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Victoire des Sioux contre l’oléoduc Dakota Access

Sarah Roubato
Victoire des Sioux contre l’oléoduc Dakota Access

Cette victoire juridique fera jurisprudence aux États-Unis et peut-être ailleurs dans le monde. Car le combat que les autochtones mène est non seulement une cause pour la protection de l’environnement, mais aussi un rapport de pouvoir sur leur propre légitimité à être entendus comme des citoyens à part entière.

Il y a quatre ans, leur combat avait fait le tour du monde. Les Sioux de Standing Rock, dans le Dakota, manifestaient pour empêcher que l’oléoduc Dakota Access, un pipeline de 1800 km de long, ne passe sous le Missouri, près de leur réserve. En jeu, les droits des autochtones garantis par des traités, de disposer de leurs terres et d’un accès à l’eau potable.

Ils étaient devenus un symbole, renouant avec la tradition guerrière de certaines tribus autochtones, dont les Sioux, en lui donnant un nouveau sens dans le cadre du combat écologique, et une portée mondiale. La sévérité de la répression, le campement, le ralliement de milliers de membres d’autres tribus, avaient achevé la métaphore guerrière. Mais depuis, c’est une autre guerre qui se menait, moins spectaculaire et plus lente : celle des tribunaux.

Alors qu’en 2016 l’administration Obama avait suspendu le projet, l’année suivante, deux jours après son investiture, l’administration Trump l’a autorisé, et ce malgré un avis contraire du juge fédéral. Six mois plus tard, la construction de l’oléoduc était achevée. Depuis, l’huile coule à raison de 570 000 barils par jour.

Les Sioux se sont engagés dans une bataille juridique pour prouver que ce projet était illégal, ne respectant par les conclusions des études environnementales, faisant appel à des experts pour apporter des éléments techniques prouvant la dangerosité de ce projet et l’absence de garanties de la compagnie. Car devant les instances juridiques, ni les discours écolo ni les belles phrases sur Mère Nature ni le bruit médiatique ni les pétitions ne suffisent. Il faut apprendre à parler le langage de l’adversaire, et à l’attaquer sur son propre terrain.

Mercredi dernier, un juge fédéral a émis un avis remettant en question cette activité, estimant que les ingénieurs de l’armée américaine avaient violé le National Environmental Policy Act en faisant une étude dans laquelle les Sioux n’étaient pas inclus, estimant que « trop de questions restaient sans réponse » .

Les drapeaux flottent sur le camp Oceti Sakowin, 2016, près de Cannonball, Dakota du Nord. Photo : LUCAS ZHAO

La compagnie a beau brandir la menace du blocage de toute l’économie du pays et de sa sécurité énergétique, et affirmer que cette décision « contredit des décennies de pratique largement acceptée », la faiblesse du système de détection de fuite, des mesures de sûreté, et la non prise en compte de la rigueur des hivers dans le Nord Dakota n’ont pas échappé au juge fédéral.

Sans pour autant l’interrompre, il a laissé entendre que ce pourrait être le cas, si les résultats du réexamen environnemental ordonné devaient aller dans le sens d’un trop grand risque. Il laisse un mois aux deux parties pour argumenter dans un sens ou dans l’autre de la fermeture temporaire du pipeline en attendant la décision finale.

Quant à l’étude environnementale commandée, elle prendra au moins un an. Ce qui signifie que la décision finale reviendra sous une prochaine – on l’espère – administration, si Donald Trump n’est pas réélu.

Si on ne connaît pas encore l’issue finale, la victoire que les Sioux sont sûrs d’avoir remportés est celle de la légitimité. Elle fera jurisprudence aux États-Unis et peut-être ailleurs dans le monde. Car le combat que les autochtones mène est non seulement une cause pour la protection de l’environnement, mais aussi un rapport de pouvoir sur leur propre légitimité à être entendus comme des citoyens à part entière, connaissant les territoires sur lesquels ils vivent, et experts.

Manifestation contre l’oléoduc Dakota Access à San Francisco, Novembre 2016 – Crédit : Pax Ahimsa Gethen

Leurs sittings à Standing Rock et la violence de la répression en avaient fait un symbole de la lutte des autochtones dans le monde entier. Nous avons cliqué, partagé, encouragé. Puis d’autres nouvelles sont passées sur notre fil d’actualité, et nous avons rangé cet événement parmi les milliers d’informations que nous oublions.

Aujourd’hui leur victoire leur permet d’être à nouveau dans les titres des médias. Mais qu’en est-il de tous ceux qui se battent en silence, pour éviter les projets pharaoniques, et qui auraient besoin de la force médiatique pour faire avancer leur cause ? Il est peut-être temps de s’intéresser à ceux qui ne gagnent pas encore.

Il y a sans doute aussi une autre leçon à tirer pour tous les combats actuels pour le vivant et la justice sociale : que les rassemblements et la force médiatique ne suffisent pas. Les rassemblements permettent aux citoyens isolés de retrouver la force du commun, de ne plus être seuls, de créer du lien et d’échanger des informations. Ces liens perdurent bien au-delà du combat.

La force médiatique permet de donner un poids aux barrages et blocages, et de mettre une pression, celle de l’image, sur ceux que l’on remet en question. Mais il est un dernier élément sans qui ces efforts ne sont que feu de paille : la capacité, loin des caméras et des cris de ralliement, de pénétrer le système tel qu’il est, pour en déceler les failles et pouvoir l’ébranler en son sein.

Apprendre à connaître les institutions, les tribunaux, les lois que l’on remet en question, et quitter les campements où l’on refait le monde pour, avec plus d’humilité, faire tomber quelques pierres de l’édifice. Mais c’est parfois en faisant tomber la bonne que tout l’édifice s’ébranle.

Post-scriptum: 
Crédits photographiques couverture : Zen Lefort

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