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Sélection de livres martiniquais, guadeloupéens et guyanais pour le mois d'août

Sélection de livres martiniquais, guadeloupéens et guyanais pour le mois d'août

   On connaît la rengaine : "Neg pa ka li" ou sa variante guère moins amène "Neg pa enmen li". S'il y a un peu de vrai dedans, au moins, nous, Antillais, partageons ce petit ou gros défaut avec nombre de peuples à travers le monde, hormis les très rares qui bénéficient d'une politique de lecture très active : Cuba, Islande, Suède, Norvège, Israël (eh oui !) etc...

   C'est pourquoi les vacances d'hivernage (notamment le mois d'août) sont propices à un léger changement d'habitude pour certains d'entre nous qui ne raffolent pas des méchouis, des boites de nuit, de la plage ou des croisières. Ces réfractaires à la bamboche généralisée vont alors se plonger dans la lecture d'un livre, préférablement antillais ou guyanais, dans le cours laps de temps qui sépare la fin juillet du début septembre.

   MONTRAY KREYOL se permet de leur suggérer les quelques lectures ci-après s'agissant de livres parus en cette année 2018 :

 

 

LE TALISMAN DE LA PRESIDENTE

 

   Ecrit par l'ancienne présidente de l'Université des Antilles, actuellement professeur de linguistique espagnole à la prestigieuse université de La Sorbonne, à savoir Corinne MENCE-CASTER, ce livre-témoignage, publié chez l'éditeur parisien ECRITURE, a été un véritable phénomène de librairie aux Antilles puisqu'il a conservé la place de N° 1 des meilleures ventes pendant...7 mois. D'ordinaire, en Martinique comme partout ailleurs dans le monde, un best-seller ne tient pas cette place plus de 3 mois, 4 au grand maximum.

   Contrairement à ce qu'ont pu écrire sur les réseaux sociaux ceux dont elle a combattu les pratiques mafieuses, il ne s'agit aucunement d'un règlement de comptes mais tout au contraire d'un témoignage poignant sur le combat d'une femme placée aux plus hautes responsabilités et qui doit affronter tout à la fois le machisme, la lâcheté et la corruption, le tout rehaussé par style très maîtrisé. Si l'ouvrage est tout en allusions (il ne nomme, par exemple, personne, ni amis ni amis, mais utilise de pseudonymes ou des petits noms), tous les faits qu'il relate, aussi incroyables qu'il puissent paraître, sont vrais et vérifiables. On découvre l'invraisemblable au cœur d'une institution, l'université, au sein de laquelle sont censées régner la Raison et la sérénité. Décoiffant !...

 

 

QUATRE-VINGT-DIX SECONDES

 

   L'éruption de la montagne Pelée le 8 mai 1902 est un sujet rebattu, penseront certains, lorsqu'il jetteront, en librairie, un œil à la 4è de couverture du dernier roman de Daniel PICOULY. Erreur ! Grosse erreur. Certes, ce sujet a déjà été exploité par maints écrivains tant martiniquais qu'étrangers, mais celui qui nous avait déjà donné à lire son magnifique "Cri muet de l'iguane" évoquant son grand-père "poilu" (combattant de la 1è Guerre mondiale) et originaire du quartier Trénelle à Fort-de-France, réalise un véritable exploit à savoir renouveler notre vision de la catastrophe. Comment s'y prend-t-il ? En personnifiant le volcan ! En le consacrant comme narrateur principal. Mais aussi en accordant ce statut à divers lieux emblématiques du "Petit Paris des Antilles" : la Comédie, le Jardin botanique, la cathédrale, le port etc...Evidemment la foisonnante société créole pierrotine n'est pas mise au second plan avec ses Grands-Blancs, ses Mulâtres bourgeois comme Marius HURARD, directeur du journal "Les Colonies", ses Nègres travailleurs et débrouillards comme les magnifique lavandières des bords de la rivière Roxelane. Sur fond de duel au Jardin botanique entre un vieux barbon béké et OTHELLO, un jeune Nègre féru de théâtre, pour parvenir à conquérir une jouvencelle au teint de porcelaine, ce roman, publié chez Albin Michel, se lit avec un plaisir renouvelé à chaque page.

 

 

 JOURNALISTE EN PAYS COLONISE

 

   Le très connu journaliste et militant politique guadeloupéen Danik ZANDRONIS, créateur de divers magazines dans les annés 80 ("JOUGWA", "MAGWA" etc.), membre du MPGI (Mouvement Populaire pour la Guadeloupe Indépendante) dont Luc REINETTE fut le leader, responsable de "Radio Inité", la radio du mouvement, vient de publier son tout premier livre aux éditions Nestor. Il s'agit d'un recueil de ses principaux éditoriaux et articles publiés sur son site-web, CARIBCREOLENEWS (CCN), qu'il aime à présenter comme "le plus influent des Antilles sus domination française". Cet ouvrage, préfacé par Raphaël CONFIANT, relève de ce que l'on appelle l'histoire immédiate et servira à n'en point douter de matériau aux historiens du futur pour comprendre la vie politique, économique et sociale de l'île aux belles eaux (comme la surnommaient les autochtones caraïbes) et surtout comment les Guadeloupéens ont réagi aux différentes crises qui ont secoué leur île, notamment celle de 2009 menée par le LKP (Liennaj Kont Pwofitasion) et Elie DOMOTA. La plume acérée de l'auteur, son style enlevé et ses formules-choc constituent un vrai plaisir de lecture.

 

 

UN BONHEUR A CREDIT/AN BONNE ASOU KARNE KREDI

 

   Ouvrage de très agréable facture, publié aux éditions Exbrayat, le roman bilingue de Térez LEOTIN peut d'ores et déjà être classé parmi les chef d'œuvres de la littérature créolophone. Certes, sur sa couverture le titre en français est écrit trois fois plus gros que le titre en créole, certes le texte en français est placé à gauche (endroit où spontanément se porte l'œil du lecteur) et le texte créole à droite, certes le texte français utilise des caractères droits alors que le texte en créole est en italiques, réputé moins facile à lire, mais il suffit de comparer une seule page de l'ouvrage pour se rendre compte que le texte français est une traduction (excellente au demeurant) d'un texte préalablement rédigé en créole.

   Texte en créole absolument magnifique donc qui dénote une maturité à la fois dans la pratique d'écrivain de son auteur, mais aussi une avancée dans ce que feu Jean BERNABE appelait "la souveraineté scripturale" de la langue créole. Cela renvoie au fait qu'après une période de proto-littérature créolophone (18è et 19è siècles), puis de pré-littérature créolophone (20è siècle), nous sommes désormais, au 21è, entrés de pied dans la littérature créolophone. Avec ce beau roman qui a pour toile de fond nos deux iles, la Martinique et la Guadeloupe, et qui met en scène deux personnages principaux, une Guadeloupéenne, Vincenne Frémont, et un Martiniquais, Alidégonde OLANIER, engagés dans une relation amoureuse difficile, cela à l'époque de l'Amiral Robert et de son compère SORIN, Térez LEOTIN nous plonge avec maestria dans un univers, inconnu des nouvelles générations, dans lequel chaque jour était un combat contre "la déveine".

 

 

FLEUR DE LYS

 

   Jeune maître de conférences en civilisation américaine à l'Université des Antilles, Steve GADET est spécialiste des cultures urbaines et également rappeur sous le nom de FOLA. Auteur à la fois prolifique et très apprécié de la gent féminine pour ses ouvrages dans lesquels il décortique les (pour le moins difficiles) relations homme-femme aux Antilles et réfléchit sur la notion d'amour, l'auteur publie un beau recueil de nouvelles chez Présence Africaine, intitulé Fleur de lys. L'éditeur nous indique que "chaque nouvelle est écrite comme le contrechant d'un morceau de musique caribéen connu et compris de tous, tant dans les îles de la Caraïbe, que parmi les jeunesses urbaines de France".

   Maîtriser l'art de la nouvelle n'est pas quelque chose de facile puisqu'en peu de pages, on doit camper des personnages, raconter une histoire et surtout trouver une chute qui étonne ou surprenne le lecteur. S. GADET prouve ici qu'il en est un artisan confirmé puisqu'il parvient à nous toucher lorsque sans pathos aucun, il évoque la fin d'une relation amoureuse comme dans "Parce que je suis une reine", le courage d'une jeune fille de Terminale qui, malgré sa grossesse inattendue parvient à décrocher le précieux sésame ("Hibiscus de béton") ou encore la difficultueuse acceptation de la présence d'immigrés haïtiens dans un quartier populaire ("Bel Air"). A lire toutes affaires cessantes !...

 

 

BITAKO-A

 

   Tout premier roman martiniquais en langue créole paru en 1985, Bitako-a de Raphaël CONFIANT est réédité 33 ans plus tard dans la désormais très connue collection "Université" de Caraibéditions, dirigée par Florent CHARBONNIER avec une consistante préface (44 pages) en français de feu le Pr Jean BERNABE, père de la Créolistique aux Petites Antilles et en Guyane. Le personnage principal, Omè ("Homère" en français), est en fait une sorte d'anti-héros, de déraciné qui, au tournant des années 60 du XXe siècle, comme des dizaines de milliers d'habitants des campagnes, se réfugièrent à la périphérie de Fort-de-France où ils bâtirent des quartiers de bric et de broc, survivant grâce à des "djobs" et autres menus travaux. Il habite le redouté et redoutable quartier du Morne Pichevin, tout à la fois refuge d'honnêtes travailleurs, notamment de dockers occasionnels, et repaire de malandrins et de voyous à la "jambette" (canif) facile. Amoureux d'une voisine, Adelise, jeune fille campagnarde elle aussi qui est hébergée par sa tante laquelle exerce le plus vieux métier du monde, il parvient à se mettre "en case" avec elle, mais cette relation se termine en tragédie à cause de la férocité de l'univers urbain. Ecrit dans une langue accessible quoique n'hésitant pas à recourir aux termes rares et aux archaïsmes, aux néologismes et aux emprunts aux autres créoles (le guadeloupéen et l'haïtien notamment), Bitako-a est une bonne initiation à la littérature en langue créole.

 

 

GRAN TJE GRAN LESPRI      

 

   Jeune et brillant consultant, Olivier Ernest JEAN-MARIE appartient à cette génération de Martiniquais qui a dépassé les complexes liés tant à l'univers de l'Habitation ("Plantation de canne à sucre) qu'au monde faussement moderne qui lui a succédé depuis les années 60 du siècle dernier. Il a foi dans son pays et voit grand pour lui d'où le titre de son ouvrage qui lie compréhension, voire compassion, à  l'endroit des plus démunis à la compréhension rationnelle et donc dépassionnée des problèmes qui assaillent notre micro-société insulaire et qui nous paraissent quasiment insolubles.

   Le sous-titre de l'ouvrage est d'ailleurs fort éclairant à cet égard et est à lui seul tout un programme : Plaidoyer pour une Martinique collaborative et positive. Se définissant joliment comme "un ouvrier de l'intelligence collective", Olivier JEAN-MARIE parie donc sur notre capacité à sortir de la prison de l'ego et, au-delà de nos inévitables différences, à imaginer et à travailler à une Martinique, non seulement meilleure mais qui cesse de broyer du noir comme c'est le cas depuis quelques décennies. L'auteur entend mobiliser le "potentiel créatif" de notre peuple, qu'il estime important, mais cela__et c'est ici qu'on est dans une vision neuve__à partir de chacun d'entre nous. Ce que résume bien la phrase suivante : "Quelle serait l'utilité de disposer d'un statut constitutionnel évolutif, si nous individuellement, nous n'étions pas en capacité de mobiliser et d'actualiser, individuellement, notre potentiel de création et d'action ?".

   Ouvrage écrit dans un style alerte, certes, quelque peu utopique, mais à méditer profondément puisque Aimé CESAIRE lui-même avait parlé de la nécessité de bâtir "une utopie refondatrice"...

 

LE MURMURE DE L'IBIS ROUGE

 

   La thématique du bagne de Guyane en littérature semble à première vue dépassée, voire usée. Chacun, les plus anciens d'entre nous en tout cas, se souviennent, en 1969, du succès phénoménal de Papillon, ce récit d'évasion rocambolesque et palpitante tout à la fois d'un bagnard dénommé Henri CHARRIERE. Depuis, beaucoup ont exploité la même veine dans l'espoir d'en tirer gloire et revenus conséquents, toutes choses qui sont aux antipodes de la vraie littérature.

   Quoique publié chez Edilivre (éditeur payant), LE MURMURE DE L'IBIS ROUGE de Jean-Claude OLIVIER surprend fort agréablement le lecteur. L'éditeur nous en fait la présentation suivante : "Octobre 1898, condamné pour avoir tué un négociant en vin bordelais, le marquis Bertrand de Saint Front est envoyé en Guyane. Le prisonnier doit purger dix années dans le terrible bagne, où les conditions de détention sont réputées insupportables. Outre la rigueur du climat, il lui faut endurer les corvées harassantes, la faim, le fléau de la maladie et survivre malgré tout. Proche de la fin, sur le point d'abandonner tout espoir de quitter cet enfer, il reçoit un soutien des plus inattendus. La jungle abrite également une tribu indienne et un oiseau fabuleux qui lui apportent leur protection. À travers la fiction, l'auteur entend dénoncer une sombre page de l'histoire de France, déjà pointée du doigt en son temps par le journaliste Albert Londres."

   Au-delà des descriptions de la fabuleuse forêt guyanaise, la plume de Jean-Claude OLIVIER sait camper des personnages qui nous restent longtemps en mémoire.

 

 

 

FILLETTE-LALO

 

   Ecrire un roman à quatre mains est une vraie gageure car cela revient à mettre en commun deux sensibilités, parfois fort différentes, et deux visions du monde. Gerry L'ETANG, la plume martiniquaise, et Dominique BATRAVILLE, la plume haïtienne, sont tout ce qu'il y a de plus dissemblables : le premier est anthropologue, maître de conférences à l'Université des Antilles ; le second est un poète-romancier-homme-de-théâtre-cinéaste-journaliste et consorts, mi-GAVROCHE mi-RIMBAUD, mi GAINSBOURG mi-James BALWIN, qui est un véritable personnage de la vie culturelle de l'île de TOUSANT-LOUVERTURE et DESSALINES.

   Pourtant, L'ETANG et BATRAVILLE réussissent à nous offrir un chef d'œuvre de concision, au style très travaillé et donc percutant, pour dresser le portait de ces femmes, les "fillettes-lalo", qui n'étaient autres que les alter ego féminines des tristement célèbres Tontons-Macoutes du non moins sinistre régime de François DUVALIER alias Papa DOC. On sort à la fois éberlué, voire même terrifié, à la lecture des courts chapitres qui composent ce roman qui font l'effet de coups de poing salutaires dans la mesure où ils nous rappellent que la tentation dictatoriale n'est jamais loin, surtout dans nos pays qui ont été si cruellement marqués par l'histoire.

   On peut lire ce magnifique livre au jour le jour. En se contentant d'un chapitre par jour. Ce qui est sûr, c'est que les personnages qu'il campent nous hanteront très longtemps. N'est-ce pas ce que l'on appelle le miracle de la littérature ?

 

 

PESTIFIANTS

 

   Animateur culturel, expert en nouvelles technologies de l'information et de la communication, homme de théâtre et de cinéma, Yv-Mari SERALINE est un personnage incontournable de la vie culturelle foyalaise, et plus largement martiniquaise et caribéenne, depuis au moins quatre décennies. Il ne manquait qu'une seule corde à son arc : l'écriture littéraire (puisqu'il a publié dans le passé des ouvrages sur le carnaval, par exemple). Il vient de l'y ajouter avec la publication, à compte d'auteur, d'un polar intitulé PESTIFIANTS, que le site-web présente mieux que nous pourrions le faire :

   "Dans une île des Antilles, un citoyen à la recherche d'un espace pour créer de l'activité dans la campagne de son pays, révèle la collusion entre un homme d'affaire cherchant à exporter illégalement un stock de produits interdits, et un trafiquant de drogue international, qui aliment le réseau de dealers locaux.
   Cette oeuvre d'imagination trouve une résonnance particulière dans un débat qui agite les territoires de la Caraïbe confrontés aux catastrophes sanitaires à cause de dégâts de l'usage non contrôlés de pesticides, tel que le chlordécone, autant qu'aux conséquences de la drogue chez la population en particulier les jeunes..

    Quelques extraits:

    Les premières lignes...

   "ZATRAP est dans son pickup, qui dodeline sur les irrégularités du chemin de terre, il se rapproche d'un lieu oublié sur la propriété familiale, depuis des générations.

Il n’est pas certain de retrouver l’itinéraire permettant d’y arriver, ne se souvenant même pas y être passé dans son enfance.

Aujourd'hui, il va se diriger approximativement sur cette route anbabwa, grâce aux indications d’un membre de son clan."

   Autant dire que le lecteur ne risque pas, avec un tel style, de s'ennuyer !...

 

    TRES BONNE LECTURE A TOUTES ET A TOUS !...

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