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TERRITOIRES, DE LA CON-NAISSANCE : LA SPIRITUALITE INCONTOURNABLE

Par Paul GABOURG, Ecrivain
TERRITOIRES, DE LA CON-NAISSANCE : LA SPIRITUALITE INCONTOURNABLE

{« La France mon pays n’a pas plus de rang à tenir que de leçons à donner. Que signifie « tenir son rang dans le monde ? La francophonie n’a pour tout devoir que d’exprimer la « manière française de comprendre le monde.
« En effet, la France n’est pas le monde. »} (Professeur Albert JACQUART– RFI Août 1992).

{{POUR QUI LES DIVIDENDES DE LA FRANCOPHONIE ?}}

Il est un exercice d‘auto persuasion auquel l’esprit français a pris la curieuse habitude de se livrer – qui fait sourire ou incline à la dérision – c’est celui qui consiste à poser que tout pays qui parle un tantinet le français a le devoir de défendre cette langue, ennobli de ce simple partage, car la France aurait le privilège de porter la civilisation et le prestige au monde quand ce n’est pas tout simplement l’intelligence et le bonheur de vivre. A ce rythme là on peut se demander si Haïti où le français est langue officielle de la République n’est pas un Département de l’Hexagone. Et allez donc raconter à un Mexicain que son pays est un morceau de l’Espagne !

Et alors, pourquoi Trinidad, la Jamaïque et Barbade – pays anglophones - ne sont pas des départements de la perfide Albion, donc tout simplement anglais ? Comment expliquer que les Anglais n’aient jamais éprouvé le besoin de mettre en œuvre une fiction nommée anglophonie, les espagnols l’hispanophonie, les portugais la lusophonie, les japonais la japonophonie, etc… etc…. pour conserver des liens de toute nature avec leurs anciennes colonies et ce, sans complexe ?

Il y a du reste des déclarations qui ont la vie dure : Chirac n’a-t-il pas autrefois reconnu que la francophonie était un projet politique ! (avec les satellites et mercenaires bien connus tels Jacques Focart…) Ceux des « domiens » qui, pour fuir la question du statut (y compris nos grands frères socialistes) cherchent à faire cautionner l’idée que seule l’attitude fusionnelle avec la France était rentable devraient bien s’en inspirer. Il est vrai que pareille déclaration est moins risquée comme explication que de reconnaître ce que représente d’avantages la possession de ces dites danseuses qui posent entre autres la question des zones exclusives maritimes, selon la définition de la convention internationale.

Dans un article signé TAHAR BEN JELLOUN paru dans le monde Diplomatique de mai 2007 cet écrivain note : « On sait que la francophonie a rejoint son statut d’origine, celui d’une aire politique entretenant une mémoire coloniale à peine dépassée ou plutôt déguisée ». Et plus loin BEN JELLOUN lucide précise à propos de cette francophonie « qu’elle sert à réunir les chefs d’Etat des pays dits francophones à donner à la France l’illusion qu’elle contrôle ou au moins qu’elle cultive, une certaine amitié, pour ne pas dire ses intérêts. Il s’agit d’une sorte de matriarcat ambiguë mais personne n’est dupe et surtout pas les écrivains. Voire ces chefs d’état africains s’aligner sagement autour du Président français pour la photo de famille à quelque chose de pathétique et d’anachronique. Et ils aiment ça ! »

Et TAHAR BEN JELLOUN n’a encore rien vu s’il n’a pas connu le spectacle affligeant de nos intégrationnistes locaux en rang d’oignon, le petit doigt sur la couture du pantalon, des trémolos dans la voix en chantant «qu’un sang impur abreuve nos sillons» sur le Malécon. Plus loin, dans le même texte l’écrivain soutient « on ne parle pas le francophone. On ne l’écrit pas non plus. Le francophone est un « machin » taillé sur mesure pour que les politiques puissent s’abriter derrière ». Et encore :
« Les britanniques n’ont pas eu besoin de créer des institutions en vue de promouvoir l’anglophonie ». Faut’il que l’exception française soit bien fragile pour s’amarrer à des repères institutionnels !

Que voilà précisément deux ou trois vérités rappelées aux amateurs de fraternalisme, par Césaire lui-même qu’on ne saurait soupçonner d’anti-francophilie et qui nous a constamment exhortés à nous en protéger. Il y a de nombreuses raisons qui nous amènent à penser que même à travers quelques ambiguïtés politiques indéniables, Cesaire a laissé entrevoir un cheminement possible vers notre libération par l’accès à d’autres pouvoirs, en hypothèse basse par l’autodétermination procédé que la France s’est toujours ingéniée à éviter.

Peut-être devrons-nous, à partir de maintenant propulser nos investigations plus loin que sur le simple alignement des faits historiques. De nombreux chercheurs ont emprunté des voies nouvelles qui, sans pour autant dispenser les intellectuels de continuer à travailler dans la voie qu’ils estiment productive parce que relevant du cartésien ne leur interdit pas d’approcher d’autre layons du temps historique. La vision d’une caraïbe unie devrait nous aider à respirer notre propre Temps.

Dans le Cahier, Cesaire proclame : « Et nous savons maintenant que le soleil tourne autour de notre terre éclairant la parcelle qu’a fixée notre volonté seule et que toute étoile chute de ciel en terre à notre commandement sans limite ». Désormais nous découvrons que la francophonie donnée comme alternative n’est rien d’autre que la garantie de dividendes que le colonialisme français s’assure sans complexe.

Il me revient Césaire citant un auteur, à l’occasion de la fête du PPM au Parc Floral, la phrase suivante : « Les grandes unités politiques ne sont le plus souvent que la confiscation de nationalités ». Comment ne pas penser aux entités insulaires de la Caraïbe ?

Ce même constat avait déjà été fait à partir d’un film sur le texte « La Fabrique de l’homme occidental » de Pierre LEGENDRE, diffusé le 15 novembre 1996 sur la chaîne ARTE. Le constat « Les états modernes sont des fictions généalogiques. Il sont construits comme des êtres qui seraient doués de raison, pour faire obstacle à la Dé-raison

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{{NOTRE AMERICANITE MULTIPLE}}

Le Poète – dont la fonction est de conduire une esthétique multipolaire pour son peuple – ne trahit pas cette fonction lorsque, appliquant l’attention, l’éclairage, que lui procure sa propre énergie à une zone de l’Espace-Temps, il fait surgir et révèle à existence, des formes nouvelles. Il s’agit à s’y méprendre de la traduction de l’événement dans le champ des quanta élément participant du domaine scientifique s’il en est. La pensée fait surgir un lieu, un phénomène ; peut-être ce quelque chose que Chamoiseau définit, par extension, Territoire.

En quittant, le 17 avril dernier, son rocher martiniquais plus que jamais ancré dans la caraibéanité par ses propres laminaires, au-delà de ce qui a pu apparaître – y compris pour votre serviteur lui-même – comme la concession politique la plus éminemment dangereuse pour notre nation, le fameux moratoire, le poète a néanmoins placé quelques gardes fou : « je défie le crâniomètre….et le nègre vous emmerde ». Suffiront-ils à préserver notre culture ? Rien n’est moins sûr même si par ailleurs le Docteur Aliker a prévenu : « les spécialistes de la chose martiniquaise ne peuvent être que des martiniquais ». Déclaration livrée de façon très officielle, très offensive et très spectaculaire à l’occasion des funérailles de Césaire.

Les termes qui résument le viatique indispensable à notre survie de peuple et de nation sont très nettement ancrés dans la parole du poète : SOLEIL - ECLAIRE (révéle) - PARCELLE (territoire) - VOLONTE (pouvoir, autorité) – COMMANDEMENT (souveraineté).

Dans ce qui va suivre, les mêmes préoccupations apparaissent. La théorie de l’éco- développement en effet, polarise l’attention des souverainistes actuels autour de la question de la terre et de l’Etat et réhabilite fort heureusement l’architecture spirituelle de notre communauté de destin de A à Z, qu’elle provienne de l’Amérindianité, de l’Indianité ou de l’Africanité. Feinte de corps opposée au mercantilisme et à prédation de l’Europe à l’œuvre, cette manière de voir construit notre autorité intérieure.

Cependant , l’obstacle le plus étonnant à l’affirmation de notre identité c’est celui qu’a repéré de façons très précise MONCHOACHI et qu’il cerne sans pitié dans son texte « Eloge de la servilité » : « Le martiniquais », reprend-il après LAFCADIO HEARN, « est plus catholique que Rome !». Ecoutons MONCHOACHI : « … le Martiniquais avait appris de la religion chrétienne que la seule façon de se sauver et de gagner le paradis était de ne pas s’appartenir… à cette idée, il avait traversé l’esclavage en déréalisant [[déréalisant : demeurant inconscient de la réalité.]] et en endurant [[Endurant : Citons « ki sa ou lé fè ! Sé Bondyé ki lé sa. Sé volonte-y. Sé sa ki ta nou ! »]]
. Le Martiniquais est en tout mû, non par une quelconque volonté mais par cette pathologie qui consiste à ne pas s’appartenir. Lorsque le Martiniquais s’empara du christianisme laïcisé, ce salmigondis qui produisit et diffusa la révolution française, ce fut pour se jeter sur tout ce qui ayant semblance de comme, ainsi que si que, tout pareillement se répandait et ce fut ainsi tout naturellement qu’il s’empara de l’école : à l’instant, il fit de l’école une véritable religion ; ……… »

Plus avant MONCHOACHI écrit : « la seule différence c’est que l’Occident est parvenu à vendre son idée de l’école comme moteur du progrès à la terre entière, la seule différence est que l’Occident a réussi à imposer partout la religion de l’école avec laquelle il a mis à mal toutes les autres civilisations…. ». Et nous pouvons ajouter qu’il a dékalé des initiations bien supérieures à cette école. En méprisant objectivement toute expérience de création qui ne relève pas de l’école occidentale. Cette Ecole a parfaitement réussi son projet originel : développer un terrain acquis à son message euro-centré à l’exclusion de tout autre message traditionnel des lieux envahis.

J’ai tenté l’explication qui suit pour réduire notre posture béotienne face à l’école précisément, par un néologisme qui n’est pas un modèle de sobriété étymologique, je vous l’accorde : américanité nègre et indienne (négrindioaméricanidad).

C’est en tout cas le résumé de cette cohésion entre peuples exploités à qui l’Occident a enlevé leur propre spiritualité de Caribéen pour leur imposer la judéo christianité d’une soldatesque qui, au nom du paradis à venir, nous a abruti à tour de bras. Dès lors la parole immarcescible du penseur Cesaire : « Mon pays est la lance de nuit de mes ancêtres Bambara » va plus loin que la métaphore balistique de notre minuscule patrie. A ce sujet, un de ceux qui ont le plus rapidement intégré dans son art les luminaires incandescents de cette parole est bien René LOUISE à travers ses fameux cercles solaires, son cheminement initiatique dans sa partie Caribéenne et sa pédagogie de la présence des éléments Terre, Soleil, Eau en chacun de nous. Point de vue proche de celui de l’écrivain Péruvien d’origine Quechua Hector LOAIZA qui n’a cessé de sacrifier aux initiations indiennes dans les Andes, malgré le fait qu’il vive à Bordeaux (son oeuvre majeure : WANU PURA, le Chemin des sorciers des Andes – Robert LAFFONT 1976).

Les silences de toutes les indianités qui n’ont cessé et ne cessent de danser en nous participent à la même équation ayant payé le même tribut de sang à la fameuse barbarie de l’évangélisation-colonisation. Ainsi que l’a immortalisé pour la postérité ce poème de Nelson ESTUPINAN BASS, poète équatorien, puissant représentant de la négritude dans son pays, en les termes que voilà – pour mesurer la dangereuse problématique du « diviser pour mieux régner » théorie appliquée par l’Occident :

_ Indien Cayapa
_ Tu m’as voué de la haine
_ Et encore maintenant
_ Tu me hais sans raison,
_ Accepte désormais
_ Que cette main de nègre
_ Te présente mon cœur.

Dès lors, notre destin de Caribéen a le droit d’affirmer : bonjour et adieu la départementale servitude, cette halte interminable où le poète ne souhaitait pourtant pas que nous nous complaisions. A trop vouloir imposer de force l’hexaconnerie de force dans l’Américanité d’un Vincent PLACOLY, nos tuteurs malgré nous auront relancé le débat sur la question essentielle : notre identité. Quelque part la théorie des quanta de Planck aura décrypté les séquences du temps qui sont les nôtres et révélé à l’espace notre raison d’être au monde.
Par nous même. Et donc la manière Caribéenne de comprendre le monde.

{{Paul GABOURG,}} Ecrivain

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