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Un regard sur "L'Audace de changer" de Louis Boutrin

Marie-Frédérique Adréa-Lordinot
Un regard sur "L'Audace de changer" de Louis Boutrin

   Le 08 mars dernier, Louis BOUTRIN présentait son dernier livre, "L'Audace de changer. Un new-deal écologique pour la Martinique" (Scitep-Editions), à la Bibliothèque Schoelcher de Fort-de-France.

   Il avait deux premiers lecteurs à ses côtés : Frédérique ADREA-LORDINOT dont on lira l'intervention ci-après et Raphaël CONFIANT...

***

Remerciements à Louis BOUTRIN qui a choisi de mettre à l’honneur une femme à l’occasion de la journée symbolique du 8 mars.

Raisons pour lesquelles j’ai accepté la proposition de Louis BOUTRIN :

  • 8 mars : journée internationale (de lutte pour les) des droits de la femme et je me devais de relever le défi et ne pas faire mentir le poète lorsqu’il a dit que « la femme est l’avenir de l’homme »
  • Livre élaboré avec du papier recyclé, respectant l’objectif de préservation des arbres (respectueux de l’environnement)
  • La Martinique est au carrefour de son avenir : l’auteur fait des propositions concrètes face aux maux qui rongent notre territoire et au-delà des discours électoralistes
  • Mon admiration pour cet auteur, qui très tôt a dénoncé le scandale du chlordécone et proposé des mesures à prendre, admirative de son courage, pour avoir abordé des questions épineuses tel que le préjugé de race, pour sa linéarité en politique, et pour avoir démontré qu’il était en mesure de mettre en œuvre des politiques publiques, notamment en matière de transport, pêche, agriculture et sport. Comme nous aimons à dire, c’est un homme qui a une vision (d’avenir) !

POURQUOI CET OUVRAGE ?

La Martinique, de par son insularité, est directement concernée par les désordres écologiques que ce soit le dérèglement climatique, l’épuisement des ressources énergétiques fossiles, le risque de pénurie alimentaire, de pénurie d’eau, la dégradation de notre environnement, la perte de biodiversité, l’invasion d’algues sargasses, les phénomènes de pollutions atmosphériques aux particules fines et gaz à effet de serre, sans compter le lourd tribut payé par la population martiniquaise après l’empoisonnement au Chlordécone (et autres pesticides).

Tout cela sur fond de crise identitaire et sociétale.

Face à cette situation, il nous faut réagir par un vrai sursaut collectif car c’est aussi la traduction d’une crise du modèle économique dominant basé sur une recherche absurde de profit démesuré sur un socle d’injustice, d’inégalités et de pauvreté.Nous n’avons donc pas d’autre alternative que d’opérer une vaste mutation à la fois culturelle, économique, sociale, éducative pour plus de responsabilité et solidarité à travers « un new deal écologique pour la Martinique »

A travers son ouvrage : l’AUDACE DE CHANGER, Louis BOUTRIN veut nous livrer son bilan après 5 années passées à la CTM, mais également sa vision d’un développement plus harmonieux, plus égalitaire, plus respectueux des hommes, femmes et richesses naturelles de ce pays. Somme toute, plus vertueux.

Son mot d’ordre : MARTINICANITE qu’il justifie par : Ni Assimilationnistes, Ni Autonomistes, Ni Indépendantistes, Ni Noiristes.

Désireux d’AUDACE, de plus de culture, d’éducation, de liberté, de conscience martiniquaise, il nous propose donc un NEW DEAL ECOLOGIQUE en présentant :

  • Dans une première partie : sa vision de l’évolution politique et institutionnelle, sur la base d’un constat objectif
  • Dans une deuxième partie : sa vision d’un développement soutenable.

Après avoir fait le bilan :

  • de l’héritage de CESAIRE allant même jusqu’à mettre en exergue  ses paradoxes en soulignant l’absence de contenu politique réel de cette vieille revendication d’autonomie et je cite : « en réalité l’histoire de l’autonomie revendiquée à gorge déployée par le PPM est celle du renoncement permanent », il invite dans la décennie à venir, à offrir à CESAIRE , défenseur acharné de l’émancipation du peuple, cette autonomie pour la Nation martiniquaise tant espérée mais paradoxalement jamais aboutie

 

  • du Mouvement Indépendantiste Martiniquais et de son leader charismatique Alfred MARIE-JEANNE, qui par 2 fois (la déclaration de Basse-Terre le 1er décembre 1999 et la Web conférence du 28 septembre 2020 avec les Présidents des Collectivités à statuts spécifiques), a adopté une action commune en vue d’une révision constitutionnelle.

 

Dans un livre-référence : « Alfred MARIE-JEANNE, une traversée verticale du siècle » paru en février 2015 (donc en début d’année 2015, bien avant les élections des 6 et 13 décembre 2015), Louis BOUTRIN et Raphaël CONFIANT ont analysé un certain nombre de points structurants de son action politique. Par cette démarche, LB démontre ainsi sa loyauté envers AMJ que l’on donnait perdant aux élections de la CTM.

A la page 31, l’auteur cite l’intervention suivante d’AMJ à l’Assemblée Nationale : « le statut ne crée pas mécaniquement le développement, mais il peut le prédéterminer ce d’autant qu’un statut obsolète constitue un obstacle majeur au développement ». Dans la stratégie du leader du MIM, la question statutaire n’est donc pas exclusivement une question juridique et politique. Elle est également un préalable au développement économique. Il n’hésite pas à reprendre le constat d’Aimé CESAIRE, le rapporteur de la loi d’assimilation, qui reconnaissait que « la départementalisation a mis le pays en assistance publique »,

Il évoque les causes des différentes crises sociétales que traverse la Martinique, qui sont la résultante d’une racialisation des rapports sociaux où l’ordre ethnique a fixé l’ordre social, et d’un manque d’anticipation, de solution concrète et réelles perspectives

Page 52 : première victime de ce préjugé de race qui sévit dans le monde du travail, singulièrement dans le secteur privé, cette génération des 10-15 ans de 2009 qui n’a d’autre choix que le chômage ou l’exil et qui aujourd’hui est au pied du mur.

En raison :

  • du cynisme de nos gouvernants sur les aspects positifs de la colonisation
  • de l’absence de justice ou d’une justice partiale face à des postures et propos racistes
  • d’une main mise économique des Békés
  • du scandale du chlordécone (qu’il décrit à la page 53 mais également de la page 172 à 178 en dénonçant les ruses de l’ETAT avec ses propres principes et la portée limitée de la commission d’enquête présidée par S.LETCHIMY en vertu du principe de séparation des pouvoirs exécutif/législatif/et autorité judiciaire – PAGE 173 : d’où l’aveu d’impuissance du Député prononcé en septembre 2020 à l’Assemblée Nationale)
  • d’une identification au mouvement noiriste (mouvement populiste en Haïti visant à la promotion du Noir par opposition au Mûlatre)
  • d’un silence généralisé,

cette génération a décidé de se rebeller.

COMMENT SORTIR DE L’IMPASSE MEMORIELLE ?

Page 55 : L’auteur appelle à la réconciliation par la mise en place d’une Commission-Vérité-Réconciliation, pour passer des métaphores aux actes.

Et parce qu’il refuse de s’enfermer dans une impasse mémorielle, l’auteur nous convie dans une nouvelle démarche : la Réconciliation passant par une étape Vérité.

Vérité historique mais aussi vérité au quotidien car il est de plus en plus insupportable de vivre dans une société racialisée ou race et classe prédominent. Une société où le pouvoir économique est béké, les directeurs des services déconcentrés de l’ETAT, blancs, l’autorité judiciaire, elle aussi de couleur blanche.

PAGES 56-57 : Ainsi, Louis BOUTRIN s’appuie sur le modèle sud-africain et de nombreux exemples aboutis pour argumenter.

Que ce soient des politiques relatives au développement humain, à la performance économique, ou à la valorisation maîtrisée de nos ressources naturelles, se pose inlassablement la question de l’appropriation au plus près du territoire de ces compétences. L’articulation entre l’obligation d’efficience territoriale et la notion de subsidiarité, principe fondamental, met en questionnement le transfert du pouvoir décisionnel du centre vers la périphérie territoriale et se révèle incontournable dans le processus engagé pour mettre en œuvre nos politiques de développement durable.

La question du modèle économique se superpose donc à la question du modèle politique. C’est à ce niveau qu’intervient la nécessité d’une simplification et d’une adaptation.

Cette nécessaire évolution statutaire et institutionnelle se justifie également par :

  • Quelques difficultés de mise en œuvre, à l’instar de la Corse, en raison des imperfections de la loi du 27 juillet 2011 qui a institué la Collectivité Unique dotée d’une Assemblée Unique
  • Ainsi que des difficultés de mise en œuvre des habilitations et de leur coût.

D’où les propositions suivantes de Louis BOUTRIN :

  • PAGE 70 : la possibilité d’user de l’article L7252-1 du CGCT, comme fait par l’Assemblée de Martinique, sur proposition de la LFM pour son affiliation à la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), permettant la transmission directe au Premier Ministre de propositions, de modifications ou d’adaptations législatives ou réglementaires présentée par les Collectivités d’Outre-Mer,
  • PAGE 71 : l’adoption d’un article unique (en lieu et place des articles 73 et 74 de la Constitution) qui pourrait garantir à chaque Collectivité concernée de choisir la part d’identité législative et celle de spécialité législative qu’elle souhaite.

Page 72 : tout en restant ancrées dans la République, ces Collectivités d’Outre-Mer ou Collectivités à statuts particuliers, pourraient jouir d’une décentralisation avancée, voire d’une véritable autonomie régionale.

 

De plus :

  • Face au constat de l’inefficience du Schéma d’Aménagement Régional (SAR), adopté et approuvé en décembre 1998, la fracture territoriale et les inégalités spatiales s’étant accentuées durant ces deux dernières décennies.
  • Face à l’urgence d’implantation d’activités génératrices d’emplois, de façon équitable sur l’ensemble du territoire, et de maintien d’une offre de services publics,

Il faut un plan territorial d’action publique (le plan d’Aménagement et de Développement Durable pour la Martinique PADDMA) au service d’un projet de société et d’une population, pierre angulaire d’une vision politique, qui répond à des enjeux tels que l’environnement terrestre et maritime, les transports publics, l’énergie, l’économie bleue, la gestion des déchets, l’économie circulaire, la préservation et la mise en valeur de notre biodiversité, l’habitat, le tourisme, l’emploi, la décentralisation administrative.

Restait plus qu’à trouver le cadre juridique et politique adéquat, et c’est ainsi que l’auteur s’inspire du modèle Corse, le PADDUC dont la procédure d’élaboration est simplifiée et beaucoup plus courte que celle du SAR (voir renvoi 46 en page 94) : PAGE 94 « l’ex Conseil Régional (2010-2015) présidé par un urbaniste de formation, avait retenu l’option d’une révision complète du SAR qui n’a pourtant pas abouti après 6 années de travail.

Ainsi, le PADDMA ne pourrait se limiter à sa seule dimension juridique. C’est avant tout l’expression d’une volonté politique de domicilier la responsabilité martiniquaise et de l’exercer à l’échelon de ceux qui sont directement concernés par cette action publique d’aménagement du territoire

Qu’il s’agisse des problématiques d’aménagement du littoral et d’appropriation de la Zone Economique Exclusive (ZEE), l’auteur met en exergue les difficultés nombreuses rencontrées en matière de transfert de compétences.

Ainsi, PAGE 105/106 : les politiques à mettre en œuvre passent nécessairement par la domiciliation d’un pouvoir normatif qui englobe certaines attributions internationales mais aussi les problématiques juridiques de surveillance et de police de l’environnement.

PAGE 105 : La Martinique ne peut renoncer aux richesses halieutiques et minières de ses fonds marins mais doit disposer d’outils juridiques lui permettant d’accompagner à la fois la transition énergétique, la nécessaire mutation des pratiques de pêche et le développement d’une économie bleue.

AUTRE PARTIE DU LIVRE QUI A EGALEMENT RETENU MON ATTENTION : Réservée aux réalisations de la CTM

S’agissant de la transition énergétique, Louis BOUTRIN nous invite à relever le défi de la transition écologique par notamment :

  • la réduction de notre consommation énergétique à partir d’énergies fossiles dans la perspective de l’autonomie énergétique,
  • diminution du poids de notre facture énergétique dans la balance commerciale de la Martinique

La Martinique a pris en main son avenir énergétique, avec conviction et détermination :

  • Dès mars 2016, grâce à l’élaboration et la mise en œuvre effective d’un Programme Territorial de Maîtrise de l’Energie (PTME) puis d’une Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), la Martinique a pu économiser 8 jours d’énergie (32 millions de KWH)
  • Jusqu’en 2015, la Martinique était bonne dernière des territoires situés en Outre-Mer : 6.2% de pénétration des ENR dans la production électrique contre 25.5% aujourd’hui (mieux que la Guadeloupe qui passe de 18.5% à 23%) – Objectif : 56% pour 2023 qui pourront être atteints avec le mix énergétique retenu dans la PPE. Un véritable exploit !
  • Rénovation de l’éclairage public pour 23 des 34 communes (charge de 60% des dépenses énergétiques des communes) grâce à une modification du PO des Fonds Européens pour rendre éligibles les infrastructures publiques
  • De même, l’avènement d’une autorité organisatrice unique de transport sur l’intégralité du territoire est une avancée politique majeure : opérationnelle depuis le 1er juillet 2017, MARTINIQUE TRANSPORT a la volonté affirmée d’assurer réellement une mission de service public « laissée trop longtemps aux mains des délégataires et des corporations de transporteurs - L’amélioration de l’offre de transports publics terrestres et maritime devrait contribuer à « décarboner » l’essentiel de notre consommation énergétique - Il  en est de même s’agissant du développement des motorisations à faible émissions dans le renouvellement de la flotte d’autobus circulant sur les différents réseaux du pays, impératif de santé publique, car la Martinique figure parmi les 10 zones les plus polluées aux particules fines de l’Union Européenne 
  • La réorganisation et la modernisation du transport public est désormais en bonne voie en Martinique : des projets d’extension sont en cours, tant pour les déplacements terrestres que maritimes qu’il convient de coordonner.
  • La PPE prévoit également la mise en place d’un programme d’éco conduite.

 

Enfin, afin d’assurer l’accès à l’eau pour tous les Martiniquais, toute l’année, dans des conditions de potabilité optimale et à un prix économiquement acceptable pour tous, il convient de faire le choix d’œuvrer pour une politique de gestion publique de l’eau sous le contrôle et la responsabilité des élus à travers une entité unique. Ce qui impose d’anticiper le moment du renouvellement des contrats d’affermage (voir pages 153 à 154 les conclusions de la Chambre Régionale des Comptes) et d’avoir recours, sur ces grandes questions essentielles d’ordre écologique, à des procédures de démocratie participative indispensables à l’enrichissement du débat public et à la compréhension de la population.

En guise de conclusion, l’auteur nous envoie le message suivant : AYONS l’AUDACE de CHANGER, pour répondre à cette exigence de rupture et de revendication de plus de responsabilité ! 

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