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Le billet du jour

Où est l’opinion publique martiniquaise ?

 Où est l’opinion publique martiniquaise ?

   Face à la multiplication des affaires qui secouent la patrie d’Aimé Césaire depuis quelque temps, on est en droit de se poser une question. La seule qui vaille : où est l’opinion publique martiniquaise ? Pourquoi ce silence sidéral, hormis sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, et certains sites-web indépendants comme Bondamanjak, Freepawol ou encore Montray Kréyol. Il est vrai que l’esprit démocratique, le goût du débat public et de la saine polémique au sens étymologique du terme nous ont longtemps fait défaut, faute d’une presse écrite et plus tard de médias audio-visuels qui favorisent la confrontation des idées. Si les journaux sont apparus très tôt et s’ils ont fleuri dans le Saint-Pierre d’avant l’éruption de la montagne Pelée, il s’agissait surtout d’organes de partis politiques qui ne faisaient ni dans la nuance ni dans la dentelle. On assénait des prises de positions et chacun s’y tenait mordicus, quitte à s’affronter en duel entre adversaires mécontents de tel ou tel « coup de journal ».

   L’arrivée des moyens de communication modernes, plus onéreux, à savoir radios et télévisions, a paradoxalement rétréci l’espace d’expression des différentes sensibilités puisque s’il est relativement aisé de publier un journal, disposer d’une radio et encore davantage d’une télévision est hors de portée du plus grand nombre. La radio a donc été fort longtemps la radio de l’Etat, cela jusqu’en 1981 où l’on a vu la libération des ondes et l’explosion des radios-libres. Mais après une brève euphorie, l’offre radiophonique s’est brutalement réduite et nombre d’antennes ont dû se convertir soit en chaînes musicales soit en organes de partis politiques. Au jour d’aujourd’hui, l’audience de ces différentes radios est très modeste par rapport aux deux grandes que sont Radio Martinique 1è et RCI, sauf pour certaines émissions très spécifiques comme « Le Mot du MIM » d’Alfred Marie-Jeanne sur RLDM. Peu à peu, la télévision a damé le pion aux médias radiophoniques et longtemps nous avons disposé d’une télévision d’Etat jusqu’à la libération des antennes et l’apparition de chaînes de télévision privées. Là encore, après une courte période d’euphorie, l’offre s’est rétrécie et l’audience des chaînes privées qui ont survécu est relativement modeste, sauf pour quelques émissions très spécifiques. Par ailleurs, les subventions dont elles bénéficient en font aussi des organes souvent dévoués aux partis politiques au pouvoir.

On aura compris qu’en Martinique, nous vivons dans une dictature informationnelle qui se pare des attributs de la démocratie pour mieux couillonner Ti Sonson. Le journalisme d’investigation, par exemple, y semble quasiment interdit ou impossible. Quel journaliste a enquêté sur cette étrange Tour Lumina qui, la nuit, n’illumine rien du tout et donc les trois-quarts des bureaux ou appartements sont inoccupés ? Quelle radio ou télévision a enquêté sur l’arrestation par l’OCTRIS du chauffeur d’un important personnage de la Région, chauffeur soupçonné de participer à un trafic de drogue et dont le véhicule de service a été immobilisé plusieurs jours d’affilée au Fort Saint-Louis ? Qui a eu le courage d’interroger vraiment le Président de Région sur son présumé neveu arrêté à l’aéroport avec une valise contenant 600.000 euros ?

   La multiplication des « affaires » aurait dû pourtant être du pain béni pour la presse comme c’est le cas dans tous les pays dits « démocratiques ». Il n’en est, hélas, rien…

   Alors, reste l’Internet, les blogs, les sites-web et les réseaux sociaux que personne ne peut ni contrôler ni museler. Sur ce terrain-là, le PPM et ses affidés ont perdu la bataille depuis longtemps. L’influence et les taux d’audience de BONDAMANJAK, FREEPAWOL, MONTRAY KREYOL ou LA TRIBUNE DES ANTILLES montrent à quel point ils font désormais partie intégrante du paysage audiovisuel. Ces organes électroniques sont fondamentaux pour le maintien d’un minimum de démocratie à la Martinique. Il n’y a qu’à voir, pour qui veut s’en convaincre, l’affaire Conconne de ces derniers jours. Nos médias, « quasi-officiels », n’ont fait que relayer les propos du PPM et notamment de son président, Serge Letchimy, sur son « rejet de la démission de Catherine Conconne », mais quand la com’ de la Région s’est trouvée prise en défaut, lorsque le parti du Réservoir de Trénelle s’est emmêlé les pieds dans le tapis, rappelé au respect des textes en la matière par l’opposition, il n’y a plus eu personne. Personne pour lui demander d’abord s’il avait bien reçu une lettre de démission comme il l’a affirmé, même si après, des avocats ont prétendu le contraire. Car, comment peut-on accepter ou refuser une démission si on ne l’a pas reçue ? Et comment peut-on venir le déclarer devant la télévision, au vu et au su de tous ?  Il n’y a eu personne non plus pour interroger frontalement le président de Région et lui demander s’il ignorait qu’il n’a le droit ni d’accepter ni de refuser la démission d’un élu ou bien s’il s’est assis sur le Code des Collectivités Territoriales.

Et pire : il n’y a eu personne non plus pour poser le problème au plan éthique. Au lieu de cela, le micro a été tendu à des juristes et des universitaires complaisants ou à la retraite depuis des lustres qui ont, eux aussi, bafouillé, au lieu de poser clairement les enjeux du débat.

   Ce sont les blogs, les sites-web et les réseaux sociaux qui ont fait ce travail ! Ce sont eux qui ont fouillé, investigué, maintenu la pression sur les hiérarques de Plateau Roy alors même que l’opposition, le « Gran Sanblé », semble muette sur un sujet qui, à première vue, est du pain béni pour elle. Certes, tel ou tel dirigeant de l’opposition a rappelé au respect des textes sur les…réseaux sociaux, mais ce n’est pas sur ces derniers que l’on fait de la politique jusqu’à preuve du contraire. Ils servent, en effet, à la libre expression de tout un chacun, mais ne sont pas le principal terrain sur lequel se joue l’affrontement politique normal. Que des politiques se contentent de commentaires sur Facebook, par exemple, semble presque un aveu de faiblesse. A moins que le microcosme politique ait ses propres « deals » dont Monsieur-tout-le-monde n’a pas connaissance.

Faut-il croire que la question des mises en examen de responsables politiques est un terrain trop glissant pour tous ?

    Tout cela pour dire que la presse écrite, la radio et la télévision n’ont guère été capables, contrairement à ce qui s’est passé dans l’Hexagone par exemple, de forger une opinion publique martiniquaise forte et pérenne. Il a fallu l’apparition de l’Internet et des réseaux sociaux pour que celle-ci surgisse enfin et que tout un chacun s’autorise à donner son opinion. Pour que des groupes se forment selon des thématiques particulières et que des débats s’organisent souvent de manière quotidienne. L’Internet est la fenêtre démocratique d’une partie de l’opinion martiniquaise dans une île où l’information est verrouillée, grâce notamment à l’embauche de journalistes par le service communication de la Région dont le nombre d’employés a…quadruplé par rapport à l’ancienne mandature. Grâce aussi à la timidité, voire à la crainte de maints journalistes d’être pointés du doigt, mis au placard, voire carrément licenciés parce qu’ils ou elles ont osé parler d’un sujet qui fâche les Maîtres de Plateau Roy. Tout le monde n’a pas le courage de la rédactrice en chef de Freepawol !

 

 Ainsi donc, tout semble indiquer que les médias électroniques, notamment les sites-web joueront un rôle à la fois crucial et croissant dans la campagne électorale qui s’annonce même si, pour l’heure, ils touchent peu les plus de 60 ans qui, en Martinique, constituent la majorité des votants. Peut-être justement parviendront-ils à convaincre les 18-59 ans de se rendre aux urnes au mois de décembre prochain et cela massivement car il y va du devenir de la Martinique et du maintien d’un minimum de démocratie dans un pays où à la date d’aujourd’hui des élus de la majorité peuvent en toute impunité insulter leurs adversaires : « chien abiyé an moun », « prof au rabais », « vermine à karchériser » ou encore « yich méchan »…

   Triste, bien triste spectacle, qu’offre en tout cas notre île en ce moment, en cette veille de cet événement majeur qu’est la mise en place de la Collectivité de Martinique…

Commentaires

nadaurelius | 09/08/2015 - 14:23 :
Une situation qui angoisse . Pourquoi ce qu'il est convenu d'appeler l'omerta ? La Martinique n'est pas la Sicile pourtant . Je viens de relire puis de revoir une affaire qui aurait dû faire trembler notre île : une manifestation à la Région, par le monde de la pêche et des marins pêcheurs . L'Avocat Germany face au président de Région qui le menace publiquement après l'avoir insulté . Plus près de nous la vice présidente du Conseil Régional qui pour répondre à ses collègues de l'opposition , pète les plombs et en plein Conseil, embraye dans un chapelet d'injures . Personne ne dit mot . La presse , la première qui aime tant faire choux gras de la moindre affaire se tait . Ou donc sommes nous dans ce pays Martinique?
annick | 10/08/2015 - 09:58 :
On aimerait avoir des liasses de billets comme ça qui circuleraient dans le monde de la presse martiniquaise, pour notre bien à tous.

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