Le roi absent est un long récit — roman ou conte — qui tresse une multitude d'inspirations venues des îles Sous-le-Vent, des Marquises, de Tahiti, de Paris et de Nouvelle-Angleterre. Deux voix principales s'y expriment — la première solidement enracinée en Polynésie, l'autre venue de métropole. Cette dualité s'organise, semble-t-il, à la manière d'une partie d'échecs riche de feintes, de diversions et de rebondissements.
L'ouverture laisse croire à un roman de formation : on y suit Moanam de l'enfance à Nuku Hiva et Huahine, puis à Tahiti, à Paris pour de brillantes études, enfin de nouveau à Tahiti où s'amorce une ascension sociale rapide, et brutalement infléchie. C'est alors qu'entre en scène Philippe, un psychiatre métropolitain qui, pour avoir pris le relais, devra affronter les rigueurs de l'hiver à Providence (Rhode island), sonder les mutismes et expérimenter les remèdes traditionnels de descendants des Indiens Wampanoag.
Car sous la trame romanesque sont inscrits les fils d'une histoire préexistante, déployée de générations en générations au rythme de lentes migrations du nord au sud et d'est en ouest. À l'origine était un conflit entre la parole et l'écriture, séquelle d'un premier contact entre civilisations, suivi d'un long cycle d'errance que Moanam le roi absent — et muet — était voué à conclure.
En déployant son récit sur plusieurs plans et en multipliant les points de vue, Moetai Brotherson brouille les pistes au risque de dérouter. Mais accepter les aléas d'une navigation proche parfois de la dérive ouvre d'attrayantes perspectives : pérégrinations parisiennes d'un Tahitien fraîchement débarqué, vie quotidienne à Huahine et dans les districts de Tahiti, regard sans complaisance sur les conditions de détention à Nuutania, robinsonnade dans la presqu'île … et autres escales jalonnant une intriguante partie d'échecs.
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
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