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WALTERIO CARBONELL OU LA FORCE DES ANCÊTRES

WALTERIO CARBONELL OU LA FORCE DES ANCÊTRES


Walterio CARBONELL vient de mourir à Cuba, au terme d’une longue vie de batailleur.

Après ses études à Paris, à la Sorbonne, il se distingua dans la presse cubaine comme journaliste spécialisé dans l’international ; ami personnel de Fidel Castro, de son frère Raúl et du « Che » Guevara, il insiste auprès d’eux pour que soit pris en compte le point de vue des noirs dans le programme de la Révolution dès 1959. Il est nommé ambassadeur en Tunisie, puis revient à ses recherches d’historien de Cuba, où les noirs et métis, confondus, représentent depuis le milieu du XIXème siècle entre 30 et 60% de la population. Cette proportion, remarquablement stable, donne à la pensée noire cubaine une présence, une continuité et une souplesse uniques dans le dialogue avec la classe dirigeante, qui reste très blanche.

Walterio Carbonell est l’héritier et le continuateur de l’œuvre de toute une lignée d’hommes d’action et de penseurs cubains noirs : avant même l’époque des guerres d’indépendance bolivariennes en Amérique du sud, le dirigeant noir José Aponte (martyrisé en 1812) avait établi des liens avec Haïti, le sud des Etats-Unis et la Jamaïque, instaurant pour Cuba un projet de société démocratique, comportant nécessairement abolition de l’esclavage, indépendance et communauté des intérêts caraïbéens. Puis le général Antonio Maceo (mort au combat en 1897) sut mobiliser la population noire et modeste en général pour les guerres d’indépendance contre l’Espagne, de 1868 à 1898, et fut reconnu par les autres militaires et penseurs de l’indépendance comme la personnalité indispensable, à la fois sur le plan militaire, et pour donner son équilibre et son élan à la nouvelle société. Pendant la première moitié du XXème siècle, l’idéologie ségrégationniste états-unienne gagna du terrain, parallèlement avec l’emprise économique et maffieuse des Etats-Unis, avec des épisodes de répression féroce (1912) ; mais ce processus de mutilation de la nation fut bloqué par le patient travail des intellectuels noirs (Gustavo Urrutia, Juan René Betancourt) d’une part, et de la classe ouvrière sur les plantations sucrières (Jesús Menéndez) ainsi que dans les différents secteurs de l’industrie (Lázaro Peña, dans les manufactures de tabac), très majoritairement noirs ; ceux-ci à leur tour, donnaient leur assise solide aux combats et aux publications des intellectuels communistes les plus prestigieux (Julio Antonio Mella, Nicolás Guillén, Juan Marinello).

Walterio Carbonell envisageait de consolider les fondements de la révolution cubaine avec un mouvement comparable à celui des Black Panthers. Il publia en 1961 un volume qui reflète l’intense affrontement entre la réflexion de la base et celle des idéologues continuateurs de l’interprétation blancobiblique de l’histoire cubaine (Jorge Mañach, Raimundo Menocal), qui, tout en acceptant les nationalisations, les lois de réforme agraire et de réforme urbaine, tentaient avant tout de légitimer et de préserver les intérêts traditionnels des propriétaires ; Cómo se forjó la cultura nacional devint bientôt un livre mythique par la force de son argumentaire, mais un livre introuvable (réédité de façon confidentielle en 2005, il est disponible en français depuis 2007, aux éditions Menaibuc www.menaibuc.com , sous le titre L’apparition de la culture cubaine). L’auteur, marginalisé et stigmatisé depuis lors, resta cependant chercheur à la bibliothèque nationale de La Havane jusqu’à ces toutes dernières années, et c’est à ce poste qu’il a transmis -par la parole- à des générations de chercheurs son expérience, sa méthode, ses connaissances, ses convictions. Le groupe « Color cubano » (coordination : Gisela Arandia ; voir en anglais : www.cubaweb.com/arandia ) donne désormais une visibilité certaine au sein de l’union des écrivains cubains (UNEAC) aux idées défendues par Walterio Carbonell, ainsi que de nombreux centres de recherche dans tout le pays. (Voir : http://www.grioo.com/blogs/guyzoducamer/index.php/2007/06/08/1990-lafrique-et-les-afrodescendants-actions-concretes-de-solidarite-necessaires ).

 

L’Apparition de la Culture Cubaine, par Walterio Carbonell, (« Cómo se forjó la cultura nacional », La Havane, 1961) est un livre fondateur; il offre une méthode valable bien au-delà de Cuba, pour rendre à la part africaine de chaque société -du continent européen comme du continent latino-américain- sa place et son sens. Ce faisant, il fait une critique radicale de l’historiographie blanche, qu’elle soit bourgeoise ou se croie révolutionnaire. Ce n'est pas un hasard s'il insiste sur deux hauts lieux de la créativité africaine : la famille et la musique. Et il rend à la religion toute sa dignité, comme source de la cohésion sociale et de la créativité, mais aussi comme outil de combat et porte de toute connaissance (www.menaibuc.com ).

Maria Poumier, Paris, le 14 avril 2008.


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