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Mme Taupin-Pélican : "Nous ne sommes pas prêts à laisser piétiner la mémoire de 152 Martiniquais"

Mme Taupin-Pélican : "Nous ne sommes pas prêts à laisser piétiner la mémoire de 152 Martiniquais"

   Le crash de la West Caribbean, compagnie colombienne qui faisait voler un avion-poubelle entre la Martinique et Panama est, encore dans toutes les mémoires treize ans plus tard. Pendant tout ce temps, les familles des victimes, à travers une association appelée AVCA, n'ont cessé de se battre pour que toute la vérité soit faite sur cette tragédie. Comme l'explique la secrétaire de l'association, Mme TAUPIN PELICAN, les responsables n'ont eu de cesse que de se défiler et la justice a fini par prononcer un non-lieu. C'est l'appel de l'AVCA à ce non-lieu qui sera jugé les 15 et 16 mai prochains devant la Cour d'Appel de Fort-de-France. Tous les Martiniquais épris de justice devraient s'y rendre pour faire entendre leur indignation...

   MONTRAY KREYOL : 13 ans après le crash de la West Caribbean, où en est l'affaire au plan judiciaire ?


   TAUPIN PELICAN : Au plan judiciaire, nous sommes là où la justice française a voulu, dès le départ, nous emmener; c'est-à-dire dans un goulot d'étranglement où les seuls responsables seraient les pilotes. Pourquoi un goulot d'étranglement ?  C'est parce que, à la lecture du dossier pénal, on se rend vite compte que d'autres pistes existent, que d'autres personnes ou d'autres entités ont participé à la chaîne de responsabilités mais que la justice française a fait le choix de ne pas aller dans ces directions, de ne pas explorer toutes les causes systémiques. Elle s’est focalisée sur les seuls pilotes, leur cherchant toutes sortes de poux alors qu'il y a de gros éléphants qu'ils ne veulent pas voir. Les pilotes ont donc été déclarés uniques responsables de la catastrophe et comme ils sont morts, on ne peut pas les poursuivre, d'où le non-lieu qui a été prononcé pour clôturer définitivement le dossier.
Cela fait 13 ans, en effet, mais pendant toutes ces années (l’objectif étant de lasser les familles), l'AVCA et ses avocats n'ont pas cessé de déposer des demandes d'actes qui ont systématiquement toutes été rejetées en 1è instance. Quand, en appel, nous avons obtenu :

   1/ que le dossier de maintenance soit traduit: le juge n'a pas bougé. Il a fallu qu'un de nos avocats intervienne et fasse remonter la question jusqu'à la Garde des Sceaux pour que des fonds spécifiques soient débloqués. Curieusement, seule une partie de ce dossier a effectivement été traduite mais le juge s'est contenté de l'annexer sans avoir jamais daigné l'étudier. Pourtant, s'il y avait jeté un œil, il y aurait vu que ce MD-82 qu'il décrit comme un avion parfaitement entretenu n'était rien moins qu'un AVION POUBELLE.

   2/ que les boîtes noires soient relues par un autre laboratoire:Le juge, qui manifestement fait ce qu'il veut, a fait relire l'ensemble par le même laboratoire, contrairement à ce qui lui était demandé. Le résultat n'a rien de surprenant, à l'arrivée. Par exemple, dans le cockpit, on a la même lecture médiocre avec des traductions approximatives des conversations et bon nombre d'échanges qui seraient pour eux inaudibles. Et le comble de tout, pour montrer à quel point ces gens sont incapables ou se foutent de notre gueule, on fait dire au pilote : « dites à la tour de contrôle que nous avons éteint les deux moteurs ». C’est n’importe quoi. Ce n’est pas ce qui se dit dans le cockpit mé yo sanfouté.Une telle légèreté est inacceptable.
Nous avions pourtant demandé un labo canadien, celui-là même qui s'était proposé aux vénézuéliens le jour du crash, labo dont on connaît la technicité mais la France avait préféré se charger du job.

   Donc ce sont 13 années de combat avec des forces inégales, bien évidemment, puisqu'en face, la machine judiciaire veut nous écraser mais nous résistons et résisterons encore car nous ne sommes pas prêts à les laisser piétiner la mémoire des 152 Martiniquais.

   MONTRAY KREYOL : quels sont, selon l'AVCA, les responsables de cette tragédie et pour quelles raisons ?

   TAUPIN PELICAN : Pour l'AVCA, les responsabilités sont multiples. Bien sûr, nous n'excluons pas que les pilotes puissent avoir une part de ces responsabilités, mais on ne peut pas tout mettre sur leur dos. Prenons l'exemple de l'avion de Southwest Airlines dont un moteur a explosé en vol ce 17 avril 2018. C'est un incident grave mais les pilotes avaient appris à gérer ce genre de situation alors ils n'ont fait que reproduire ce qu'ils savaient faire et l'avion a pu se poser. Dans le crash de la West Caribbean, les pilotes n'avaient JAMAIS appris à gérer ce genre de décrochage. Donc, ils n'ont pas su reproduire des gestes qu'on avait fait le choix de ne pas leur apprendre. C'est leur faute puisqu'ils étaient aux commandes, ils n'ont pas emmené l'avion à destination, mais derrière il y a une compagnie qui n'a pas respecté la réglementation en ne les formant pas correctement.
Ce n'est pas le seul grief qu'on peut avoir contre la compagnie puisqu'elle surexploitait son unique avion qui volait (à ne pas confondre avec apte au vol) car on se demande à quel moment elle pouvait effectuer la maintenance. D'ailleurs l'expert même dit que parfois dans le livre de maintenance, il était écrit que l'avion était dans le hangar X pour tel ou tel Check mais qu'il était impossible que l'avion soit à cet endroit-là au moment indiqué. De surcroît, la WCA prélevait des pièces sur les 2 MD qui étaient cloués au sol et achetait aussi des pièces au marché noir. (Voir documentaire West Caribbean Mensonges et vérité).

   LA DGAC COLOMBIENNE : elle ne faisait pas correctement son travail de gendarme de l'aérien et avait écrit quelques mois avant le crash qu'elle ne disposait pas de contrôleurs suffisants. Des sénateurs colombiens avaient tiré la sonnette d'alarme à plusieurs reprises afin que cesse le favoritisme dont bénéficiait la West en prévenant qu’un autre drame risquait de se produire si on ne suspendait pas les activités de cette compagnie dont un avion s’était déjà crashé en mars 2005. La DGAC colombienne avait sanctionné la compagnie à plusieurs reprises pour surcharge (plus d’une tonne), non-respect de la règlementation, non-respect du temps de repos des pilotes, etc en lui donnant des amendes, la menaçait de lui enlever la licence mais la WCA s’en sortait toujours.
Le plus grave c’est que l’aviation civile colombienne lui faisait chaque mois un certificat d’aéronavigabilité temporaire.

   LA DGAC FRANCAISE : la DGAC française aurait dû, si elle avait fait son travail avec conscience, éviter le drame. Il lui suffisait d’appeler la DGAC colombienne pour savoir ce que valait cette compagnie implantée à Medellin, haut lieu du trafic de cocaïne. Elle aurait appris que la West était au bord du gouffre financier et qu’elle avait très mauvaise réputation. Si elle avait fait son travail avec conscience, elle aurait su que cette compagnie avait eu un crash avec des morts à peine un mois avant de solliciter un droit de trafic pour venir en Martinique.
On se demande comment elle a pu autoriser des vols jusqu’au 31 août pour un avion circulant avec un certificat de navigabilité provisoire arrivant à échéance le 21 août et ne possédant pas de certificat d’immatriculation définitif. En plus la DGAC française n’a jamais communiqué directement avec la compagnie mais toujours avec un intermédiaire : le fameux courtier de Miami, monsieur Cimetier. La DGAC française a incontestablement une grosse responsabilité car si elle avait dit non, nos compatriotes ne seraient pas partis sur ce coucou.

   Monsieur CIMETIER : c’est lui qui est allé chercher cet avion merdique à Medellin. Il s’est substitué à la compagnie en étant seul intermédiaire de la DGAC. Il achetait des pièces pour réparer l’avion donc il savait les difficultés financières de West. Il a payé le complément d’assurance demandé. Il a encaissé le prix de vente des billets. Tout cela fait de lui un transporteur de fait donc responsable au même titre que la West selon la convention de Montréal.

   BOEING : le calage des alarmes dans le cockpit a été pointé du doigt par l’enquête administrative faite au Vénézuéla. Nos experts avaient déjà relevé ce point et une enquête commanditée par l’AVCA a confirmé que lorsque les alarmes ont retenti dans le cockpit, la marge de manœuvre laissée aux pilotes n’était pas suffisante pour leur permettre de réagir.

   BLAS (Balboa Logistics Airport Services) : c’est la société chargée de l’assistance au sol au Panama. Selon les calculs faits par les enquêteurs, le poids de l’avion était nettement supérieur à ce que Gary ACOSTA, gérant de BLAS, avait inscrit sur le document remis au pilote. Autrement dit, les pilotes ont été trompés sur la masse de l’avion. BLAS n’a pas non plus été en mesure de confirmer que les bonnes cartes météo leur avaient été données. Alors comment peut-on accuser les pilotes d’avoir choisi la mauvaise route alors que BLAS continue à exercer sans qu’on lui demande de s’expliquer sur ses fautes gravissimes qui ont induit les pilotes en erreur ?

   L’AGENCE DE VOYAGE : cette agence Globe-Trotter est aussi responsable car elle a vendu la mort en n’ayant pas pris la peine de se renseigner sur ce qu’elle vendait. Raphael Nayaradou n’aurait jamais vendu ça. Il y a des agents de voyage scrupuleux et il y en a pour lesquels seul le profit compte.
EN CONCLUSION, ce qu’il faut comprendre c’est qu’il y a une chaîne de responsabilités. Si un seul des maillons était resté « fort », l’accident ne se serait pas produit.
   -La DGAC française fait bien son travail : l’avion ne vient pas chez nous, pas de crash avec les 152.
   -La DGAC colombienne fait son boulot : la compagnie arrête ses opérations, pas de crash.
   -La West se met en conformité avec la réglementation et la sécurité aérienne : pas de crash.
   -Monsieur Cimetier ne paye pas le complément d’assurance à la place de la West, elle ne peut pas obtenir son droit de trafic et donc pas de crash avec les 152
   -BLAS effectue correctement son assistance au sol : pas de crash
   -Les alarmes retentissent bien en amont du décrochage ; les pilotes ont le temps d’identifier la situation et s’ils ont appris la manœuvre, ils peuvent gérer et reprendre le contrôle de l’aéronef.
   Ma certitude, c’est que si cet avion n’était pas tombé le 16, il se serait cassé la gueule le 17 ou le 18 mais, exploité dans de telles conditions, il ne pouvait finir qu’ainsi. Alors faire croire aux Martiniquais que la catastrophe a été uniquement causée par les erreurs des seuls pilotes, cela relève d’un manque d’honnêteté et de conscience professionnelle, d’un manque de respect pour les familles qui ont besoin de comprendre. Les responsabilités des uns et des autres se dessinent à la lecture du dossier et les nier n’est rien moins qu’un signe de mépris.

   MONTRAY KREYOL : est-ce que l'Etat a fait tout ce qu'il fallait pour que toute la lumière soit faite ?

  TAUPIN PELICAN : Les présidents, ministres, procureur de l’époque avaient promis la vérité aux Martiniquais. Ils nous ont aidés à pleurer nos morts mais dès le moment où nous avons pointé du doigt les failles de l’enquête, nous avons bien compris que nous étions seuls. Nous avons frappé à toutes les portes mais nos demandes n’étaient pas entendues au nom de la séparation des pouvoirs. Nous avons interpellé la Garde des Sceaux et manifesté  pour qu’on entende nos protestations, mais nous dérangions. Ce dossier devait être refermé et si l’AVCA n’était pas là, ce serait chose faite depuis longtemps. Il est clair que l’Etat n’a pas fait son travail en amont (DGAC), mais ministres et Chef d’Etat  s’en lavent les mains déclarant que la justice fait bien son travail d’enquête. Et dire que l'Etat est supposé protéger ses ressortissants! Que les autorités soient rassurées, nous ne demandons pas de faveur, nous demandons de la rigueur et du professionnalisme, pas une justice au rabais alors qu’elles sachent que nous nous battrons pour cette vérité.

   MONTRAY KREYOL : comment expliquer que la justice ait prononcé un non-lieu ?

   TAUPIN PELICAN : Rappelons pour ceux qui ne savent pas qu’un non-lieu signifie la fin de la procédure, ce qui veut dire qu’il n’y aura pas de procès puisqu’il n’y a pas de coupable à poursuivre.
Dans ce cas précis, il aurait fallu poursuivre  les pilotes puisque la justice les a déclarés responsables de la tragédie ; mais comme ils sont morts, il ne peut y avoir de suite pénale. En fait, c’est une solution qui les arrange tout le monde sauf ceux qui veulent la vérité car ainsi, on classe l’affaire et on n’en parle plus. Sinon, déclarer la Colombie responsable, par exemple, c’est remettre en question les relations économiques, diplomatiques, politiques qu’elle entretient avec ce pays et il est clair que la France s’y refuse. Elle a vendu une quarantaine d’Airbus à la Colombie après le crash et cela pèse sans doute plus lourd que 152 compatriotes.
J’explique bien ces enjeux dans « Mayday, Mayday, Mayday, fera-t-il jour demain ? », le livre que j’ai écrit sur cette catastrophe.

   MONTRAY KREYOL : quel est l'objectif des manifestations devant la Cour d'Appel les 15 et 16 mai prochains ?

   TAUPIN PELICAN : Bien évidemment nous avons fait appel du non-lieu que nous jugeons injuste, scélérat, infondé. C’est un non-sens quand, comme expliqué supra, il y a tous les autres acteurs du drame qui ne sont pas interrogés. Cela se jouera les 15 et 16 mai prochains et ils veulent confirmer leur décision dans le dos des Martiniquais, en catimini car ils nous précisent que nous ne sommes pas obligés d’être présents. Ils ne veulent pas d’une audience publique. Cependant, toute la Martinique est concernée, comme elle l’était en août 2005. Toute la Martinique attend de connaître la vérité alors elle viendra à la Cour d’appel dire son refus de voir la mémoire piétinée, son refus d’accepter ce non-lieu inacceptable. Tout moun pou la lé 15 é 16 mé douvan lacouw dapel pou di nou pa dakò

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