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Alfred Marie-Jeanne--Miguel Laventure, les faux ennemis de toujours

Yves-Léopold Monthieux
Alfred Marie-Jeanne--Miguel Laventure, les faux ennemis de toujours

  La Martinique politique ne s’est pas réveillée ce jeudi matin 10 juin 2021 avec l’image de Miguel Laventure représentant Alfred Marie-Jeanne à une émission organisée la veille par Martinique la 1ère.

  En effet, on a souvent vu ces deux hommes travailler ensemble. Pourtant l’évènement n’était pas anodin et l’image a pu choquer les « puristes ». L’hypothèse de l’absence du président sortant de l’exécutif au débat électoral télévisé avait été envisagée par la plupart des observateurs. Son éventuel remplacement faisait l’objet de toutes les supputations. Des noms ont été avancés, mais personne n’avait pensé à Miguel Laventure, le meilleur représentant de l’attachement de la Martinique à la France, l’inverse de ce qu’est censé représenter la figure tutélaire de l’indépendance, Alfred Marie-Jeanne.

 Ainsi donc, on serait parvenu à l’acmé d’un phénomène que la classe politique, en panne d’arguments électoraux, résume habituellement par l’expression « alliance contre nature ». La chose est claire, c’est bien Miguel Laventure qui s’est rapproché d’Alfred Marie-Jeanne en figurant sur la liste conduite par ce dernier. Cependant Miguel Laventure a-t-il été acquis aux thèses indépendantistes ? A-t-il mené dans ces fonctions de conseiller de l’exécutif une politique visant au détachement de la Martinique de la France ? A-t-il aidé le mouvement séparatiste à faire un pas de plus ? Entre l’assimilationnisme et l’anticolonialisme, lequel s’est substitué à l’autre ? Bref, des deux dirigeants politiques, lequel a vu ses idées « déteindre » sur l’autre ?

 On se rappelle que Miguel Laventure avait accepté de participer à l’ancienne majorité à condition que les questions de statut ne seraient pas abordées pendant la mandature. Ce n’était pas de l’entrisme mais il avait la conviction qu’en faisant partie de l’équipe dirigeante de la CTM, Ba péy-i a an chans pourrait réfréner les ardeurs séparatrices éventuelles du Gran Sanblé. Aussi, au respect de son engagement par AMJ, Miguel a répondu par sa totale loyauté. Une loyauté qui fut davantage celle d’un haut fonctionnaire que d’un chef de parti politique. De fait, il fut l’expert et le conseiller, mais fort peu l’inspirateur de la politique menée par la CTM. Il accompagnait ou représentait le président à tous ses rendez-vous importants en Europe et en France, et même à l’Elysée. Il le représentait aussi à toutes les cérémonies officielles organisées en Martinique ; les dépôts de gerbes du 14 juillet ne furent pas les seules occasions. Bref, ce furent autant de gestes du patron du MIM en direction de Miguel Laventure qui furent conformes au courant qu’il représentait au sein du Gran Sanblé pou ba péyi-a an chans : la légitimité de l’appartenance à la République française.

  A l’inverse, le rapprochement des deux hommes, n’est-ce pas la démonstration que les indépendantistes comme les autonomistes (le PCM est membre de la coalition) révèlent leur vrai visage, celui de véritables assimilationnistes ?

  Au-delà des missions confiées par le Président indépendantiste au représentant le plus emblématique de l’attachement à la France, il y a lieu de reconnaître une estime personnelle du premier pour le second qui s’est exprimée en plusieurs circonstances. Dès la première mandature d’Alfred Marie-Jeanne à la région, celui-ci avait choisi Miguel Laventure pour le représenter à une conférence organisée sur le campus de Schoelcher. A ses amis qui s’étonnait qu’il ait désigné un élu de droite, il avait répondu par une boutade, comme il sait le faire : « Comment, Laventure n’a-t-il pas la compétence requise pour me représenter à une conférence d’universitaires ? » Par ailleurs, dès sa réélection à la région en 2004 le Président fut assiégé par ses amis l’invitant à débarquer Miguel Laventure de la présidence de l’Office du tourisme. Il attendit de longs mois avant d’y consentir. Une entorse à cette inclination s’était jadis produite lorsque le président de la région avait permis à l’un de ses conseillers de critiquer en des termes vifs le projet d’aquaculture dont le jeune élu d’alors avait été à l’origine. Silencieux, AMJ s’était contenté d’écouter le pourfendeur avant de l’interrompre. J’y avais vu sa volonté d’ôter son adversaire des griffes d’un ami agressif qui sera écarté du MIM quelques années plus tard.

  Fort-de-France, le 11 juin 2021

  Yves-Léopold Monthieux

Commentaires

Seydou Konate | 11/06/2021 - 16:19 :
Véritable assimilationnisme des "Indépendantistes" déjà perceptible à l'écoute de certaines de leurs demandes: maintien des 40% ,augmentation des dotations aux collectivités ,construction-reconstruction d'hôpitaux ultra-modernes etc.... Comment assurer le maintien de ces programmes tout en se séparant de la France?
redaction | 11/06/2021 - 18:50 :
L'Afrique-mère viendra à notre aide. Elle nous doit bien ça !
Seydou Konate | 11/06/2021 - 20:28 :
L'Afrique va nous aider? Un continent fauché qui peine à soigner et nourrir sa propre population!!!Elle n'a les moyens d'aider ni Haiti ,ni Sainte -Lucie mais va nous aider ?Vous plaisantez j'espère?
zouzoula | 11/06/2021 - 23:03 :
M. LAVENTURE a toujours manifesté assez de caractère pour que l'on sache qu'il n'est pas manipulable. Il sait, tout comme A. MARIE-JEANNE, que l'Indépendance n'est pas aux portes de la Martinique. Ces 2 hommes se sont entendus sur des objectifs qu'ils pensaient et pensent tous les 2 "atteignables" , raisonnablement "atteignables". Leurs convictions profondes ne sont pas à l'ordre du jour. Si A. MARIE-JEANNE avait fait durant son seul mandat de maire (qui lui a permis de s'élever à d'autres fonctions) ce qu'il souhaitait personnellement pour ce pays; il n'aurait été maire qu'une fois et serait rangé aux oubliettes depuis. C'est son pragmatisme, contestable ou pas, qui a fait de lui ce qu'il est. Peut-on croire que les hommes et femmes au pouvoir réalisent leurs rêves politiques ? Ils font au mieux (de leur point de vue et parfois aussi de celui du Peuple)) avec la matière qu'ils trouvent, c'est tout. Quand Eddie MARAJO se pose la question de la biographie de M. LAVENTURE, il monte sur ses grands chevaux : qui sommes-nous pour juger un tel ou une telle ? Quelle importance cela a en soi? Seules resteront les oeuvres durables des uns et des autres , qu'elles aient été heureuses mais aussi malheureuses pour la vie de leurs concitoyens obligés de subir les conséquences de ces actes. E. MACRON , à ce titre, est un exemple : de quel bord politique est ce président ? Il est arrivé au pouvoir par un chemin de Gauche mais il semble de Droite. Or, ni la Gauche, ni la Droite ni même le Centre ne se reconnaissent en lui .Il est pourtant bien là et attire vers lui des gens de bords divers et variés. Les tomates et les goyaves n'ont rien en commun intrinsèquement , pourtant d'une certaine façon , elles se ressemblent. Cela nous gêne t-il vraiment?
yvleo | 12/06/2021 - 07:03 :
Quelle est la Martinique d'aujourd'hui ? Est-ce celle voulue par Alfred Marie-Jeanne ? Ou celle défendue par Miguel Laventure ? L'histoire retiendra que Chaben a obtenu 2 fois que la constitution change pour permettre l'évolution statutaire de la Martinique. Il a obtenu 2 référendums qui ont permis d'en arriver à la collectivité actuelle, une collectivité décentralisée : un chouya d'autonomie disent certains. Bref, Chaben a été seul à l'initiative d'un changement institutionnel (contre les autonomistes qui avaient voté 2 fois NON, avec les départementalistes). Mais, loin de l'indépendance qui était son objectif, il s'est arrêté au tout début de ce que voulaient les autonomistes qui, eux, n'ont pris aucune initiative devant le peuple. Entre la Martinique française et la Martinique indépendante, le curseur s'est arrêtée à une Martinique française décentralisée. En définitive, la Martinique conserve un statut d'appartenance à la France. Est-ce un succès pour AMJ ? Est-ce une défaite pour ML ?

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