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Pawol Volkan !

Pawol Volkan !

A propos du Carnaval !

 

A la Martinique, en 1902, tout ce qui a fait parler de malédictions, c’est le dernier carnaval à Saint Pierre. Ça a été une véritable bacchanale !

 On a dit, le volcan n’a pas fait éruption de lui-même, il y a une main divine qui a commandé ça. Ce qui s’est passé, c’est une correction divine ! C’était la débauche et la luxure, puisqu’il y avait de l’or, de l’argent. On parle d’événement naturel, mais dit-on c'est là une correction divine, je vous le répète !  

Et la population de Saint Pierre est si imprégnée de son histoire que chaque événement, plus ou moins important, la ramène à cet anathème. 

 

 Non loin de la Bourse se trouvait le Palais de Cristal, haut lieu de bamboche, rempli de lumière et de musique. Tous les désœuvrés qui n’avaient pas de quoi se payer un ticket pour le bal, grouillaient autour de l’établissement, flirtant, s’amusant, voire même dansant, comme ils le feraient si on leur avait permis de pénétrer l’antre. Les spectateurs attrapaient des danseuses au vol et biguinaient dans la rue, et cette danse sous les étoiles, n’était pas moins intéressante que celles des bastringues où l'odeur de la sueur mêlée à celle du musc terreux du vétiver, affectionné par la gent masculine , vous soûlait plus qu'une timbale de tafia. 

 

Dans le même temps, c’était une période d’élections, les gens de la ville, ceux du bord de mer, étaient contre l’église, en particulier contre ces prêtres devant lesquels , leurs ouailles étaient tenus de faire la génuflexion. Mais, car il faut bien le dire, si les gens vivaient bien auparavant, ils vivaient aussi de façon diabolique.

 

Depuis la fin du mois de janvier, jusqu’aux jours gras, ils ont pris  les robes de l’évêque et s’en sont habillés  pour faire leurs bêtises.  Ils faisaient même des chansons sur les curés, chansons dans lesquelles ils disaient que les abbés...prenaient des femmes.

 

 

 

 

Mais les prêtres de ces temps là, avaient une force spirituelle, que les gens simples n’avaient pas. On les disait plus guérisseurs que les guérisseurs eux-mêmes, ils punissaient les auteurs de ces ritournelles. C’est de là, qu’il s’est dit que si  le prêtre secoue sa soutane, sur l’un de nous, c’est une malédiction.

 

Il y avait bal, face à l’église du Mouillage, non loin de la Grand-rue. Si bien que le dimanche matin, tandis que le prêtre récitait le dominus osvicum, la foule rugissait en réponse chez Bébé FaÏs,''Chacha Chacha Chacha Déchiré rob, dékalé mangouss .

 

Il eu même d’autres fanatiques, des francs-maçons, ceux là , ils avaient mis un Christ en croix et lançaient de la viande sur la croix. Un prêtre qui tentait de les calmer, dans leur folie, le malheureux manquât d'être lapidé.

 

Il y avait aussi des gens qui l’après-midi, alors que les riches sortaient de leur villas en corsos fleuris, vêtus de leurs plus beaux atours, face à eux, certains du peuple, se déguisaient en saints, d’autres en Moïse en reproduisant la Cène .

 

Mercredi des cendres, dans les vidés, la foule déchaînée, tant il y avait de la musique et de la danse, les carnavaliers  n'ont  même pas remarqués que parmi eux dansaient aussi les malades de la 'petite verette' (maladie sexuellement  transmissible) . Ceux là  avaient quitté la Maison de Santé, pour se mêler à la foule.

 

D’autres carnavaliers, plus enragés, ont fait un bwabwa (pantin) sur la Vierge. Ils ont traversé la ville, ils sont allés à l’anse Latouche près de chez les Desgrottes.

Derrière le bwabwa , il y avait toute une foule qui vociférait, chantait des paroles contre la Vierge, contre l’église, contre les prêtres. Il paraît même, qu’il en avait qui soulevaient la robe de la Vierge et qu’ils se moquaient an chantant des couplets « Sé pa dot ki konpè Michaud ki di pawol la, pou fè moun lapenn » Et puis ils sont rentrés après avoir brûlé le bwabwa. 

 

Sur le chemin du retour, il y a eu brusquement une pénombre, tout est devenu sombre alors qu'on était en plein après midi .

Ma grand-mère disait que c’est le lendemain que la cendre a commencé à tomber sur Saint Pierre  

 

Si bien que, au jour d'aujourd'hui, comme on aime à dire , en cette semaine de la préparation du carnaval, ce jour où tous les enfants des écoles avaient défilés dans les rues de Saint Pierre, ce dernier  coup de vent, cette dernière grosse pluie, venant du sud-ouest , une bourrasque, j'allais dire , élément peu naturel en plein carême , avec la mer qui se met à monter , le ciel s'est couvert d'un nuage rouge, épais, avec en son milieu  une large buée blanche. Ce cataclysme a rejeté le Pierottin dans les affres de cette correction divine.  

 

Place Bertin se sont alors élevées des voix les plus fanatiques, aux cris ''Voici Jésus… Voici Jésus'' , se sont mêlées d'autres plus modérées pour tancer ceux qui disaient ces paroles .

 

Cent quinze ans après, c'est encore cette  punition qui reste du carnaval de Saint Pierre et j'entends encore ma grand-mère dire  « Quand même , quand même, un peu d'amour , un peu de soin ! »

 

 

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