Cette étudiante de 23 ans s’est fait connaître du monde entier, il y a un an, en montant sur une voiture pour entonner un chant hostile au régime dictatorial alors en place. Depuis, elle incarne les espoirs des femmes de son pays.
Pour une icône, elle bouge vraiment beaucoup. Alaa Salah parle avec ses mains, et quand celles-ci se reposent un peu, c’est son visage qui prend le relais. Et même quand le visage se fige, les yeux pétillent, furètent, toujours aux aguets. Alaa Salah a la bougeotte, mais une bougeotte un peu lente et très gracieuse, toujours animée par une onde invisible et harmonieuse. Elle a beau être une égérie, elle ne sera pas la Joconde de la révolution soudanaise, plutôt sa Beyoncé, une jeune femme bien de son temps.
C’était il y a un an, au paroxysme du soulèvement. Une foule de plusieurs dizaines puis de centaines de milliers de personnes avait envahi, depuis le 6 avril, le quartier général des forces armées, Al-Qiyadah, en plein centre de la capitale, Khartoum, pour demander le départ d’Omar Al-Bachir, le général et dictateur à la tête du pays depuis son coup d’Etat de 1989. Trente ans de règne durant lequel l’islamisme pur et dur des débuts a cédé la place à un islamisme de prédation, toujours dominé par le kaki des treillis.
La révolution a débuté le 19 décembre 2018 à Atbara, dans le nord du pays, après l’annonce du triplement du prix du pain. Elle a vite embrasé tout le territoire et les revendications ont fini par se réduire à un seul slogan : « Tesgot bass ! » (« Casse-toi, point »), destiné à Omar Al-Bachir. « Les premiers jours, je cachais à mes parents que je manifestais, raconte Alaa Salah rencontrée lors du 18e Festival du film et du forum international sur les droits humains, dont elle était l’une des invitées d’honneur, en mars, à Genève. Quand ils ont voulu m’interdire de sortir, je les ai convaincus qu’on ne pouvait pas rester là sans rien faire, que nous étions des morts-vivants. Alors autant mourir pour quelque chose. »