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Paris n'est plus la première ville francophone du monde

Michel Feltin-Palas
Paris n'est plus la première ville francophone du monde

C'est le fait majeur de l'histoire récente du français : la France est devenue minoritaire dans la francophonie. Et c'est une bonne nouvelle !

Quelle est la plus grande ville francophone du monde ? Paris ? Vous n'y êtes pas. Montréal ? Bruxelles ? Encore moins. Non, la bonne réponse est Kinshasa, en République démocratique du Congo. La Ville lumière figure désormais à la deuxième place de ce classement, devant Abidjan, Montréal, Casablanca, Yaoundé, Douala, Antananarivo, Dakar et Alger, pour ne citer que les dix premières. "Dans son rapport "Les villes du monde en 2016", l'ONU indique que Kinshasa comptait 12,1 millions d'habitants au 1er juillet 2016, soit davantage que l'agglomération parisienne, estimée à 10,9 millions", précise Ilyes Zouari, le président du Centre d'étude et de réflexion sur le monde francophone (CERMF).

C'est le fait majeur de l'histoire du français de ces dernières années et il est largement passé inaperçu : la France est devenue minoritaire dans le monde francophone. Et le mouvement ne fait que commencer. Dans quelques décennies, 70 % des locuteurs de notre langue vivront en Afrique et moins de 20 % en Europe. Bien sûr, on peut pinailler en contestant la fiabilité des recensements et en se demandant si l'appellation "locuteur du français" doit être réservée à ceux qui pratiquent cette langue au quotidien de manière aisée ou élargie ou toute personne capable de soutenir une conversation simple de temps en temps. Mais cela ne modifie qu'à la marge le constat : les Français n'ont plus le monopole du français.

Faut-il s'en inquiéter ? Sûrement pas ! En fait, ce retournement traduit l'incroyable succès de ce qui n'était au haut Moyen Age qu'une forme de bas latin parmi d'autres et qui, au fil des siècles, a fini par s'étendre sur la planète entière. Cela vaut mieux, beaucoup mieux, que de faire partie des 2 000 langues qui, par les hasards de l'histoire et des rapports de force, risquent d'avoir disparu d'ici à la fin du siècle.

En revanche, il est clair que nous allons devoir abandonner certaines de nos postures traditionnelles. Et ce pour une raison simple : le français n'appartient pas seulement à ses écrivains, à ses enseignants, ni même à ses académiciens, mais à l'ensemble de ses locuteurs. Aussi notre idiome va-t-il nécessairement s'ouvrir davantage au vocabulaire des autres pays de la francophonie. Dans quelque temps, nous utiliserons peut-être le suisse agender (noter un rendez-vous), le québécois divulgâcher ("spoiler"), l'antillais maman-violon (violoncelle), le haïtien bêtiser ou le wallon avant-midi. Et nous puiserons, je l'espère, dans l'exceptionnel lexique venu d'Afrique. Personnellement, j'ai un faible pour le sénégalais camembérer (sentir mauvais des pieds), le tchadien cadeauter (ou cadonner), le camerounais motamoter (réciter mot à mot des phrases de manière mécanique, sans comprendre ce que l'on dit) ou le congolais deuxième bureau (maîtresse).

Il semble acquis en tout cas que l'origine de la norme va se déplacer, quitter les rives de la Seine et s'ouvrir au vaste monde, sachant qu'il s'agit là d'un enrichissement et non d'une perte. Comme le souligne le linguiste Bernard Cerquiglini, "la norme ne doit pas être un corset, mais un creuset. Il faut penser une francophonie de l'élan, non du purisme". Une invitation à la variante, à l'hybridation, à la bigarrure, tous procédés qui, bien pensés, constituent une formidable manière de galvaniser encore un français qui n'a jamais aussi bien porté son nom de langue vivante.

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