Il y a une colère souterraine qui éclate ici et là. Elle remonte à loin. A très loin ! A l'Abolition de 1848 qui a transformé les esclaves en ouvriers agricoles surexploités, aux fausses promesses de la Départementalisation en 1946, aux galères du BUMIDOM dans les années 60 sans même évoquer la répression sanglante des grèves jusqu'aux années 75 du siècle dernier, l'incurie de bon nombre de nos politiques, le lèchecu-isme de bon nombre également de nos intellectuels en quête de "tot" (sinécure). Le compère-lapinisme généralisé etc.
Sans même parler de cet énorme mensonge à propos du chlordécone...
Colère souterraine récupérée pour l'heure essentiellement par les syndicats pour lesquels l'Etat français est responsable de la crise sanitaire à cause d'une part, de son imprévoyance, de l'autre, des coupes budgétaires à répétition dans le budget des hôpitaux depuis des années. Admettons que cette analyse soit vraie ! Quand cet Etat aura répondu aux revendications diverses et variées, envoyé plus de matériel médical dernier cri, permis le recrutement d'un plus grand nombre de soignants, réhabilité ou reconstruit tel ou tel hôpital etc..., on en sera où ?
Et il n'y a pas que les syndicats à surfer sur cette (compréhensible) colère populaire, mais aussi certains partis, mouvements ou groupuscules politiques le plus souvent nationalistes, souverainistes ou indépendantistes, mais pas uniquement. Il y a aussi des leaders autoproclamés qui construisent leur notoriété sur le covid ou plus exactement contre la vaccination, grâce aux réseaux sociaux du Blanc qu'ils vouent chaque jour aux gémonies, en particulier grâce à Facebook. Toute épidémie ayant une fin, on est en droit de leur poser la même question : on en sera où dans trois ans ou cinq ans ?
"Où" a ici une signification très claire : "où" dans notre marche en direction de la souveraineté nationale car jusqu'à preuve du contraire, la première liberté fondamentale pour un peuple, c'est l'accession à la souveraineté. La deuxième est la liberté économique et la troisième la liberté linguistique, éducationnelle et culturelle. En Martinique, nous ne disposons d'aucune de ces libertés ! Au plan politique, c'est le Préfet qui décide, pas le président de la CTM. Au plan économique, ce sont les Békés appuyés par l'Etat. Au plan linguistique, éducationnel et culturel, c'est le Rectorat et sa politique jacobine.
Car les autres libertés (aller au restaurant, au cinéma, à la plage, d'organiser des soirées ou des spectacles etc.) sont des libertés secondaires pour lesquelles un peuple souverain peut se battre si nécessaire, mais pas un peuple dominé. Le faire s'agissant de ce dernier revient tout simplement à mettre le cabrouet avant les boeufs. Et à se comporter en "mendiants arrogants" (A. Césaire) ou pire, en mendiants agressifs. Affligeant spectacle auquel il nous est, malheureusement, donné d'assister en Martinique par ces temps de covid.
Aurons-nous avancé d'un millimètre en direction de ces trois libertés fondamentales après avoir dénoncé l'ARS, injurié le préfet, défié l'ordre public en défilant sans masque, refusé la vaccination et le pass sanitaire ? Il est permis d'en douter. Nous passons notre temps à tout exiger du Blanc (du personnel, des lits de réanimation, des transferts sanitaires, du matériel neuf etc.) sans jamais songer une seule seconde à lui demander une séparation à l'amiable. OUI, A L'AMIABLE ! Comme l'ont fait les pays anglophones de la Caraïbe. Pas besoin de bombes, de tirs à balles réelles sur des policiers, de blocages de supermarchés ou de déboulonnements infantiles de statues.
Pas la peine de "faire du cirque" !
Profitons de cette colère souterraine pour faire comprendre qu'au-delà de ce virus, il y a un problème plus global et plus urgent : celui de "l'heure de nous-mêmes" pour reprendre les mots de Césaire. Car, si rien n'est fait dans ce sens, ceux qui se complaisent dans la dénonciation et autres professionnels de la contestation auront une lourde responsabilité dans les résultats d'une consultation, qui viendra tôt ou tard, sur l'évolution statutaire. OUI, ELLE VIENDRA TOT OU TARD ! Comme en Kanaky qui en a d'ailleurs déjà connu deux et en aura une troisième (et dernière) en novembre prochain.
En 2010, les vociférateurs d'aujourd'hui ont été les premiers responsables de ces 79% de "NON" à une poussière d'autonomie. Oui, tous, politiques, syndicalistes, associatifs, intellectuels et autres ! La Droite en pleurnichant come à son habitude sur un éventuel "largage", les autonomistes en appelant anbafey à voter contre ce petit début de commencement d'autonomie et les natio-indépendantisto-souveranistes en boycottant le scrutin alors qu'ils n'ont encore installé aucun maquis dans les Pitons du Carbet. Les artistes et les intellectuels en demeurant la bouche cousue.
Le covid est une occasion unique, inespérée, de s'employer à transformer la colère populaire martiniquaise en volonté politique et de faire comprendre qu'il y a nécessité, sinon urgence, sans violence, répétons-le, de sortir des bras de Manman la France et le vouloir, ce n'est être ni anti-Français ni anti-Blanc. C'est dire que la lutte pour la souveraineté, qui est mise actuellement sous le boisseau (et dont aucun grand immunologue-Facebook ni infectiologue-Whasap ne parle bien évidemment) doit revenir au premier plan. Elle doit être un impératif catégorique. Sinon, dans cinq ans, dans dix ans, forcément un autre motif de colère apparaîtra et nous recommencerons les mêmes dénonciations, les mêmes manifs et les mêmes délires sur les réseaux sociaux. Nous ressasserons le mot "colonialiste" à longueur de messages-Whatsap ou de posts-Facebook.
...dansant pour la énième fois "au carnaval des autres". Ad nauseam !
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