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VERS UN DOCTORAT « VITE FAIT MAL FAIT » ?

Par Leïla Frouillou et Paul Citron, doctorants sur www.lemonde.fr/
VERS UN DOCTORAT « VITE FAIT MAL FAIT » ?

Le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche travaille actuellement sur un arrêté qui fixe une durée maximale de trois ans pour la réalisation des thèses de doctorat. Des critiques se sont déjà fait entendre au sein de la sphère académique, et nous souhaitons par ce texte élargir le débat en discutant du modèle de société et d’accès au savoir qu’implique un tel arrêté.
 

La réduction obligatoire de la durée des thèses limite de fait l’accès des formations doctorales à un public de chercheurs privilégiés par les moyens financiers et matériels mis à leur disposition par l’institution universitaire. Elle exclut du troisième cycle tous ceux qui ne correspondent pas au profil attendu d’un étudiant sélectionné dès l’issue du deuxième cycle, et bénéficiant à ce titre d’un financement ad hoc. Ne pourraient donc plus prétendre au doctorat ni les salariés en reprise d’études, ni les étudiants possédant un parcours atypique.

Dans les processus de recrutement, la sélection exclusive d’étudiants correspondants exactement aux canons du système scolaire républicain augmenterait d’autant plus les fortes inégalités qui le caractérisent. Alors que les financements doctoraux sont déjà largement attribués aux étudiants issus des classes préparatoires et des grandes écoles, l’obligation d’être financé pour débuter une thèse restreindrait d’autant plus la diversité sociale et scolaire des futurs enseignants-chercheurs. Ne faudrait-il pas au contraire chercher à la développer ? Enfin, cette volonté d’uniformisation ne prend pas en compte la variété des conditions matérielles dans lesquelles sont produites les thèses, en termes de financements des laboratoires pour l’accès aux terrains, aux données, à des espaces et des instruments de travail adéquats.

En termes de production de savoir scientifique, la réduction de la durée des thèses favorise une standardisation des objets et des méthodes de la recherche, prenant modèle sur des pratiques déjà diffusées dans les sciences de la nature. On observe depuis quelques années une priorité donnée à des sujets de recherche répondant directement à des commandes des institutions chargées de leur financement. Cette primauté donnée à la construction a priori de sujets finançables et réalisables en un cours laps de temps, mais aussi valorisables directement auprès du monde économique, constitue de fait une limite à la créativité, à l’inventivité, à l’émergence d’objets comme de résultats inattendus, bref à l’« innovation » pourtant défendue par le ministère. La recherche demande aussi du temps et des erreurs, le projet d’arrêté méconnaît cette maturation nécessaire.

En tant que rouage essentiel du fonctionnement universitaire, à travers les enseignements dispensés aux étudiants de premier et de deuxième cycle, la plupart du temps dans des conditions précaires, les doctorants sont en droit de revendiquer la liberté de passer du temps à élaborer leurs recherches. Cette liberté, c’est aussi celle de construire des sujets singuliers, critiques, et potentiellement déconnectés d’objectifs de valorisation économique. Dans notre société désormais tournée vers l’économie de la connaissance, c’est au contraire un accès au savoir et à sa production ouvert au plus grand nombre qui permet le développement de recherches au service de l’intérêt général. Espérons que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche saura garder cet impératif à l’esprit, et reviendra sur son projet d’arrêté.

 

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