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Pleins d'essence pour les "Neg ki wè lajan ta"

Raphaël CONFIANT
Pleins d'essence pour les "Neg ki wè lajan ta"

      Même si le créole n'est qu'une petite langue vieille d'à peine trois siècles, méprisée le plus souvent par ses propres locuteurs et ayant des difficultés à s'épanouir face à un français omniprésent et omnipotent, il recèle de véritables petits trésors, souvent intraduisibles telle l'expression "Neg ki wè lajan ta" qu'on peut traduire littéralement par "Personnes qui ont vu tardivement de l'argent". Au fait, petite parenthèse pour rappeler qu'en créole "Neg" signifie "personne, être humain", ce qui explique qu'il faille ajouter une couleur derrière ce mot pour se faire bien comprendre : neg blan (albinos), neg wouj (chaben), neg nwè (noir), neg blé (personne très noire) etc. Fin de cette parenthèse. Cette utile parenthèse qui évitera aux mauvais esprits de dire que ce qui va suivre relève du dénigrement des Nègres. Dans "Neg ki wè lajan ta", il n'y a aucune connotation de couleur ou de race.

     Ainsi donc, les traductions littérales n'étant jamais très satisfaisantes, on rendra généralement cette expression par"parvenus". Sauf que ce mot français est trop faible, beaucoup trop faible et trop neutre pour exprimer toute la charge de dérision qu'il y a dans "ki wè lajan ta". Le créole donne à imaginer des gens qui ont vécu dans la pauvreté ou la gêne dans leur enfance et qui, une fois adultes, grâce à une opportunité quelconque ont subitement accès à l'objet de toutes leurs obsessions : l'argent. Dès lors, ces personnes se jettent sur l'argent, se rue dessus, se vautre dedans. C'est à qui arborera la plus grosse montre en or, la plus belle cravate, la plus grosse voiture, la plus imposante villa etc...

   Deux exemples récents : un type qui occupait une fonction importante dans l'ex-Conseil régional se voit contraint, en décembre 2015, de rendre la carte avec laquelle il faisait gratuitement de l'essence depuis des années, son parti ayant perdu les élections. Deux jours avant la date fatidique, monsieur se rend dans une station d'essence et remplit etcetera de jerricans !!! Ce qui attirera l'attention des pompistes et sera évidemment diffusé dans l'heure qui suit par Radio-bois-patate et son équivalent moderne à savoir WhatsApp. On demeure quelque peu incrédule devant le comportement de quelqu'un qui devait gagner pas moins de 7 ou 8.000 euros par mois voire bien plus. Car combien de temps allait-il tenir avec tous ces jerricans remplis d'essence ?  Un mois ? Deux mois ? Première conclusion : pour les "Neg ki wè lajan ta", il n’a jamais de petits profits. Lamentable !

   Autre exemple donné celui-là par la Chambre régionale des comptes dans un rapport accablant concernant une commune du sud de la Martinique : avec toujours le même type de carte pour faire gratuitement de l'essence, 11 pleins ont été faits en une seule et même journée !!! Là, on n'a plus affaire à un seul et unique "Neg ki wè lajan ta", mais à bien à une véritable horde. Lamentable à nouveau ! Et ce sont ces mêmes personnes qui vont donner de grandes leçons de dignité, de souverainisme, de réparationnisme et bla-bla-bla.

   Je tire deux conclusions de tout ça : d'abord, ces fameuses cartes permettant de faire gratuitement de l'essence ne tombent pas du ciel. C'est l'argent de NOS impôts qui permet de les faire fonctionner. Donc tant le type de l'ex-Conseil régional que ceux de la mairie du sud n'ont aucun respect pour leurs concitoyens. Ils n'hésitent pas une seule seconde à "faire chauffer" cette carte en se moquant complètement de nous. Ensuite, heureusement pour eux que nous ne sommes pas un pays indépendant avec de faux autonomistes et de faux indépendantistes de leur acabit ! Car à Barbade (capitaliste) ou à Cuba (communiste), ils auraient été foutus immédiatement en taule. 

   Insistons sur ce point : le mot "Neg" dans l'expression "Neg ki wè lajan ta" peut être remplacé par n'importe quelle autre désignation ethnique. Les "Chaben ki wè lajan ta" ou les "Kouli ki wè lajan ta" ne sont pas mieux...

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