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A Cuba, c’est un ouvrage de référence, il constitue une des premières présentations de l’île.

Marie-Noëlle RECOQUE DESFONTAINES
A Cuba, c’est un ouvrage de référence, il constitue une  des premières  présentations de l’île.

Jean-Baptiste Rosemond de Beauvallon (1819-1903) naît, en 1819 dans une famille blanche, en Guadeloupe. Il y est élevé (contrairement à de nombreux blancs-pays envoyés très jeunes en France). Il fait ses études à Paris, où il fréquente Alexandre Dumas et Honoré de Balzac, il devient journaliste, notamment en tant que rédacteur en chef de la Revue coloniale. En France, il souffre de voir critiquer les blancs créoles dans le cadre des débats ayant pour thème l’esclavage.

 En 1845, il est accusé de meurtre (il s’est battu en duel au pistolet) puis acquitté. Mais en 1847, condamné à la prison  pour parjure, il s’évade à l’occasion de la Révolution de 1848 et retourne en Guadeloupe. Il y dirigera L’Echo des Antilles puis Le Courrier de la Guadeloupe, dans lequel il publiera en feuilleton « La Charmeuse », avant de faire paraître, en 1885, un roman de moeurs intitulé « Hier ! Aujourd’hui ! Demain ! ou les Agonies créoles ». En 1901, il publiera « Les Corsaires de la Guadeloupe sous Victor Hugues ».  Il meurt en 1903 après avoir été le témoin des bouleversements ayant transformé la société guadeloupéenne, il a vécu avant et après l’abolition de l’esclavage survenue en 1848. Ses écrits revêtent pour cette raison un grand intérêt documentaire, notamment sur le déclin de la caste des grands-blancs. Antirépublicain, partisan de l’esclavage, R. de Beauvallon tente après l’abolition de développer sa propre conception d’un rapprochement jugé nécessaire entre les races, rapprochement  similaire sans doute à celui souhaité par un de ses personnages qui le qualifie d’« entente cordiale entre l’intelligence et le nombre. ».

Au début du XIXe siècle, R. de Beauvallon, partisan de l’esclavage, élabore le projet d’écrire une histoire des colonies à la gloire des blancs créoles, selon lui injustement décriés dans la métropole. En 1841, il séjourne plus d’un an à Cuba, alors colonie espagnole, et publie en 1844, sous le titre « L’île de Cuba »,  les notes prises à cette occasion. L’auteur ne donnera finalement pas suite à son projet global d’écriture, l’esclavage étant aboli en 1848. Son ouvrage, outre son parti pris idéologique, démontre la culture, la curiosité, les qualités d’écriture et d’observation de Rosemond de Beauvallon qui n’a, au moment où il fait le compte rendu de son voyage à Cuba, que 23 ans.

Tout au long de son séjour, il profite de la moindre occasion pour critiquer les Anglais qu’il abhorre (ils ont déjà aboli l’esclavage et critiquent la France de ne pas l’avoir fait), les traitant de « saltimbanques humanitaires » et de « philanthropes de pacotille ». Par ailleurs, il décrit les mœurs et coutumes des Cubanais (sic).

Ce qui l’étonne : Les clivages entre classes sociales blanches s’effacent à Cuba, remplacés par une confrontation articulée autour de questions politiques. Ainsi, s’opposent esclavagistes et abolitionnistes, partisans et adversaires de l’indépendance de l’île et remarque-t-il, « toutes ces opinions différentes s’agitent, se heurtent, se discutent pour ainsi dire sous le couteau des nègres et à quelques lieues à peine de Saint-Domingue ensanglantée. » Autre raison d’être surpris : il voit dans la campagne des blancs travaillant au coude à coude avec leurs noirs sans y trouver « la preuve  d’une condition inférieure ».

Ce qui l’indigne, lui, qui se définit comme «homme de sage progrès » et philanthrope non abolitionniste (sic): Dans la ville de Matanza, il assiste à un spectacle auquel il ne s’attendait pas. Sur le pont de bateaux anglais, des émigrés des Canaries sont exposés « comme une vile marchandise qu’on livre au premier qui consent à en solder le port ». Ce qui le choque, c’est que les malheureux examinés, « ainsi qu’on fait au marché d’une cavale à vendre », sont blancs.

Il s’enfonce dans le pays avec Pepe Ascension, « une espèce de singe grand, sec et noir », guide émérite. Les deux hommes vont bien s’entendre. Ils rencontrent un brigand de grands chemins que Rosemond impressionne en lui faisant une démonstration d’adresse au pistolet. Puis fort de son expérience d’exploration du massif montagneux guadeloupéen, l’auteur s’enfonce dans l’intérieur de l’île guidé par « l’instinct sauvage » de Pépé qui lui fait suivre sans faillir le tracé de la carte emportée. Ils ont alors à triompher de la voracité d’oiseaux de proie appelés caracaras, d’une meute de cochons sauvages puis de crocodiles, avant de découvrir une forêt de mythiques gaïacs.

Au terme de cette équipée, les deux aventuriers ont bien du mal à se séparer. Rosemond poursuit, seul,  son chemin. Les hauteurs de la Sierra Maestra lui rappellent alors le Houëlmont de la Guadeloupe et Santiago, Pointe-à-Pitre. Dans le village de Caney, il rencontre des « naturels du pays » qu’il juge « abrutis par la paresse » avant de s’intéresser aux mœurs des nègres de la région. L’étude de ces derniers devait constituer la matière d’un second ouvrage qui ne sera pas écrit. Il tient quand même à faire savoir d’ores et déjà que le nègre vénère son maître blanc « comme un être supérieur » et qu’il est le « le plus heureux des hommes ». Il termine en déplorant la mauvaise réputation faite au blanc créole propriétaire d’esclaves. A noter que le terme d’esclave n’est jamais employé, les mots « noirs » ou « nègres » suffisant à désigner cette condition.

Ce livre, bien renseigné, écrit par un Guadeloupéen blanc sur les Cubains blancs, tels qu’il les a rencontrés en 1842, ne manque pas d’intérêt et permet un retour sur les moeurs de l’époque. Le dépaysement est assuré mais surtout édifiant.

 

 Marie-Noëlle RECOQUE  DESFONTAINES

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