On s’imagine sans trop de peine le chercheur en sciences, habillé de sa blouse blanche, dans son laboratoire, en train de manipuler, selon sa spécialité, des tubes à essais remplis de liquides colorés ou des souris dans des labyrinthes. On peut aussi s’imaginer l’historien examinant d’anciennes archives dans une salle poussiéreuse. Ou encore l’ethnologue parti à la rencontre de peuples lointains. Il s’agit, dans tous les cas, de stéréotypes, mais qui témoignent de la présence de plusieurs types de « chercheurs » dans l’imaginaire collectif. Sans doute est-il plus difficile d’imaginer ce que fait le chercheur en littérature.
Alors, qu’est-ce que faire de la recherche en littérature ?
Les pratiques sont diverses, et, pour vous en procurer un aperçu, je me servirai de quelques uns des cours que j’ai suivis lorsque j’étais en Master Recherche (lequel a précisément pour but de présenter différents aspects de la recherche en littérature).
1. Expliquer, décrire, commenter les œuvres littéraires
Texte et loupe (Milsa, Pixabay, libre de réutilisation)
La tâche la plus fréquente des chercheurs en littérature est d’expliquer, de décrire et de commenter les œuvres littéraires. Il n’y a plus guère, depuis le dix-neuvième siècle, d’intention normative dans la recherche littéraire, alors que, sous l’Ancien Régime en particulier, les commentateurs ne se privaient pas d’indiquer, par exemple, ce que doit être une bonne tragédie ou une bonne comédie. Toute forme de jugement esthétique n’a bien sûr pas disparu (on a le droit d’aimer davantage tel auteur que tel autre), mais l’essentiel n’est pas d’apporter un jugement sur une œuvre, ce qui serait plutôt le travail de la critique journalistique.
Il s’agit plutôt (et la liste n’est pas exhaustive) de :
Pour prendre des exemples parmi les professeurs qui ont été les miens, on peut mentionner Béatrice Bonhomme, dont l’un des champs de recherches consiste à étudier les rapports entre la poésie contemporaine et la peinture (notamment en ce qui concerne les « livres d’artistes » ou « livres de dialogue » élaborés à quatre mains par un poète et un peintre). On peut citer aussi Jean-Marie Seillan, qui a notamment étudié les romans populaires d’aventures du dix-neuvième siècle, lesquels jouaient un peu le rôle de nos séries télévisuelles actuelles (la comparaison est de lui). Du côté de la littérature comparée, Odile Gannier, par exemple, s’intéresse à la littérature de voyages.
On peut en effet distinguer trois domaines ou disciplines :
2. L’édition critique de textes
Un manuscrit (Pcdazero, Pixabay, libre de réutilisation)
C’est un aspect qui vient peut-être moins facilement à l’esprit lorsqu’on pense à la figure du chercheur en littérature : l’édition critique de textes littéraires. Si l’on précise qu’il s’agit d’une édition « critique », c’est qu’en effet il ne s’agit pas seulement de saisir un texte, mais de l’enrichir de tout un appareil critique destiné à l’éclaircir : préface, dossier explicatif, notes…
Cet aspect de la recherche littéraire peut revêtir différentes formes :
Lorsque j’ai fait mon Master Recherche à l’Université de Nice, deux « séminaires » nous permettaient de nous initier à cet aspect de la recherche :
On peut aussi mentionner le fait que Patrick Quillier, professeur de Littérature Comparée, a dirigé l’édition critique de la traduction française de l’œuvre complète du poète portugais Fernando Pessoa, dans la collection « Bibliothèque de la Pléiade » des éditions Gallimard.
3. Approches linguistiques et stylistiques de la littérature
Certains chercheurs s’intéressent plus spécifiquement à la langue et au style des écrivains. Un outil informatique a ainsi été mis au point à l’Université de Nice par Étienne Brunet : il s’agit du logiciel Hyperbase, destiné notamment à étudier les occurrences et cooccurrences des mots employés. Cela facilite l’étude de très gros corpus et permet de s’intéresser aux choix lexicaux et grammaticaux des écrivains. Ce logiciel nous a été présenté par Véronique Magri, chercheuse au sein du laboratoire « Bases, Corpus, Langages ». On peut mentionner, dans le même genre, le logiciel Iramuteq.
4. Didactique de la littérature
Ce champ de recherches, notamment exploré à Nice par Nicole Biagioli, consiste à étudier de façon critique la manière dont la langue et la littérature françaises sont enseignées. L’une des voies possibles de ce type de recherches est de s’intéresser à la façon dont les savoirs universitaires sont transposés dans les manuels scolaires destinés aux enfants ou dans les pratiques des enseignants.
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Je ne prétends pas avoir présenté toutes les facettes de la recherche littéraire, ni même toutes les approches des chercheurs niçois, mais j’espère que ce billet vous aura permis de mieux comprendre ce que font les chercheurs en littérature.
(Image d’en-tête : Pixabay)