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Mois du créole : l'indispensable recréolisation linguistique (5è partie et fin)

Raphaël CONFIANT
Mois du créole : l'indispensable recréolisation linguistique (5è partie et fin)

   Résumons ce qui a été exposé dans les quatre articles précédents :

 

    . le créole est une langue menacée contrairement à ce que croient la majorité des Martiniquais.

 

    . le créole est victime d'une décréolisation à la fois quantitative (le nombre de locuteurs diminue) et qualitative (la qualité de la langue est devenue problématique).

 

   . les politiques, de quel que bord politique qu'ils soient, y compris les "nationalistes" ou "indépendantistes" n'ont jamais fait de la question linguistique l'un des points forts de leurs revendications contrairement à ce qui se passe dans des situations comparables (Corse, Tahiti, Québec, Bretagne, Kabylie etc.).

 

   . il y a urgence à définir une "glottopolitique" c'est-à-dire une politique linguistique par les instances locales de décision et au tout premier chef, à faire que le créole obtienne le statut de langue obligatoire dès l'enseignement primaire.

 

   . cette politique, qui vise à aménager notre écosystème linguistique, ne peut être mis en œuvre que part la création d'un OFFICE DE LA LANGUE CREOLE.

 

   C'est de ce dernier point dont nous traiterons dans le présent article en commençant par dire qu'une telle structure n'a rien, absolument rien, ni d'original ni de révolutionnaire. En effet, elle existe dans la plupart des régions ou pays dans lesquels il existe une langue menacée dans son existence et qu'il faut à la fois protéger et développer. A l'île de la Réunion, en Corse, en Bretagne, au Québec etc..., on trouve des offices de ce genre qui font, depuis des décennies pour certaines, un travail extraordinaire. L'exemple le plus spectaculaire est évidemment celui du Québec où la langue française était en perdition dans les années 50-60 du XXe siècle à la suite de deux phénomènes tout à fait semblables à ceux que vit actuellement le créole : le français québécois voyait le nombre de ses locuteurs se réduire d'une part et de l'autre, ce français devenait un mélange comique d'anglais ou d'expressions anglaises calquées c'est-à-dire traduites littéralement. Des lois drastiques ont été prises (comme celle interdisant l'affichage en anglais dans les rues ou l'obligation pour les immigrés d'inscrire leurs enfants dans les écoles francophones) qui ont radicalement changé les choses, inversé la situation même.

   Cette idée d'OFFICE DE LA LANGUE CREOLE figure dans le programme du GRAN SANBLE et c'est à mon initiative que cela a été fait. Or, non seulement, on n'en entend pas parler près de dix mois après les élections, mais il semblerait qu'on chercherait à en faire une sorte d'office de la culture dans lequel la question de la langue serait noyée dans toutes sortes d'autres choses. Si cela s'avérait vrai, ce serait tout simplement inadmissible. Pourquoi ? Pour deux raisons : d'abord, il existe déjà une foultitude de structures culturelles qui font un excellent travail à travers toute la Martinique : ATRIUM, SERMAC, Théâtre Aimé Césaire, OMDAC, offices municipaux de la culture, AM4 etc...; d'autre part, il est hors de question de noyer la question de la langue dans la "culture-podium" ou plus exactement la "sous-culture-podium" si chère à nos élus de tous bords. Je te mets une estrade, une sono, deux batteurs de tambours, un type qui braille dans un micro, trois nanas à demi-dévêtues qui secouent leur arrière-train et le bon peuple est content !

   Tout autre est l'objectif d'un office de la langue. Il a pour mission l'aménagement linguistique c'est-à-dire la mise en place de mesures spécifiques permettant à cette dernière d'occuper progressivement tous les espaces de communication oraux, mais surtout écrits. Mais pas n'importe quelle langue ou plus précisément n'importe quel niveau de langue. S'agissant du créole qui est écrasé par le français, dont la créativité lexicale est désormais au point mort, il y a nécessité de construire un créole écrit. Dans les situations historiques normales ou habituelles, le passage d'une langue de l'oralité à l'écriture se fait par le biais des scripteurs (écrivains, grammairiens, religieux, juristes, journalistes etc.) et il prend du temps. Parfois des siècles. Malheureusement, le temps est compté pour le créole. Il doit faire en quelques décennies ce que la plupart des autres langues ont mis des siècles à faire. Ou bien accepter de disparaître.  

   Voici les principales tâches auxquelles devrait s'atteler un Office de la langue créole :

 

   . opérer un choix de graphie standard et le proposer à l'approbation de la CTM. Suite au vote de cette dernière, ladite graphie deviendrait officielle.

 

   . mettre en place une structure de traduction qui aura pour tâche de traduire en créole un certain nombre de textes importants émis par les collectivités (mairies, communautés d'agglomération, CTM etc.) et de les diffuser.

 

   . proposer des stages d'initiation à la graphie du créole et à l'expression écrite en créole pour les personnels volontaires d'administrations, d'entreprises privées, de médias etc...

 

   . inciter au bilinguisme s'agissant de la toponymie, de la signalétique, des enseignes commerciales, des panneaux publicitaires en apportant une aide technique aux organismes volontaires.

 

   . travailler avec l'Université des Antilles à la confection d'ouvrages de didactique du créole et d'ouvrages écrits en créoleen direction prioritairement du secteur Scolaro-universitaire, mais aussi du grand public.

 

   . relancer le Prix Sonny Rupaire qui existait autrefois et était financé par l'ex-Conseil régional, prix visant à couronner chaque année une œuvre écrite en créole (pas forcément martiniquaise).

 

   . signer des accords de coopération avec d'autres instances de normalisation à travers le monde comme l'Office de la langue créole de la Réunion, l'Akadémi Kréyol d'Haïiti ou Lenstiti Kréyol des Seychelles.

 

   . amener les politiques à officialiser le mois d'octobre comme MOIS DU CREOLE avec comme point fort la dernière semaine et le 28 octobre, Journée Internationale du Créole (depuis 1981).

 

   Evidemment, ce ne sont là que les tâches prioritaires d'un Office de la Langue Créole. Il en existe bien d'autres qu'il n'est pas nécessaire de lister ici, mais qui sont tout aussi importantes. Enfin, il est clair que ledit Office devrait être composé de créolistes c'est-à-dire de spécialistes de la langue créole. La Licence et le Master de Créole existent depuis 16 ans maintenant sur le campus de Schoelcher et près de 400 étudiants ont été formés en créolistique depuis lors. Il y a donc largement de quoi y puiser des personnels compétents. Car s'il s'agit de faire avec le premier batteur cde tambour venu ou le premier type qui lance "Yéé-Krik ! Yéé--Krak !", ce n'est même pas la peine. Annou fini épi sa !

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