La voix d'un peuple est plus forte que tout parce qu'elle est souveraine même dans l'adversité
Dans les actions qu’ils mènent, créer et promouvoir le développement durable du territoire par son histoire, est bien là, une démarche retenue par les dirigeants du Parc Naturel de Martinique..
C’est ainsi qu’en matière de « pays », l’Acadie s’est découverte à nous, en terre péléenne, au cœur de la commune du Morne rouge , sur les contreforts même de la montagne.
Et dans cette rencontre, c’est bien là, l’Histoire du Pays Martinique, son socle véritable, tout ce qui fait de lui, un havre de paix , une terre de passage, une somme de ressentis et dans sa finalité, une multitude de particularités.
En répondant hier à l’aimable invitation de la cellule de communication du Domaine d’Émeraude, j’étais bien loin d’imaginer que j’allais participer à une cérémonie, ô combien chargée d’émotions, celle qui me renvoya une fois de plus à mes propres questionnements, celui des origines.
Mais qui sont ceux qui se disent acadiens et que faisaient-ils en 1764 dans la rase campagne martiniquaise, entre les quartiers Sainte Cécile et Propreté, au Morne Rouge ???.
Je reçus une première partie de la réponse, dans le rire blême mais généreux d’une acadienne de souche martiniquaise, une descendante de ce peuple en quête d’une terre promise, « vot soleil , pardi ! » Me dit-elle.
Au cours de la manifestation, la réponse complète me renvoya plus loin, plus profondément , vers une sorte d’épopée qui rappelle à la fois le voyage d’Ulysse et la mission de Moïse et qui se poursuit en dédale sur notre île, dans la quête d’un ailleurs.
Des Acadiens en Martinique, c’est l’histoire d’un peuple de blancs européens, chassé par les Anglais en 1764 , dans une action punitive que ces premiers, nomment « le Grand dérangement »
Cent ans plus tôt , ils avaient fait partie de ce que l'on pourrait appeler l'empire colonial français, puis de l’empire colonial britannique, jusqu’au moment de cette grande méchanceté « grand dérangement » qui les remet une nouvelle fois sur la route, pour une de ces émigrations que décrit si bien la romancière canadienne Antonine Maillet, dans son œuvre épique « Pélagie la charrette ».
Dans son début de peuplement des îles , le Roy , dans ces réfugiés, vit une aubaine pour défricher la terre et la rendre moins hostile pour les cultures en vogue , la canne à sucre . le tabac , l’indigo. Il recueillit donc ces acadiens pour les placer dans ce monde créole que nous aimons nommer « dèyè do Bondié ». Tenus de les nourrir, les propriétaires firent subir aux expatriés, le même système de rations des esclaves, composées chaque semaine, de viande salée , de farine de manioc et les hardes qu’ils voulaient bien leur donner pour leur servir de vêtements. Une installation de entre Sainte Cécile et Bellefond où beaucoup d’entre ces esclaves blancs moururent, par les fièvres et les maladies tropicales.
En dépit de cette rude existence, le climat et la nature de chez nous, les aidant à rêver à cette terre de Moïse, les acadiens vécurent un peu comme nous, tant bien que mal. Ils construisent des chaumières, se marièrent, firent des enfants. Gens des bords de mer, ils aimaient à se retrouver à l’Anse Latouche, ils allèrent jusqu'à se mélanger à nos ancêtres .
Pourtant, ce sont ces mêmes éléments de la nature qui mettront fin à leur nouveau rêve, celle d’une Acadie en terre martiniquaise. La fréquence et la violence des perturbations naturelles les obligèrent pourtant à nuancer l’idée qu’on pourrait se faire d’une île amoureuse du vent , l'année où la saison des cyclones, ravagea l’île et particulièrement le Nord. Nos Acadiens martiniquais survivants ne résistèrent pas à cette abomination, ils prirent leurs balluchons pour un fouté moi l’camp sans retour, vers un continent et des Terres Neuves, une Nouvelle Ecosse, un Nouveau-Brunswick , la Louisiane et une Nouvelle Angleterre . Enfin bref , yo pati ! Et comme on aime à dire par chez nous, alé pa ayen , sé viré ki tout ! (Aller n’est rien, mais le retour ….)
Curieusement en découvrant l’émotion et les larmes de ces martiniquais de souche, dans ce retour en pays natal, me revint alors mon périple en terre africaine, au Mali. L’appellation « Grand dérangement » que je découvris à travers les analyses des Historiens acadiens et martiniquais, m’apparut presque familière, de même que le mot « résilience » dans la bouche d’une acadienne du Morne-rouge. A travers son visage raviné par des larmes et son accent du vieux français québécois, je songeais à nous… Aussi , je voudrais remercier par cet écrit, l'équipe du Parc National Martiniquais dans leurs actions, elle nous dit « Asé pléré ...! »