La relève de la littérature martiniquaise semble assurée malgré le fait que les gens lisent moins à cause de l’abondance et de la variété de tout ce que permettent les nouvelles technologies, en particulier l’Internet. Il y a d’abord eu le coup d’éclat d’Audrey Pulvar avec {L’Enfant-bois} (éditions Mercure de France), puis celui d’Alfred Alexandre avec {Bord de Canal} (éditions Dapper), voici maintenant Jean-Marc Rosier avec {Noirs néons} (éditions Alphée).
Né en 1976, enfant du Foyal moderne, Jean-Marc Rosier n’a connu ni l’Habitation, ni l’univers urbain marqué par l’esprit de l’Habitation que l’on trouve dans la littérature de la Créolité (Chamoiseau, Confiant, etc.). Il fait partie de la génération post-plantationnaire et forcément son imaginaire, ses références et donc son écriture diffèrent de ceux de ses aînés. Cela ne signifie pas pour autant, comme l’ont cru à tort certains journalistes, que l’auteur rejette ou renie le créole. D’abord, il ne faut pas confondre « créole » et « créolité » ; ensuite, Jean-Marc Rosier, comme avant lui Monchoachi, grand poète martiniquais, et R. Confiant, a commencé d’abord par écrire en créole : {Lélékou}, son tout premier roman, est, en effet, rédigé dans cette langue. Sans compter qu’il a traduit un romancière néo-zélandaise en créole ainsi qu’Astérix avec la complicité d’Hector Poullet, le poète guadeloupéen et qu’il dirige une jeune maison d’édition, K-Editions, qui publie des textes en créole.
La société martiniquaise change, mais sa langue et sa culture créoles demeurent tout en s’adaptant à ce changement, voilà tout ! Le monde urbain foyalais d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celui de l’En-Ville cher aux auteurs de la Créolité. C’est un monde déstructuré, sans repères, déjanté, où à la nuit tombée errent des créatures en détresse, taraudées par l’alcool, la drogue et le sexe sans amour. Il fallait trouver un type d’écriture en phase avec cette nouvelle réalité et l’écriture syncopée de {Noirs néons} y parvient magnifiquement. Écriture syncopée, éclatée, portée par une langue, elle aussi différente de celle de la Créolité, à la fois plus francisée car nourrie de l’apport de l’argot des banlieues hexagonales, mais aussi des parlers de la Caraïbe à savoir l’anglais et l’espagnol suite à l’installation d’importantes populations immigrées.
Nous ne résumerons pas l’enquête du journaliste Jonas dans les bas-fonds nocturnes de Foyal. Il faut que le lecteur accepte de s’y plonger, quitte d’abord à se laisser dérouter par une langue et un rythme tout à fait nouveaux, mais qui au fil des pages sait trouver sa cohérence et nous prendre aux tripes.
Jean-Marc Rosier est indéniablement un romancier d’avenir.