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Nous sommes les garants de la liberté d’expression à l’université

Nous sommes les garants de la liberté d’expression à l’université

Un module de formation continue sur la «radicalisation» et l’islamisme a été proposé sans concertation à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne. Tout projet de formation à l’université doit s’appuyer sur des savoirs scientifiquement validés, et non sur une «expertise» de type médiatique.

Depuis quelques jours se multiplient les attaques contre des établissements publics d’enseignement supérieur, et notamment l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne qui, avec ses 42 000 étudiants et plus de 1 000 enseignant·e·s-chercheur·e·s, est la plus grande université française en sciences humaines et sociales. Nous y enseignons toutes les disciplines, du droit à la philosophie en passant par l’histoire, la sociologie, la science politique, la géographie et l’économie, dans un esprit de diversité, de critique et d’exigence intellectuelle. Chaque année, notre université attire les meilleur·e·s enseignant·e·s-chercheur·e·s de ces domaines, malgré des conditions de travail difficiles, dues au criant manque de moyens donnés aux établissements publics, le gouvernement donnant la priorité à des formations sélectives et déjà bien financées. Ces attaques absurdes ont pris pour point de départ l’organisation, sous l’égide de Paris-I Panthéon-Sorbonne, d’un module de formation continue par un journaliste prétendument expert de la «radicalisation» et de l’islamisme. La formation continue est un domaine qui a son autonomie, dans tous les établissements universitaires, et elle s’organise sans consultation des conseils de l’université, à la différence du reste de l’offre de formation. Ce module a donc été proposé sans l’accord de la communauté représentée dans les conseils.

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Cette proposition contenait des enseignements aux intitulés choquants pour les universitaires que nous sommes et nous avons collectivement réagi. Dès lors qu’un projet de formation se prévaut de l’université, il importe de s’appuyer sur des compétences et des savoirs reconnus et scientifiquement validés, une approche rigoureuse construite sur le long terme. Pas sur une «expertise» de type médiatique, contestée à de nombreuses reprises pour les stéréotypes racistes qu’elle véhiculait, concernant les représentations de l’islam mais aussi des milieux asiatiques. Sur le contenu, la proposition de formation concernée est critiquable, et pas seulement parce qu’elle heurte diverses sensibilités par ses formulations excluantes et caricaturales («l’Occident et les autres», «Nous et Eux»). En effet, de nombreuses recherches et formations conduites à Paris-I Panthéon-Sorbonne - en science politique, histoire, droit, géographie… portent précisément sur l’islam, le Moyen-Orient, la géopolitique de la violence, le terrorisme et l’Etat. Ces recherches ont été reconnues par l’attribution de postes dédiés, le financement de réseaux CNRS, l’attribution de programmes européens. Elles visent entre autres à éviter, par le développement des connaissances, tout amalgame entre islam et violence terroriste ou islamisme. Dans cette perspective, le diplôme de Paris-I, «Connaissance de la laïcité», est une formation exigeante où de nombreux spécialistes de ces questions interviennent. Ce qui ne laisse pas d’étonner, c’est que ces compétences multiples ont été ignorées voire écartées par la proposition de formation.

L’université est un lieu de production et de transmission du savoir et Paris-I Panthéon-Sorbonne en est un exemple ambitieux, associant une recherche active et reconnue internationalement et un enseignement large et démocratique. Paris-I est un lieu de liberté intellectuelle et de débat qui s’exprime chaque semaine dans le cadre de colloques et de séminaires mêlant les approches les plus diverses. Les intellectuel·le·s de toutes opinions y sont les bienvenu·e·s pour débattre. On peut discuter de tout et c’est aussi dans l’échange académique et dans la réfutation que le savoir se crée. La mise en parallèle du retrait de la proposition d’un module de formation avec l’annulation d’une conférence à Bordeaux est non seulement choquante mais vise encore une fois à créer la confusion et déconsidérer l’université ; tout comme parler de «censure» quand il n’y a eu aucune atteinte à la liberté d’expression mais une proposition de formation payante et douteuse qui n’a pas été confirmée.

Le plus intéressant pour nous est de relever qu’il existe une stratégie reprise par un certain nombre d’intellectuels et de médias qui tend à présenter l’université démocratique comme un lieu de terreur et de pressions. Revient à cette occasion l’immonde expression de «tyrannie des minorités», nom qu’on donne à la liberté d’expression quand elle est donnée à d’autres que les dominants. Les conflits d’idées sont incontournables à l’université - ce n’est pas une nouveauté - et de plus en plus visibles, dès lors qu’elle est ouverte à toutes et tous sans discrimination.

Nous nous élevons enfin contre l’idée suggérée par le ministère, véritable fake news, d’une pression des syndicats et d’associations sur la présidence de l’université. Ce sont les enseignant·e·s-chercheur·e·s, syndiqué·e·s ou non, de l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne qui s’expriment ici. Nous sommes profondément choqué·e·s par les propos tenus par le ministre de l’Education lors des questions au gouvernement, qui reviennent à des attaques contre sa propre communauté académique. Nous protestons collectivement contre un tel encouragement donné à des formes néfastes d’anti-académisme et d’anti-intellectualisme qui se répandent dans le monde.

Premiers signataires : Armelle Andro, Jean-Louis Briquet, Julien Fretel, Pascale Goetschel, Frédérique Matonti, José Moure, Sandra Laugier, Pierre Serna Professeur·e·s à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne

Bruno Ambroise, Tania  Angeloff, Valérie Asensi, Renaud Barbaras, Elodie Bertrand, Magali Bessone, Loïc Blondiaux, Mathieu Bonzon, Florence Brisset-Foucault, Philippe Büttgen, Annie L. Cot, Muriel Darmon, Gilles Dorronsoro, Delphine Dulong, Barbara Formis, Marie Garrau, Julie Gervais, Soraya Guenifi, Alexandrine Guyard-Nedelec, Anne Hugon, Sophie Jallais, Chantal Jaquet, Vanessa Jérome, Max Kistler, Anne Le Naëlou, Loïc Le Pape, Marina Maestrutti, Nicolas Mariot, Taous Marouf, Eric Marquer, Julie Mazaleigue, Renaud Orain, Sophie Poirot-Delpech, Paul Rateau, Marco Renzo Dell Omodarme, Anna Roussillon, Arnaud Saint-Martin, Camille Salinesi, Frédéric Sawicki, Isabelle Sommier, Julie Valentin, Antoine Vauchez, Anne-Catherine Wagner, Pierre Wagner Enseignant·e·s-chercheur·e·s et chercheurs à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne

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