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« On a un tel retard en culture scientifique que les gens sont prêts à croire n’importe quoi »

« On a un tel retard en culture scientifique que les gens sont prêts à croire n’importe quoi »

Depuis que Mauricette a été vaccinée contre le Covid-19 devant les caméras fin décembre, rien ne va plus. Le nombre de vaccinés en France reste bien en deçà de celui de bon nombre de pays. La comparaison est cruelle pour ne pas dire ravageuse.

Elle place le gouvernement en général et le ministre de la Santé en particulier sous le feu nourri des critiques, d'autant plus au moment où le variant anglais du virus risque de se répandre en France et que le variant sud-africain inquiète les scientifiques. Les élus locaux n'ont de cesse de crier qu'ils ont proposé maintes fois leur aide, repoussée systématiquement. Ils en sont pourtant convaincus : ils sont les meilleurs acteurs pour accélérer le mouvement sur le terrain. Et si certains ont déjà mis en place des centres de vaccination, beaucoup jurent attendre les règles à suivre pour le faire. De leurs côtés, les parlementaires de l'opposition ne sont pas en reste : vivement interpellé par les députés sur la stratégie et la couverture vaccinale lors des questions au gouvernement, le ministre de la Santé a dû faire face à une nouvelle salve de questions des sénateurs, tout aussi remontés. Et si face aux parlementaires inquiets sur le petit nombre de Français vaccinés, il n'a pas nié « les difficultés d'une mise en place d'une logistique absolument immense », il a aussi assuré que le rythme français « n'avait rien à envier à nos voisins ». Selon le ministre, « il continuera à s'accroître progressivement à mesure que les doses de vaccin nous seront livrées ».

 

Corapporteur de la loi bioéthique, le député (MoDem) Philippe Berta revient sur les lenteurs de la campagne en prenant la défense du gouvernement. Élu depuis 2017, ce généticien appelle à tirer les leçons de cette pandémie et à se préparer à la suivante en refondant la recherche médicale en France. Il milite aussi pour un conseil scientifique permanent qui soit rattaché au Premier ministre ou au président de la République.

Le Point : A-t-on assez anticipé la campagne vaccinale ?

Philippe Berta : Le baromètre qui rythme cette campagne, c'est avant tout le nombre de doses disponibles. Il me semble que l'on n'avait pas intérêt à créer une envie de vaccination sans avoir les moyens d'y répondre. L'Union européenne, qui a dû précommander des vaccins sans savoir qui serait le premier à accéder au marché, a fait le choix de ne pas mettre tous ses ?ufs dans le même panier. Elle a diversifié ses fournisseurs pour avoir des vaccins le plus tôt possible. La conséquence est que nous devons déployer la vaccination en tenant compte du nombre de doses. Il serait dramatique d'avoir des images de vaccinodromes totalement déserts.

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Cela n'explique par pourquoi la France est à la traîne par rapport à ses voisins européens?

Il faut arrêter d'imaginer que ce sont les politiques qui dictent tout. Dans ce cas, le gouvernement a suivi l'avis de la Haute Autorité de santé (HAS) qui préconisait de cibler en priorité les populations les plus fragiles, c'est-à-dire celles qui meurent le plus du Covid-19 et qui remplissent le plus les lits en réanimation. On a donc commencé par vacciner dans les Ehpad. Ce choix était raisonné et raisonnable, mais il était ambitieux parce que ce sont des structures très diversifiées. Et qu'en outre, on a dans ces Ehpad des personnes qui ne sont pas toujours à même de donner elles-mêmes leur consentement. En outre, le seul vaccin accessible nécessite une chaîne du froid stricte. Ce qui implique de connaître la situation de chaque Ehpad avant d'y acheminer les doses. Car il n'est évidemment pas question de perdre des vaccins.

En Angleterre et en Allemagne, on vaccine plus vite?

Au bout du bout, nous serons au même niveau. Ces pays n'ont pas fait le choix de vacciner en priorité les personnes à risque. Ce qui à mon avis est une erreur, car l'objectif en début de vaccination est de diminuer la pression sur les services de réanimation et de préserver votre personnel soignant. J'observe que les Hollandais, qui ont commencé encore plus tard que nous, se sont calqués sur la stratégie française. On verra à la fin quelle était la bonne stratégie?

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Accélérer ne sera pas un luxe?

Bien sûr, il faut aller plus vite. Je suis généticien, pas virologue, mais ce que j'ai appris à l'université, c'est que plus un virus se propage, plus il fait des erreurs dans son génome. C'est ce qui s'est passé avec la mutation anglaise. Il faut vacciner vite, car le risque est d'avoir une mutation qui augmente la létalité. L'arrivée du vaccin AstraZeneca devrait permettre un nouveau coup d'accélérateur. Si on en avait les moyens, il faudrait vacciner 24 heures sur 24, sept jours sept. Je comprends la pression des généralistes et des pharmaciens qui demandent à pratiquer la vaccination, mais tant que nous sommes avec des vaccins pour lesquels la chaîne du froid est contraignante, cela paraît compliqué. Cela changera avec le vaccin d'AstraZeneca, qui demande une conservation entre 2 et 8 ° comme celui de la grippe.

Il faut vacciner vite car le risque est d?avoir une mutation qui augmente la létalité.

Sur le banc des accusés, le ministre de la Santé? Est-il fautif ?

Je ne vois pas qui aurait pu faire mieux, puisque nous sommes tributaires des commandes. Ce qui est difficile à comprendre et à entendre, c'est qu'il faut vacciner 7 milliards d'individus. C'est un challenge que nous n'avons jamais connu. C'est une première dans l'histoire de l'humanité. Avec les vaccins, j'ai l'impression de revivre le début de la pandémie, avec cette spécialité française qui consiste à engager des débats sans s'appuyer sur des connaissances scientifiques sérieuses. Olivier Véran a donné un objectif d'un million de personnes fin janvier, ce sera fait.

Avez-vous le sentiment que le gouvernement ne fait pas assez confiance aux élus locaux ?

Chacun doit être dans son rôle. Que les élus locaux aient un rôle à jouer sur la partie pratique est évident. Mais quand je vois certains d'entre eux affirmer qu'ils vont commander des vaccins alors qu'ils n'en ont aucune possibilité, cela m'agace. Cette utilisation de la situation sanitaire à des fins politiciennes est impardonnable. Et je les attends au tournant. Cette situation de pandémie me fait revisiter un terme que j'avais oublié : l'ultracrépidarianisme, c'est-à-dire la capacité de parler de tout sans y connaître grand-chose. Et je trouve que, malheureusement, c'est l'apanage de beaucoup d'hommes politiques. Quand il s'agit de santé publique, il faut impérativement que chacun reste dans son rôle. Il ne faut pas utiliser cette crise, qui doit être un moment fort pour faire nation. Nous sommes dans une situation compliquée, mais je préfère la vivre en France qu'ailleurs

Comprenez-vous l'impatience des maires ?

C'est celle de tous les citoyens qui ont envie d'être vaccinés. Tout le monde a envie de retrouver une vie normale, faite d'échanges, de relations sociales, de restaurants et de lieux de culture? Maintenant, il va falloir apprendre la patience, car personne ne peut dire à quel moment nous atteindrons l'immunité. Vacciner 70 % de la population va prendre du temps. Restons calmes et surtout n'essayons pas d'exister médiatiquement et politiquement à travers la situation sanitaire. Notre seule mission en tant que politique est de faire de la pédagogie pour dire qu'il faut se vacciner dès cela sera possible et qu'en attendant, il faut continuer à appliquer les gestes barrières.

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Certains soulignent que l'on n'a pas tiré les leçons de ce qui s'est passé avec les masques?

J'espère que des leçons seront tirées et il y en aura obligatoirement. Je suis un acteur de la filière biologie santé et je sais qu'il y a des choses qui peuvent être améliorées. Au fil des décennies, la France s'est totalement déshabillée de certaines activités. Depuis les années 1980, quand je rentre dans un laboratoire de recherche, si je regarde les outils utilisés que ce soit les appareils, les consommables comme les réactifs, il n'y a plus de made in France. On s'est créé une dépendance totale vis-à-vis de l'étranger que ce soit pour les masques, pour produire des machines à PCR et bien sûr, pour les médicaments. Je rappelle que bien avant la pandémie nous avons été quelques-uns à nous insurger contre la délocalisation de la production des actifs pharmaceutiques et de leurs assemblages en Chine et en Inde. On vient de le payer. J'espère que cette pandémie aura permis de faire comprendre aux responsables politiques et aux décideurs économiques que la santé est une priorité sur laquelle on ne transige pas et que, dans ce secteur, l'on doit pouvoir garantir à notre population une souveraineté a minima à l'échelle européenne, voire à l'échelle nationale.

Dans ce pays on a un tel retard en termes de culture scientifique que les gens sont prêts à croire n?importe quoi

Faut-il alléger le protocole de vaccination ?

Bien sûr ! Cela va se faire progressivement. Il n'y a aucune raison que cette vaccination pose plus de problèmes que les autres vaccinations. On en fait beaucoup parce que les Français n'ont pas confiance dans la science. Dans ce pays, on a un tel retard en termes de culture scientifique que les gens sont prêts à croire n'importe quoi. On peut en rigoler, mais en réalité, c'est triste et fou que certains pensent qu'on va leur greffer des puces 5G en leur inoculant le vaccin. Personnellement, que ce vaccin arrive au bout d'un an avec les résultats médicaux que l'on connaît me fait exploser de joie. Certains allèguent que cela a été beaucoup trop vite pour ne pas être risqué. En réalité, ce n'est pas aller aussi vite que cela. Ce qui a été mal expliqué, c'est que toute la recherche fondamentale, qui est la partie la plus longue, avait été déjà effectuée entre 2002 et 2012 lors des deux premières épidémies de coronavirus. La structure du virus était connue et on a donc pu passer directement à la recherche clinique.

Que pensez-vous de la création du collectif citoyen chargé de se prononcer sur la feuille de route vaccinale ?

Je n'ai aucun avis. Ce que je crois en revanche, c'est que la création du conseil scientifique en début de pandémie était essentielle. Ce qui est fou, c'est de ne pas avoir une telle structure permanente. Il a fallu, pendant cette crise, créer et mettre en place des structures pour la gérer alors que l'on est perclus dans ce pays d'institutions en tout genre. Je plaide pour un conseil scientifique permanent qui soit rattaché au Premier ministre ou au président la République. La bonne nouvelle est qu'Emmanuel Macron a annoncé le 4 décembre la création d'un nouvel organisme public rassemblant l'Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) et le consortium scientifique REACTing, particulièrement actif depuis le début de la pandémie. Cela me paraît extrêmement important, car en France, la santé et donc la virologie sont abordées dans de multiples organismes. On fait de la recherche en virologie dans les hôpitaux, dans les universités, au CNRS, à l'Inserm, à l'IRD, au Cirad, à l'INRAE, à l'Institut Pasteur? C'est hallucinant ! Je pense qu'il faut que l'on réfléchisse différemment en termes d'organisation.

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