Accueil
Aimé CESAIRE
Frantz FANON
Paulette NARDAL
René MENIL
Edouard GLISSANT
Suzanne CESAIRE
Jean BERNABE
Guy CABORT MASSON
Vincent PLACOLY
Derek WALCOTT
Price MARS
Jacques ROUMAIN
Guy TIROLIEN
Jacques-Stephen ALEXIS
Sonny RUPAIRE
Georges GRATIANT
Marie VIEUX-CHAUVET
Léon-Gontran DAMAS
Firmin ANTENOR
Edouard Jacques MAUNICK
Saint-John PERSE
Maximilien LAROCHE
Aude-Emmanuelle HOAREAU
Georges MAUVOIS
Marcel MANVILLE
Daniel HONORE
Alain ANSELIN
Jacques COURSIL

MAURICE EST PRÊTE À ACCUELLIR UN AMBASSADEUR PALESTINIEN

Khal Torabully
MAURICE EST PRÊTE À ACCUELLIR UN AMBASSADEUR PALESTINIEN

"Maurice affiche une position ferme et claire à l'égard
des aspirations de la Palestine", me confie Arvin Boolell.

Suivi de

Navin Ramgoolam annonce que Maurice est prête à accueillir
un ambassadeur palestinien à Port-Louis

Conversation avec Arvin Boolell, Ministre des Affaires étrangères de la République de Maurice

Jeudi 28 septembre, au siège du Ministère à Port-Louis.

Mes pas à Port-Louis, en cet après-midi étouffant croisent ceux d'Arvin Boolell, quasiment à côté du vieux Théâtre de Port-Louis, le plus ancien de l'hémisphère sud, maintenant clos, en attente d'une énième rénovation.

Dans la rue, on s'éponge avec un mouchoir dans l'étuve de la capitale, alors que d'autres font la queue pour déguster le proverbial dholl puri d'un "marchand" légendaire, vendant ses galettes le long du trottoir, d'une vitrine fixée sur son vélo noir. Scène immémoriale de Port-Louis, où à midi, l'on découvre cette habitude d'un déjeuner
convivial dans la rue, entre nouilles chinoises, galettes indiennes, ananas artistement découpés et fruits confits au vinaigre...

Arvin Boolell, en homme avenant, me répond quant à sa récente mission onusienne, avant de m'inviter à prolonger la conversation à la Newton House,
après les heures du bureau. Il me paraît pressé, et pour cause...

Cet homme affable, que je connais depuis quelques années, accomplit avec bonhomie et constance sa récente mandature à la tête de la diplomatie mauricienne, et ses récentes interventions à l'ONU où il a présidé une sous-commission, ont été suivies de près au pays. Boolell ne s'épargne pas afin que cet état-archipel en quête de reconnaissance, et soucieuse de peser comme passerelle entre Afrique, Europe et Asie, multiplie ses actes de politique internationale.

Et ce avec le souci constant des autorités mauriciennes de placer l'état insulaire "sur la carte du monde". C'est le cas par le tourisme, et je gage maintenant, par une diplomatie plus affirmée, plus audible.

Avec la demande de Mahmoud Abbas le 20 septembre, je pense que l'île Maurice n'a pas raté le coche, en affichant une position sans ambages en faveur du peuple palestinien aspirant à un état viable, doté d'une continuité territoriale.

Historique d'une prise de position

Cette prise de position "claire et sans ambiguité" résulte d'un ensemble de faits et d'analyses dont la diplomatie mauricienne s'est faite un devoir d'assimiler. En voici les fondamentaux, comme mon hôte me les détaille:

a) Le discours du Caire de Barack Obama.

Avec ce discours à l'intention du monde musulman, Barack Obama a réussi un changement de polarité majeure dans la diplomatie américaine, remettant l'axe du Bien et du Mal de Bush au placard de vieilles rancœurs et rompant avec le discours haineux du "choc des civilisations" de Samuel Hungtington, des ultra-conservateurs et d'une partie des juifs américains. Après les mensonges des armes de destruction massive ayant servi de prétexte à l'invasion de l'Irak, la démonisation des musulmans assortis de facto de l'étiquette de "terroristes", Obama remet le monde arabo-musulman dans une logique de dialogue entre l'Orient et l'Occident, d'une construction civilisationnelle duelle, rompant avec l'unilatéralisme bushien. Discours majeur, et feuille de route attendus, à telle enseigne, me dit le ministre des Affaires Etrangères Boolell, qu'Obama met en branle un changement majeur du monde actuel: les révolutions arabes.

Le Ministre Boolell souligne une chose essentielle: Ce discours fait à l'Université al-Azhar, parmi un public jeune et pour un public essentiellement jeune et aux intellectuels, désigne que les acteurs de cet espace humain sont bien ces deux groupes, et peu ou prou les dirigeants souvent despotiques de ces régions, coupés des aspirations démocratiques de leurs peuples.

Dans le contexte suivant l'élection d'un afro-américain avec une consonance patronymique musulmane, l'attente était énorme, surtout après les morts inutiles par centaines de milliers en Irak et en Afghanistan, et la mise au ban de plus d'un milliard d'humains dans le monde, du seul fait de l'équation simpliste musulmans = terroristes. Et Obama a été entendu au-delà de ses espérances...

"En remettant en cause le système américain d'interventionnisme rappelant les croisades, Obama ébranle des citadelles. Il a ravivé l'espoir d'une société pétrifiée à l'aune d'une collectivisation de la faute, et, sachant que dans l'inconscient arabo-musulman, la blessure palestinienne est en creux, Obama donne une légitimité, une dimension morale, historique, politique, économique et culturelle à la cause des palestiniens privés de leurs droits humains fondamentaux. N'oublions pas qu'il dit même qu'Israël doit coexister avec l'état palestinien suivant les lignes de découpage de 1967. C'est une déclaration historique. Obama a aussi osé dire cela  dans le contexte particulièrement difficile des bombardements de Gaza. Il lève donc une censure. Cette onde de choc a aussi atteint l'Union Européenne, où il n'y a plus d'unanimité en bloc derrière Israël".

Un mur s'est lézardé: les propagandes reposant sur la supposée incompatibilité entre Islam et la démocratie, comme l'a démontré le printemps arabe, sont aussi balayées. Les civils ont lutté pour la justice, la liberté, contre la corruption, sur des idées de progrès et de démocratie, et ce fait est totalement nouveau et il pèse lourd sur le cours de l'Histoire actuelle.

b) Un changement de contexte régional et international

Le deuxième fait provient que, de la position irrédentiste israélienne, naissent des changements dans l'environnement politique et géostratégique au Moyen et Proche-Orient.

Tout d'abord, la cristallisation des frustrations palestiniennes s'est exprimée à travers le Hamas, surtout très présent à Gaza, qui subit un embargo israélien depuis longtemps. Ce déni de dignité a été un théâtre de souffrances offert au vu et au su de tout le monde, et cela n'a pas conforté l'idée d'un état hébreu respectueux des droits de l'homme. Pis, les atrocités contre les populations civiles, par l'utilisation de moyens d'attaque disproportionnés contre les civils palestiniens à Gaza l'an dernier ont soulevé l'indignation dans la plupart de pays du monde. La guerre des médias a été remportée par les palestiniens dans ce cas, de même que le massacre de militants humanitaires forçant l'embargo israélien l'an dernier aura démontré que l'état hébreu a été trop loin. Israël, à ce jour, est encore à la recherche d'une formule pour présenter "des excuses" aux autorités turques, dont des citoyens humanitaires ont été tués.

Justement, la Turquie... Elle ne cesse de monter en  puissance dans cette région. Ce pays, membre de l'Otan, qui fut le meilleur allié d'Israël dans un ensemble moyen-oriental qui ressent mal les agressions quotidiennes contre les palestiniens, s'est mis dans une situation proche de la rupture avec l'état hébreu. On se souvient que ce pays avait même des entraînements militaires communs avec Tel Aviv. Boolell pense que l'état hébreu ne devrait pas persister dans l'erreur de la confrontation tous azimuts. "Il faut arrêter la muraille de la honte, les discriminations outrancières, la xénophobie, les violations des droits humains et mettre les turcs dans le camp des ennemis est un calcul dangereux". Car les turcs sont de bons "power brokers" et auraient aidé à un bon deal sur le plan de l'intégrité et de la souveraineté territoriale des deux peuples, en mettant d'accord Abbas et le Hamas.

"Il fallait faire plus de règlement diplomatique, moins de rétorsions dans cet épisode de bateau humanitaire. Peut-être qu'Israël pensait que les EU allaient faire pression sur la Turquie. Et le cas libyen démontre que les EU ne sont plus les gendarmes du monde. Et de plus, Obama se doit de concentrer des efforts dans la politique intérieure de son pays avec des problèmes de solvabilité financière et dont une partie de la dette a été rachetée par les chinois. En utilisant chaque fois la force et en jouant sur l'immunité, en refusant la voie diplomatique, Israël se met dans une situation de recul. Il n'a pas su décrypter le printemps arabe. Car il faut comprendre que tout a commencé par le sort d'un désespéré, un jeune diplômé qui s'est immolé par le feu, à cause de l'injustice et de la surdité d'un tyran. C'est ce même sentiment d'injustice qui traverse le monde arabo-musulman. Pourquoi les palestiniens seraient-ils les seuls humains à ne pas avoir un état???  On en a créé pour le Kosovo, pour le sud Soudan...On ne supporte plus l'injustice. Partout les peuples descendent dans la rue. Israël aurait pu voir ses voisins assoiffés de justice se révolter contre des dictatures et des situations réputées inchangeables, verrouillées et les entendre... Et pourtant! Abbas n'avait pas d'autre choix. Porté par la vague de fond du mécontentement arabe, il se devait de présenter la demande palestinienne et de faire valoir leur droit inaliénable à un état viable. La Ligue Arabe était bien amorphe, l'Egypte était secouée... Même le Quartet dirigé par Blair, le PM qui a menti sur les armes de destruction massive, ne peut geler cet élan des peuples vers la liberté et la dignité. Voila des données nouvelles, les fondamentaux ont changé...".

L'état mauricien, vigilant sur les droits des peuples

Le Premier Ministre mauricien, au regard de ces éléments nouveaux a décidé de ne pas ouvrir un bureau diplomatique pour Israël à Maurice, "même si", le souligne Boolell, "nous faisons partie de l'Internationale Socialiste. En cela, notre Premier Ministre a du cran. Et ce refus persistera tant qu'Israël ne change pas d'attitude sur la Palestine, et n'oeuvre pas pour une coexistence pacifique entre les deux peuples longtemps engagés dans une guerre qui éprouve les nerfs de tout le monde".

Maurice a une politique crédible au niveau international quant à son engagement pour les droits humains. Et ce petit pays garde le cap, et le démontre résolument dans le dossier palestinien.

Et quid du veto américain?

"Si l'on analyse le discours d'Obama à l'ONU, il ne démontre pas un zèle à utiliser le veto, ce serait une catastrophe face à l'opinion arabo-musulmane, surtout quand on se souvient de son discours du Caire, qui réclamait tout autre chose... Or il y a là un malaise, un dilemme pris dans des équations de lobbies et d'élections à venir... Pour nous le mur de la honte doit tomber, les colonisations doivent cesser, il faut retourner à la table des négociations et derrière les lignes de 1967. Pourquoi Jérusalem Est ne serait pas une capitale pour palestiniens et israëliens? Pourquoi pas un état palestinien d'abord avec un statut d'observateur? Peut-être qu'avec ce statut la Palestine peut saisir la Cour Internationale de Justice et cela fait réfléchir?"

A entendre Arvin Boolell, une chose est sûre: il faut que toute politique qui nie la dignité de l'autre cesse au Moyen-Orient. Je lui parle de la position des sud-africains, de Desmond Tutu...

"Pour moi,  Desmond Tutu n'a pas tort de faire des parallélismes avec l'Apartheid, car il y a eu plusieurs condamnations des instances internationales au vu des droits de l'Homme régulièrement bafoués en territoires occupés. Par ailleurs, nous sommes liés à la philosophie gandhienne pour la paix. Et cela implique la défense légitime des peuples en souffrance..."

Je lui parle de "nos palestiniens, les chagossiens", et des similitudes surtout quant à la notion de territorialité.

Boolell s'anime et me répond: "Pour Diégo Garcia, nous n'allons pas remettre en cause notre intégrité territoriale. C'est un principe "sacro-saint" de la nation mauricienne. Nous nous battrons sur tous les fronts contre les manœuvres dilatoires qui visent à fatiguer les peuples à réclamer leurs droits fondamentaux. C'est le cas pour la Palestine, c'est le cas pour Diégo Garcia. L'océan Indien doit demeurer une zone dénucléarisée. Et nous sommes à la Cour Internationale de Justice pour défendre notre intégrité territoriale par rapport aux chagossiens..."

La position mauricienne est on ne peut plus claire et courageuse. Ballotés depuis des années de cour en cour, jusqu'au classement des Chagos comme zone de préservation d'espèces marines, la galère des îlois de Diégo Garcia ressemble à s'y méprendre, au niveau des dénis de droits et des "magouilles" au sort peu enviable du peuple palestinien.

"Maurice défend les libertés fondamentales des peuples, non pas sur un clavier double, mais avec permanence et sans ambiguïté. Nous soutenons les états qui demandent le respect et la dignité dans leurs luttes et revendications justes et fondées, par des moyens pacifiques, comme le font en ce moment les palestiniens qui tendent, comme jadis Arafat, le rameau de l'olivier à l'état hébreu"...

Prenant congé du Ministre Boolell, une pensée me vient en tête.

Un monde "populaire" et multipolaire

J'ai soudain l'impression que quelque chose vient de basculer dans la conscience des peuples, en dehors des vetos ou des irrédentismes. La vieille rhétorique des murs et des colonisations féroces s'est fissurée avec le printemps arabe et la demande de Mahmoud Abbas. Mais avant il y a eu la "correction de Gaza", la poursuite des colonisations en dépit des condamnations de l'ONU, et le bateau humanitaire turc, dont les morts inutiles ont choqué le monde. Il est évident que l'alliance israélo-américain ne peut se prévaloir de la même consistance du pot de fer. Les deux sociétés souffrent des guerres qui minent leurs économies. La situation américaine dont la dette est en partie payée par les Chinois est exemplaire à ce sujet. Les révoltes sociales israéliennes aussi expriment une lassitude de la société civile qui se plaint - étrange écho aux révolutions arabes - de la vie chère, d'un avenir peu reluisant... Situation qui exprime un ras-le-bol des jeunes (autre écho au printemps arabe) israéliens, qui en ont assez de payer des efforts de guerre sans fin. Et cela se comprend. On ne fonde pas une vie sur la destruction de l'autre mais sur la construction de soi. Et cette contestation de l'autre côté du mur de la honte reflète le rejet des indignés de la Grèce, de l'Irlande, de l'Angleterre, du Portugal, de l'Italie... La crise mondiale est bien là et un bouillonnement des peuples fait monter la température, avec des conséquences sur les perceptions des conflits intérieurs ou extérieurs. Il y a là un effet,, si je puis dire, "positif" de la crise, en ce qu'elle réclame la paix pour pouvoir résoudre son propre problème de vie ou de survie,  sauf guerre coloniale pour s'emparer du pétrole ou des matières premières des peuples...-

Car l'onde de choc de la crise financière d'il y a trois ans donne des répliques dont les failles s'agrandissent, comme le démontrent les turbulences de la zone euro. D'autres pays reprennent le devant de la scène, dont la Chine et l'Inde. Le binarisme géopolitique, les rapports de force à l'ONU - dont beaucup se demandent si elle joue encore un rôle dans le monde contemporain car elle correspond plus à l'après-guerre et à la guerre froide qu'à un monde multipolaire - de l'après-Bush s'étiolent. Par un jeu de dominos, le brasier israélo-palestinien s'en trouve altéré, même si l'on s'accroche à des situations du passé. C'est ce que voulait, à mon sens, dire Manmohan Singh, PM indien, en soutenant la Palestine, qu'il veut œuvrer pour une vision d'un monde d'avenir...

L'avenir qui est avec les pays émergents, dont Maurice se sent proche, surtout avec la crise affectant les anciennes puissances coloniales, qui forge une autre vision sur le sempiternel conflit de la Palestine et d'Israël. La Turquie est l'exemple le plus probant de cet avenir qui rééquilibre les forces, différente de la montée en  puissance de l'Iran. Cet état boudé par l'Europe s'affirme de plus en plus sur la scène internationale. L'accueil d'Erdogan en Egypte est très parlant à ce sujet, tout comme son engagement en Syrie, en soutenant l'alternative, alors que les européens sont longtemps restés dans un flou peu artistique. Les Egyptiens l'ont accueilli en héros et l'éditorialiste, Mohammed Amin, du quotidien libéral Al-Wafd, a même dit: "Prêtez-nous Erdogan pour un mois!".

Les peuples se fatiguent des vieilles rengaines, et il est temps de sortir de la spirale de folie qui fracasse consciences et sociétés autour de Jérusalem...

Je gage que Mahmoud Abbas a compris le sens de cette trajectoire nouvelle de l'Histoire. En dépit des manœuvres que l'on connaît à l'ONU...

Et trois faits sont bien là: ce sont les palestiniens aussi qui avec leur intifida ont montré aux peuples arabes ce qu'ils peuvent faire contre leurs classes politiques incapables de faire avancer les aspirations des civils pour la liberté. On connaît la suite. Un autre élément a précédé le mouvement 2.0 numérique des sociétés arabes: la guerre du net pendant la dernière guerre libanaise et la guerre de l'image pendant les intifidas et les punitions massives et disproportionnées des israéliens contre les habitants de Gaza. Donc, ces sms, twits et autres réseaux sociaux relayés par Al Jazira et le web puisent leurs sources de luttes et de résistance dans le conflit israélo-libanais où sévissait la guerre des blogs durant l'invasion du Liban par Israël en 2006. C'était à mon sens la première cyber-guerre de l'Histoire (1). Comme on le dit ici, citant le grand Omar Khayyam: "La nuit ne peut être que la paupière du jour".

Et troisièmement, comme le soutient David Dreier, membre de la chambre de représentants des Etats Unis en visite en Tunisie le 25 septembre: "Le Printemps arabe est synonyme de la défaite d'al Qaida". Non seulement d'Al Qaida mais aussi des américains et de leurs alliés: les peuples ont réussi ce que les chars américains n'ont pas fait en Irak ou en Afghanistan : cheminer vers la démocratie par la base populaire et non par l'établissement de dirigeants imposés sur de savants critères ethniques, géopolitiques ou tribaux. Avec des idéaux clairs de pluralité démocratique, d'indépendance vis-à-vis des puissances encombrantes, d'égalité de droits et de chances, contre les voyoucraties qui ont longtemps saigné leurs peuples, souvent dans le silence complice des pays démocratiques. J'aimerais croire que le printemps arabe a changé le cycle des saisons de l'intolérance et de la haine d'un monde unilatéraliste, même si des doutes persistent en Egypte sur la capacité de nuisance des anciens régimes dont la tête est coupée et dont le corps bouge encore... Mais  une nouvelle dynamique est bien enclenchée, même si dans certaines régions les velléités de l'empire semblent renouer avec les anciens réflexes guerriers!

Vendredi 30 septembre: Ramgoolam annonce l'établissement des relations diplomatiques avec la Palestine

J'ai à peine achevé de rédiger ces propos qu'hier soir, invité à assister à une soirée de la Eid à Pamplemousses, j'ai eu droit à la primeur de l'annonce de la décision de Navin Ramgoolam, PM mauricien, d'établir des relations diplomatiques avec la Palestine, et ce juste après avoir répété son soutien sans faille à Mahmoud Abbas, dont dit-il, "j'admire le courage et la persévérance".

Navin Ramgoolam a répété, devant une foule dense réunie dans sa circonscription, à l'occasion de ses vingt ans de carrière politique, une conversation qu'il m'avait confiée lors d'un échange autour de mon livre en soutien au peuple palestinien: "Paroles entre une mère et son enfant fusillé". J'y racontais la fusillade qui avait pris la vie d'un petit palestinien et la détresse de sa mère, que j'étendais à toutes les mères du monde perdant un enfant de façon si injuste, et la guerre est si cruellement injuste.

Cette conversation, c'est celle que son père, Sir Seewosagur Ramgoolam a eue avec Golde Meir, alors PM d'Israêl.

Le père Ramgoolam avait tenté de dissuader le PM israélien de continuer à asseoir l'état hébreu au Moyen-Orient: "Mon père avait dit à Golda Meir, regardez une carte du Moyen-Orient. Là vous avez la mer et ici un océan de pays arabes. Ne craignez-vous pas d'être submergée un jour?

Golda Meir répondit: "C'est théorique!" Mais SSR ne voulut pas en rester là... Il rappela la situation géographique d'Israël et répéta: "Vous allez être jetés à la mer en étant entourés de tous ces arabes que vous antagonisez". Golda Meir n'en démordit pas non plus et répéta: "Tout cela et théorique, car ils ne sauront jamais parler d'une seule voix..."

Et les choses en restèrent là...

Et si justement, après le printemps arabes, c'est la rue qui parlait d'une seule voix au-delà des régimes autocratiques corrompus qui négligeaient les aspirations profondes de leurs peuples?

Navin Ramgoolam, en acceptant d'accueillir un ambassadeur de la Palestine à Maurice, pose là un acte diplomatique avec un retentissement fort. Il indique clairement que les peuples ont décidé d'entendre les aspirations légitimes d'autres peuples. Et il va de ce fait dans ce changement de polarité géopolitique, à savoir un monde multipolaire de moins en moins dominé par les diktats américains en matière de résolutions toujours ratées au Moyen-Orient...

Rappelons que l'Autorité palestinienne avait demandé l'établissement des relations diplomatiques avec Maurice, comme l'avait annoncé le Vice-Premier Ministre, Rashid Beebeejaun en Conseil des ministres le 29 juillet 2011. La Palestine entretient déjà des relations avec ambassadeurs dans quelques 83 pays, y compris avec l'Union Européenne et la Ligue Arabe.

En se disant prêt à accueillir un ambassadeur palestinien à Maurice, Ramgoolam indique que les temps ont changé depuis que les peuples se prennent en main au-delà de leurs élites politiques, inspirant peut-être ce que d'aucuns s'ingénient à nier pour des raisons d'incapacité à saisir un monde en mouvement et traversé de séismes imprévisibles... Et d'ores et déjà, il brille par sa prise de position courageuse et juste...

Khal Torabully

Île Maurice, 1 octobre 2011

Note

  1. La «cyber-guerre»: des blogs entre dépit et colère ...

Connexion utilisateur

CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain afin d'éviter les soumissions automatisées spam.

Pages