Pendant ce demi-siècle, elle a conservé, comme beaucoup d'anciennes colonies britanniques, la Reine d'Angleterre comme "head of state" ou chef d'Etat. Il s'agit, en fait, d'un poste symbolique (le visage de la reine figurait sur les timbres-poste, par exemple) puisque c'est en réalité le ou la premier (ère) ministre qui dirige le pays. En ce moment, c'est une femme brillante, Mia Mottley, qui occupe ce poste. Barbade fait d'ailleurs partie du Commonwealth, cette organisation rassemblant lesdites anciennes colonies.
Aucun Barbadien ne s'est jamais offusqué du surnom de son pays à savoir Little England ou petite Angleterre et beaucoup se flattent même de parler le meilleur anglais de la Caraïbe même si les Barbadiens usent quotidiennement de leur créole appelé "bajan". Aucun Barbadien n'a jamais eu l'idée de déboulonner ou de démolir la statue de Wilberforce, le Schoelcher anglais, qui se trouve à Bridgetown, capitale de l'île. Et alors que les Békés y sont cinq fois plus nombreux qu'en Martinique (soit 5% de le population barbadienne contre 1% de la population martiniquaise), on n'entend aucun discours haineux à leur encore ni ne voit aucun graffiti sur les murs du style "Whities, get out !" ("Bétjé déwò !"). Il est vrai que les Békés barbadiens sont beaucoup moins bornés (et suicidaires) que leurs alter ego martiniquais.
Mieux : les Barbadiens ne fuient pas leur île sur des rafiots et ne sont pas des "boat-people" comme les habitants de certaines îles bien connues des Grandes Antilles. Encore mieux : ce minuscule état, cet état micro-insulaire, accueille près de 20.000 immigrés du...Guyana, pays pourtant plus vaste que leur ancien colonisateur à tous deux, l'Angleterre. Cela ne signifie aucunement que Barbade soit un paradis ! Y a-t-il d'ailleurs un seul pays à travers le monde qui le soit ? Peut-être le Bouthan, dans l'Himalaya qui a remplacé le PIB (Produit Intérieur Brut) par le BIP (Bonheur Intérieur Brut)...
En tout cas, Barbade n'est pas une "version absurdement ratée du paradis" comme la Martinique selon le mot cruel d'Aimé Césaire.
Aujourd'hui, un demi-siècle après son accession à l'indépendance, elle a décidé de franchir un nouveau pas vers sa pleine et entière souveraineté : la Reine d'Angleterre ne sera plus le chef de l'Etat et elle deviendra une République, cela à l'occasion du 52è anniversaire de l'indépendance l'an prochain. En fait, dès 2013, elle avait franchi un nouveau pas en abandonnant comme Cour d'appel celle de Londres pour rejoindre la Caribbean Court of Justice basée à Trinidad.
Tout cela s'est accompli sans haine de l'ancien colonisateur anglais (mais en lui réclamant à juste titre des "Réparations" pour l'esclavage), sans diabolisation d'une fraction de la société barbadienne, sans bruit et fureur, sans "woke" (cette "hystérisation scénarisée de l'indignation" qui semble tellement plaire à une certaine jeunesse martiniquaise), patiemment, progressivement, mais avec une détermination sans faille.
Cette détermination tranquille qui nous manque tant à nous, Martiniquais...
(Magnifiques photos illustrant cet article que séparent 50 longues années : celle du haut qui montre la Reine Elisabeth recevant dernièrement Mia Mottley ; celle du bas qui montre la même reine le jour de l'accession de Barbade à l'indépendance le 30 novembre 1966)...
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