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Remontada ou mondialisation irréversible ?

Raphaël CONFIANT
Remontada ou mondialisation irréversible ?

     Je me souviens du vieux stade Serge ROUCH, route de Moutte, à Fort-de-France, où dans les années 60 du siècle dernier, nous assistions aux matches de football mémorables entre le Club Colonial, le Golden Star et le Good-Luck, équipes foyalaises, et de brillantes équipes de commune : l'Aiglon du Lamentin, l'Assaut de Saint-Pierre ou l'Eclair de Rivière-Salée.

     Nous avions nos stars : MARDAYE, le terrible avant-centre du Club Colonial, EUGENIE, le goal volant de l'Aiglon, LUTBERT, l'avant-centre artiste de l'Assaut et bien d'autres. Nous avons hurlé de joie lorsque dans ce minuscule stade d'à peine 500 places assises, la sélection martiniquaise battit la célébrissime équipe brésilienne de SANTOS par 2 buts à 1, en grande partie grâce à EUGENIE. Le stade du Maracaña, lui, à Rio, pouvait déjà contenir 300.000 spectateurs soit presque la totalité de la population...martiniquaise de l'époque.

   Cela ne signifie pas que nous étions ignorants des grands joueurs mondiaux : KOPA, l'avant-centre français ; Lev YACHINE dit l'Araignée noire, l'extraordinaire gardien de but russe ; PELE bien sûr, le génie brésilien. Mais nous ne les connaissions que par la radio et la presse écrite, notamment le magazine FRANCE-FOOTBALL. A l'époque, la Martinique n'avait qu'une seule chaîne de télévision en noir et blanc dont les images bougeaient désagréablement et les seules aperçus du football mondial qui nous étaient accessibles étaient, toujours en noir et blanc, diffusés par Gaumont-Actualités, ces actualités cinématographiques diffusées juste avant les films du dimanche après-midi (tous publics) et soir (réservé aux adultes). Généralement dans une salle paroissiale... 

    Or, ce soir, dans une station-service de Fort-de-France, j'entends un homme fou de joie chanter une sorte d'hymne en...anglais. Personne ne trouve cela bizarre ! Au contraire, les commentaires fusent de part et d'autre entre employés et clients. Je finis par comprendre qu'il s'agit de l'hymne de l'équipe anglaise de Liverpool qui vient d'effectuer une "remontada" en battant l'équipe catalane du Barça par 4 buts à 0. Je réalise que ce petit monde est divisé entre supporters de Liverpool (majoritaires) et supporters du Barça. Tous ont regardé le match à la télévision et ont vibré à l'unisson avec les dizaines millions (oui, dizaines de millions !) de supporters qu'ont chacune de ces deux équipes à travers le monde entier. Au Japon, en Chine, au Sénégal, au Mexique, en Egypte, en Afrique du Sud, au Chili, à Madagascar, en Ouzbékistan etc...

   Ces supporters n'assisteront jamais en vrai à un match de leur équipe favorite. Peu d'entre eux pourraient situer avec exactitude sur une carte les villes de Liverpool ou Barcelone. Très peu parlent couramment anglais ou espagnol tout en étant capables des répéter dans ces langues des slogans ou des hymnes. Dans le même temps, les stades de football en Martinique sont aux trois-quarts vides, même quand c'est la sélection de la Martinique qui joue contre une équipe étrangère. Certes, il demeure une poignée non négligeable de fans de certains clubs comme le Club franciscain ou le Racing de Rivière-Pilote, mais ceux-là supportent aussi le PSG, le Barça, la Juventus de Turin ou Liverpool. Ils connaissent les noms de leurs joueurs, les championnats ou les coupes qu'ils ont gagnés, les entraineurs qui s'y sont succédés. Ils ont gravé dans leur mémoire des temps forts : la "main de Dieu" de Maradona ; le coup de tête de ZIDANE à un défenseur italien qu'il accusa de l'avoir insulté ; le retourné acrobatique de Cristiano RONALDO lors d'un match du Réal Madrid contre telle équipe  ; la blessure d'untel ou d'un tel à la 34è minute de tel match ou le pénalty accordé injustement à tel arbitre au cours de tel ou tel autre match.

   En 2019, on peut voir des matches de foot étrangers tous les jours grâce à une dizaine de chaînes sportives. Il y a donc en Martinique comme partout à travers le monde, des drogués du foot. Des types qui touchent le RSA ou sont smicards et qui ne vivent que par des footeux qui gagnent en un seul match ce qu'eux, ils gagneront au cours de toute leur vie. Des Gilets jaunes qui se plaignent que dès le 6 du mois leur frigo est vide et leur compte en banque à découvert, mais qui font la queue devant le siège du PSG, par exemple, pour acheter un maillot marqué NEYMAR à...250 euros pièce. Opium du peuple, accuseront les marxistes ou ce qu'il en reste.

   Explication un peu courte.

   En fait, il faudra bien qu'un jour, on se penche sur ce que l'on peut appeler les trois piliers de la mondialisation irréversible : la musicalisation du monde, l'hypersexualisation du monde et la sportivisation du monde. Mondialisation capitaliste ou crypto-capitaliste (Chine, Vietnam etc.). Car enfin, avant le transistor, la musique n'était pas omniprésente. Dans ma campagne du fin fond du Lorrain (Morne Carabin ou Macédoine), il n'y avait pas encore d'électricité dans les années 1950-60. Nous n'entendions la musique que le samedi après-midi après la paye des travailleurs de la canne ou en certaines occasions comme le Samedi-gloria. J'imagine qu'il en allait de même en Afrique noire. Et les "Blancs", inventeurs du transistor, vont venir nous raconter que "Le Nègre a la musique dans le sang" !!! Ils inventent le disque vinyle, la chaine-stéréo, le CD, le baladeur et aujourd'hui YouTube, bref tout ce qui "omniprésentifie" la musique et après, ils viennent nous raconter des âneries sur notre "sens du rythme".

   Pareil pour le sexe ! Pour pouvoir apercevoir un bout de chair féminine dénudée, il fallait se faufiler dans les "razié" le lundi matin, jour où les femmes allait laver le linge à la rivière et les y suivre en catimini. Aujourd'hui, ils l'ont mis partout : publicités, films, clips, film-X, Gay pride etc. Et là encore, d'accuser les Nègres d'être des "bêtes de sexe" !!! Musique tout le temps, sexe tout le temps et sport tout le temps, telle est la recette-miracle de la mondialisation capitaliste ou crypto-capitaliste triomphante. Comprenons-nous bien : c'est le "tout le temps" qui est gênant, agaçant même, pas le musique, le sexe ou le sport.

   Car imaginez un seul instant un monde où il y aurait du livre tout le temps, de la littérature tout le temps, quelle horreur ! Non, je ne lis pas un livre tous les jours ou tous les deux jours. Je peux même rester une ou deux semaines sans en ouvrir un. Et je m'en porte très bien ! Le monde est bien trop divers, trop riche, trop extraordinaire et surprenant pour s'enfermer dans une seule et unique passion...

Commentaires

Véyative | 10/05/2019 - 05:12 :
Au questionnement sur notre sens du rythme, il faudrait ajouter le rôle du tambour, non? Il a précédé le transistor.

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