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MATINES AUX ANSES D’ARLET

MATINES AUX ANSES D’ARLET




L'air fraîchit dans la nuit qui assèche les pleurs de mercure aux yeux d'or des étoiles.

La lune lasse a gagné sa thébaïde aquatique et la chevelure du morne blanchit.

L'heure indécise enfante une aube fripée à un cordon de nuages ensommeillés.

Au point du jour vient boire la mer tranquille et un lent troupeau de palétuviers,

s'envole vers les grottes un essaim de chauves-souris

et les derniers rêves campent au plafond du sommeil au bord des oreillers.



Une averse d'aigrettes blanches poudre lentement le teint cireux de la nuit,

poudre les vagues bosselées de la houppelande marine.

Un soleil abruti trébuche dans l'escalier du ciel, gourd.

La clarine en physalis de fonte tintinnabule au clocher de l'église.

Le silence halète des gospels oniriques, un soupir de tortue, un cauchemar de cirique de mer.



Pareil au son du cor dans la forêt en fuite des traques cynégétiques sous le cri des piqueux,

pareil à l'oliphant tragique de la Chanson héroïque au col de Ronceveaux,

pareil aux cornes des morutiers dans les brumes glacées des mers d'Islande,

pareil à l'appel lointain des antiques buccins qui réveillaient le sang de la soldatesque en péril,

trompe au timbre mystérieux et plaintif, résonne tout d'un coup le strombe géant, le lambi.

Le souffleur solitaire sonne à l'aube décoiffée encore en jupons blêmes ce chant de sirène,

cet appel aux marins, aux passants, aux mains oisives, cet appel de la senne

et l'hallali pour les petits poissons pélagiques.



De chaque case, hagards, s'en viennent sur la plage

les tireurs de filets de ficelle de chanvre ou de pitte bien torse,

teints avec du roucou, des restes d'indigo et ravaudés.

Le patron est au large, avec sa rame rageuse dirige la manœuvre.

Les deux bras du filet se tendent vers le rivage.

Commence alors la danse immobile, le halage poussif

d'une péniche d'eau sous les muscles bandés,

lent charroi d'algues des pêcheurs pensifs.

Deux chapelets de mains calleuses et patientes

balaient les sables benthiques des balaous-licorne, des coulirous argentés,

des chinchards pélerins et des bonites insoucieuses.

Lentement la senne se ferme et scelle le destin du fretin aventureux.

Le baptistère marin s'assèche peu à peu sous l'effort pieux

des mains arrimées en procession aux cordages de chanvre.



Et le Bon Dieu, bonhomme, jette sur la plage de farine,

une hostie d'écailles brillantes et frétillantes,

une poignée de communiants en aube d'argent de l'assemblée halieutique,

dérisoire miracle que se partagent aux matines les villageois évangéliques.



Au loin passent les gommiers chargés de nasses, chartreuses tressées

pour les retraites futures des langoustes et des mombins, des chatrous et des marignans,

des gorettes et des barbarins rouge, des poissons-ange et des chirurgiens bleus,

pour les vœux monastiques des murènes, des demoiselles et des sardes queue jaune.

Au loin s'en vont les yoles des grands veneurs de volants et de coryphènes,

les raboliots de Miquelon, les piqueux des courres au varey, au thazard ou à la dorade.








Thierry CAILLE



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