Comme promis, vous trouverez ci-dessous copie du questionnaire qu’à sa demande, j’avais adressé à Alfred Marie-Jeanne alors qu’il était président de la Région de Martinique. J’ai indiqué dans quelles circonstances j’avais été amené à lui adresser cette missive[1]. « Pas de problème » avait-il répondu dans un premier temps à ma demande d’entretien. En fin de compte, il me fit savoir que « ce n’était pas possible ».
En relisant les questions, je prends conscience du caractère audacieux de ma demande. Dans le récent ouvrage sur Aimé Césaire[2] j’apprends que la biographe Lylian Kesteloot avait préparé un questionnaire musclé pour interroger Fanon et Césaire. Ces derniers n’auraient pas répondu à toutes. A la réflexion, j’aurais pu être plus modeste s’il est vrai que les réponses attendues pourraient donner matière à une véritable biographie. Ce n’était pas l’ambition de l’auteur[3]. Je publie néanmoins ces questions car elles ont suscité et alimenté plusieurs de mes « contrechroniques ». Par ailleurs, les faits se sont chargés d’apporter des réponses et des enseignements que j’ai essayé de retranscrire dans l’ouvrage « Alfred MARIE-JEANNE a bouclé sa Révolution – YLM – juillet 2021 » qui paraîtra en librairie en fin de semaine.
Le terme « révolution » semble bien convenir pour décrire le parcours circulaire du président du MIM, dans la mission essentielle qu’il s’était assignée : l’évolution statutaire de la Martinique. La révolution a commencé comme maire SFIO de Rivière-Pilote, dont le point d’arrivée peut être fixé à la date de son compagnonnage officiel avec la Droite. En 2015 donc, le tour était déjà complet de sorte que l’insubmersible Alfred Marie-Jeanne n’a fait que survivre à l’époque qu’il avait incarnée avec d’autres, qui, elle, était bien révolue.
Fort-de-France, le 19 juillet 2021
Yves-Léopold Monthieux
QUESTIONS POSEES A ALFRED MARIE-JEANNE
Q 1 : A quel âge vous êtes-vous ouvert à la politique ? Et dans quelles circonstances ? Quels sont les faits majeurs de votre prise de conscience (…)
Q 2 : Au cours d’un bref entretien, en juin dernier, vous m’avez confirmé vos convictions indépendantistes et M’AVEZ ACCORDE :
. Que vous situez votre engagement politique au niveau de l’Histoire et des grands hommes qui ont obtenu l’indépendance de leur pays. J’ai cité spontanément les exemples de Simon Bolivar, Toussaint-Louverture et Fidel Castro : vous aviez acquiescé ;
. Que votre avenir personnel et celui de votre famille n’est pas un obstacle à vos convictions indépendantistes ;
. Que si la Martinique devait accéder à l’indépendance et votre nom, attaché à cette émancipation, une telle évolution vous conviendrait même si, par exemple, la Martinique devait subir le sort d’Haïti ;
. Bref, que vous êtes davantage un homme de pouvoir qu’un gestionnaire du quotidien.
Pouvez-vous, en quelques lignes, confirmer chacun de ces points (…) ?
Q3 : Camille Darsières a dit une fois, que contrairement à un autre responsable politique, vous aviez, vous, l’étoffe d’un homme d’Etat. Ce « mot » (qui n’a pas pu vous échapper) doit-il se rapprocher de l’idée que vous faites de vous-même ?
Q4 : Vous utilisez souvent l’expression « poubelles de l’histoire » pour parler de certains de vos adversaires. Lors de votre candidature aux municipales de Fort-de-France, en 2001, vous ne vous mesuriez pas tant à Serge Letchimy qu’à Césaire lui-même, celui qui vous dispute le rendez-vous devant l’histoire.
. Pouvez-vous dire en quoi cette assertion est vraie ou fausse ?
. Pensez-vous qu’il n’est plus possible de rattraper Césaire devant l’histoire ?
. Serge Letchimy n’est-il pas pour vous le nouveau concurrent devant l’histoire ?
Q5 : Par ailleurs, je suggère que votre vœu de voir nommer l’aéroport du Lamentin « Frantz Fanon » au lieu « d’Aimé Césaire » participe de la même préoccupation. Pouvez-vous faire connaître ce qui, selon vous, distingue les deux hommes et qui justifie votre faveur pour le premier ?
Q6 : Question double :
. Lors de votre dernière élection à la présidence de la région, vous avez à plusieurs reprises répété la phrase : « Je suis Président ». Pourquoi ?
. Par ailleurs, au cours des dernières élections législatives, lors d’un débat télévisé où André Lesueur vous avait désigné sous l’appellation de « Roi de Plateau-Roy », vous avez dit sur les ondes que ce titre vous plaisait bien.
Ne craignez-vous pas que ces deux exemples donnent prise à ceux qui vous accusent de vouloir exercer un pouvoir absolu ?
Q7 : Au soir du triomphe que vous avez remporté aux dernières législatives, vous avez annoncé que vous vous occuperiez désormais d’investir les mairies et les cantons. Or, le MIM n’a pas pu faire de nouvelle conquête. Qu’en pensez-vous ?
Q8 : Vous n’aviez pas caché votre désaccord avec la loi sur le non-cumul des mandats, que vous n’avez pas votée à l’Assemblée nationale, estimant que seuls les électeurs doivent décider en la circonstance. Etait-ce déjà un manque de confiance en la capacité de vos camarades à se faire élire ? Et que vous deviez tout faire vous-même ?
Q9 : Vous avez gravi tous les échelons de la vie politique martiniquaise : maire, conseiller général, conseiller régional, député, président du conseil régional. Envisagez-vous d’être un jour sénateur ?
[1] Entretien manqué avec Alfred Marie-Jeanne (I) 9 juillet 2021
[2] Aimé CESAIRE - Kora Véron – 855 pages - Mai 2021 - SEUIL
[3] Contrechroniques de la vie politique martiniquaise – Yves-Léopold Monthieux– 2008 - Désormeaux.
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