demander dans quel cerveau alambiqué pareille idée a pu germer. Depuis 1870, lors de la fameuse Insurrection du Sud, les trois couleurs (rouge-vert-noir) ont été arborées avant d'être reprises au fil du temps par de nombreuses organisations d'obédience très différente : nationalistes de l'OJAM, autonomistes du PPM, journal "SIMAO" du syndicaliste Frantz AGASTA, marxistes du PKLS et du PALIMA, écolo-souverainistes du MODEMAS etc...Le rouge-vert-noir fait donc consensus et cela depuis très longtemps dans une très large frange de la société martiniquaise (ceux qui en tout cas se pensent martiniquais, les autres adhérant au bleu-blanc-rouge, ce qui est leur droit). Pourquoi alors organiser un concours pour inventer de nouvelles couleurs ?

      Tristes Tropiques...

      Il n'y a guère qu'un secteur de notre société qui se porte à merveille : le secteur béké. Il prospère même puisque dernièrement, on a pu voir un très riche Béké racheter des supermarchés à des Chinois martiniquais. Jusqu'à il n'y a pas très longtemps, l'économie martiniquaise laissait une place aux Mulâtres, aux Chinois, aux Noirs, aux Indiens et aux Syriens (c'est ainsi que le centre commercial LA GALERIA n'appartient pas à un Béké ni le multiplex cinématographique de MADIANA), ne laissant entrouvert aux gens venus d'ailleurs que de petits espaces (commerce des meubles ou des bijoux dans lequel ont pu s'engouffrer les Pieds-noirs d'Afrique du nord à la fin des années 60). Aujourd'hui, cette sorte d'équilibre est rompu : le secteur béké est en train d'avaler progressivement tous les autres. Cette concentration du pouvoir économique entre les mains de celui-ci fait que la situation est pire qu'en février 2009.

      Pire c'est-à-dire lourde de dangers. Lourde d'explosions.

      Non pas d'explosions mimétiques (d'où l'insuccès chez nous du mouvement des "Gillets jaunes"), mais de quelque chose qui sera à la fois incontrôlable et dévastateur. Le feu couve sous la braise des Tristes Tropiques. L'atonie générale que chacun peut constater est le prélude à quelque chose dont nous n'avons même pas idée. Surtout pas nos politiciens qui, s'agissant des députés, n'ont été élus que par une toute petite minorité de gens puisqu'il y a eu, lors des dernières législatives, entre 70 et 75% d'abstentions selon les circonscriptions concernées.

      Quel pourraient être les mesures préventives face au cataclysme social à venir ?

      On en voit tout de suite déjà trois :

 

        . que nos chefs de partis politiques, des plus gros au plus petits, s'asseoient autour d'une table et fassent la liste des QUESTIONS D'INTERET GENERAL MARTINIQUAIS c'est-à-dire qui ne peuvent en aucune façon faire l'objet de querelles politiciennes et qu'ils prennent L'ENGAGEMENT SOLENNEL de les respecter désormais.

 

        . qu'ils cessent de faire risette à la classe békée et qu'ils contraignent cette dernière à s'asseoir autour d'une table pour commencer à envisager les voies et moyens de sortir petit à petit de l'économie de comptoir qui n'apporte rien à notre pays et qui ne prospère que grâce aux transfusions financières franco-européennes.

 

        . qu'ils déclarent la guerre à la corruption dont on voit bien qu'elle a des effets dévastateurs dans les pays du Sud et qu'elle fait le lit de l'extrême-droite comme c'est, hélas, le cas au Venezuela ou au Brésil. Le PPM aurait ainsi gagné, pour ne prendre que ce seul exemple, à se désolidariser des chefs du CEREGMIA.

 

      On peut toujours rêver.

      Les Tropiques, fussent-elles tristes, ne sont-elles pas propices aux songeries 

 

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